Courrier International - 19.09.2019

(avery) #1

Courrier international — no 1507 du 19 au 25 septembre 2019 Lettre aux futurs habitants des maLdives. 33


Frontières maritimes des états,
basées sur les zones économiques exclusives (ZEE)

Archipels dont les atolls sont menacés
à court terme par la montée des eaux

Haute mer (bleu le plus foncé),
hors de la juridiction des États

Litiges frontaliers
en mer de Chine méridionale

Minamitori
(Japon)

Minamitori
(Japon)

Îles
du détroit de Torrès

Îles
du détroit de Torrès

1 500 km AUSTRALIE

Tropique
du Cancer

180°
(Antiméridien)

Tropique
du Capricorne

Équateur

OCÉAN
PACIFIQUE

OCÉAN
INDIEN

SOURCES : “ATLAS GÉOPOLITIQUE DES ESPACES MARITIMES” (ÉD. TECHNIP), ABC (AUSTRALIAN BROADCASTING CORPORATION)

5 m

Minamitori
(Japon)

Îles
du détroit de Torrès

CHINE

TAIWAN

JAPON

ÎLES SALOMON

VANUATU

PALAOS FÉDÉRATION DE MICRONÉSIE

MALDIVES
INDONÉSIE

NAURU
KIRIBATI

TUVALU

FIDJI

TO*

BR*

M A*

M A*

SI*

PHILIPPINES

TONGA

NIUE

S A*

KIRIBATI

ÎLES
MARSHALL

PAPOUASIE-
NLLE-
GUINÉE

Mariannes
du Nord
(É-U)

Hawaii (É-U)

Îles Cook
(N-Z)

Tokelau
(N-Z)

Kermadec
(N-Z)

Nouvelle-
Calédonie
(France)

Îles
Carteret

Îles
Loyauté

Îles
du Nord-Ouest,

Îles
Andaman-
et-Nicobar
(Inde)

Norfolk
(Australie)

WF*
(Fr.) Samoa (É-U)

Wa k e
(É-U)

Îles
Spratly

Guam (É-U)

Christmas
(Austr.)

Cocos
(Austr.)

Johnston
(É-U)

Howland
and
Baker
(É-U)

Palmyre
(É-U)

* Abréviations : BR Brunei, MA Malaisie, SA Samoa, SI Singapour, TO Timor oriental, WF Wallis-et-Futuna (France).

Quand une île se retrouve submergée,
que deviennent ses frontières maritimes?
La Convention des Nations unies sur le droit de la mer
(1982) délimite les frontières maritimes en fonction de
la présence de terres émergées et de leur trait de côte.

L’immersion des terres peut signifier la fin des eaux
territoriales et ZEE associées. Et entraîne l’extinction
des droits de pêche et d’exploitation des ressources sous-
marines qui s’y rapportent. Les enjeux sont tels que des
experts internationaux se sont déjà réunis pour évoquer

la possibilité de conserver des frontières malgré
la submersion des terres. Les risques de litiges sont
innombrables. Mais la Communauté du Pacifique (CPS)
pense que ses 22 membres auront intérêt à privilégier
la coopération plutôt que la contestation.

Les îles d’Asie-Pacifique les plus menacées face à la montée des eaux


les énormes problèmes dont nous étions pourtant
conscients. Nous étions obsédés par la montée
du niveau de la mer – tout le monde savait que
votre pays était condamné. Sur la seule année
2017, l’Antarctique a perdu 200 milliards de
tonnes de glace. Mais nous avons prêté moins
d’attention aux autres problèmes attribués aux
changements climatiques : les vagues de chaleur
plus fréquentes, qui faisaient des morts parmi les
jeunes et les vieillards ; la diminution des récoltes
et la réduction alarmante de la valeur nutritives
des aliments ; la hausse des températures et la
multiplication des épisodes de sécheresse ; les
pénuries d’eau qui touchaient des grandes villes
dans le monde entier, à mesure que les nappes
phréatiques s’asséchaient ; ou les 28 000 cours
d’eau de Chine qui avaient disparu en dix ans.
Notre problème était jusqu’à un certain point
un manque d’imagination, comme l’ont signalé
certains auteurs de notre époque, notamment
Amitav Ghosh, dans son livre lumineux The
Great Derangement [2016, non traduit en fran-
çais]. Il se plaignait [dans cet essai] qu’aucun
auteur de fiction n’ait réussi à s’emparer des
changements climatiques. Pourtant, le climat

n’était pas au beau fixe, ni au cinéma ni dans les
séries. Que l’on pense à la prophétie de Game of
Thrones (“L’hiver vient”) ou à l’aridité qui régnait
dans les opus plus récents de Mad Max et de Blade
Runner. Loin de constituer une mise en garde,
cela n’a servi qu’à nous détourner de la réalité ou
à nous endormir. Aucun film, aucun roman ne
pouvait rendre compte de l’échelle des dérègle-
ments climatiques. Alors même que les connais-
sances scientifiques progressaient, nous avons
détourné nos regards.

ous savions donc ce qui vous
attendait, même si nous ne
pouvions pas nous décider à
arrêter les frais, ou même à
limiter les dégâts. En 2018, il était sans doute
déjà trop tard pour stopper une augmentation
des températures de 2 °C, dans la mesure où le
dioxyde de carbone et le méthane peuvent sub-
sister dans l’atmosphère pendant des siècles.
Mais nous aurions pu éviter la catastrophe de
hausses supplémentaires. Au lieu de cela, nous

avons persisté dans l’erreur. Tels des zombies
du climat, incapables d’imaginer l’avenir que
nous nous préparions.
Si nous avions commencé en 2000, il aurait
fallu réduire les émissions de gaz carbonique
de 3 % par an, soit un seuil gérable, pour main-
tenir la hausse des températures à 2 °C. Si nous
avions commencé en 2019, il aurait fallu bais-
ser de 10 % par an. Cela nous aurait coûté envi-
ron 3 000 milliards de dollars [2 500 milliards
d’euros] par an en investissements dans les
énergies propres si nous avions voulu limiter le
réchauffement planétaire à 1,5 °C – une somme
considérable, mais bien en dessous des quelque
5 000 milliards par an [4 200 milliards d’euros]
engloutis par les énergies fossiles sous forme de
subventions diverses. Si, comme l’affirmait David
Wallace-Wells dans son ouvrage The Unihabitable
Earth [Penguin 2019, non traduit en français],
les 10 % les plus riches de la population mon-
diale avaient réduit leurs émissions au niveau
moyen de l’Union européenne, nous aurions pu
limiter la production mondiale de dioxyde de
carbone de 35 %. Notre manque de volonté poli-
tique, avec des dirigeants qui tournaient → 34
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