- Courrier international — no 1507 du 19 au 25 septembre 2019
Le rugby japonais
attend un effet
Coupe du monde
Sport. La compétition, qui débute le 20 septembre
à Tokyo, doit permettre de développer le business
de l’ovalie. Ce qui suppose une plus forte
professionnalisation, estime ce magazine économique.
Environnement .38
Signaux ....... 39
—Nikkei Asian Review
(extraits) Tokyo
L
a saison de rugby ne s’ou-
vrira que dans deux mois,
mais ce dimanche matin,
sur le terrain de sport d’un lycée
du centre de Tokyo, quelque
120 élèves, des primaire pour la
plupart, font des passes et des
plaquages dans la chaleur de l’été.
Créée en 2013, l’école de rugby
de [l’arrondissement de] Bunkyo
est l’un des 25 clubs de l’agglo-
mération tokyoïte. Kanta Mitake,
12 ans, en est membre depuis ses
6 ans et se prépare à disputer la
coupe de la ville en novembre.
Kanta a déjà assisté à quantité de
matchs au stade Chichibunomiya
de Tokyo, le QG du rugby japo-
nais, mais n’a jamais eu l’occasion
de voir jouer l’équipe nationale
- jusqu’à maintenant. “J’ai super
hâte d’assister à la Coupe du monde
dans un stade”, s’enflamme-t-il.
Télévision. C’est sur cet enthou-
siasme que World Rugby, l’ins-
tance faîtière de l’ovalie mondiale,
va devoir surfer si elle veut tirer
profit de la première Coupe de
monde de rugby à se tenir en Asie,
dont le coup d’envoi sera donné
le 20 septembre à Tokyo. Plus
de 500 000 supporters étran-
gers devraient débarquer dans
les semaines qui viennent : la
quasi-totalité des 1,8 million de
billets mis en vente est déjà partie.
World Rugby estime que 40 mil-
lions de Japonais (soit un tiers
de la population) vont suivre le
match d’ouverture à la télévision.
Le défi pour les organisateurs
est de profiter de cette f lam-
bée de popularité pour jeter une
tête de pont en Asie et réitérer
le succès de la Coupe du monde
de football de 2002, organisée
conjointement avec la Corée du
Sud. L’événement – c’était la
première fois qu’une Coupe du
monde de foot avait lieu dans la
région – avait été un tournant
majeur dans l’histoire du sport
asiatique, provoquant un engoue-
ment qui perdure, et grâce auquel
le marché du football asiatique
pèse aujourd’hui plusieurs mil-
liards de dollars.
Le rugby a plus de retard à rat-
traper. En raison d’une audience
plus restreinte à l’échelon natio-
nal, et à moins d’un an des Jeux
olympiques [d’été de 2020, à
Tokyo], les organisateurs de la
Coupe et les sponsors disposent
d’une fenêtre de tir limitée s’ils
veulent convertir les foules au
ballon ovale.
“C’est la première Coupe du
monde de rugby organisée en Asie
- à nous de faire en sorte qu’elle soit
historique, déclare Akira Shimazu,
directeur général du comité orga-
nisateur de la Coupe 2019. “[Le
tournoi] ne doit pas fédérer unique-
ment les gens qui jouent déjà, mais
aussi les futurs joueurs.”
Le rugby japonais a déjà connu
des faux départs, dont le plus
grand après la victoire “mira-
culeuse” contre l’Afrique du Sud
lors de la Coupe du monde de
2015 en Angleterre.
Le Japon a alors 3 points de
retard sur l’Afrique du Sud –
l’un des cadors de la discipline - lorsque le match entre dans
sa dernière phase de jeu. Les
Nippons laissent volontairement
passer deux occasions de mettre
une pénalité et d’égaliser – ce
qui aurait été déjà une belle per-
formance. Et ils tentent le tout
pour le tout. Les Brave Blossoms
[“Bourgeons courageux” de
cerisier] assiègent la ligne des
Springboks avant d’envoyer le
ballon dans les bras du joueur
d’origine néo-zélandaise Karne
Hesketh, qui marque un essai
dans le coin gauche. Explosion de
joie. Le Japon a stupéfié l’ovalie.
Des joueurs comme l’arrière
Ayumu Goromaru se font alors
un nom et le pays s’enflamme
pour le rugby. Pour un temps.
La fréquentation moyenne des
tribunes de la Top League, le
championnat du Japon, passe à
6 470 personnes pendant la saison
2015-2016, contre 4 719 l’année
précédente. Mais les travées se
sont rapidement retrouvées clair-
semées pour se stabiliser autour
de 5 000 spectateurs.
“[Le match] a braqué les pro-
jecteurs du monde entier sur
nous, mais on n’a pas su en tirer
profit, confesse le directeur de la
Fédération japonaise (la JRFU),
Kensuke Iwabuchi. La JRFU ne
s’était pas suffisamment préparée
et ne savait pas quoi faire d’une
telle victoire, ça a été trop sou-
dain. Mais cette Coupe du monde,
trans-
versales.
économie
La liste des
entreprises qui
possèdent des équipes
ressemble à un Who’s
Who du secteur privé.
↙ Dessin de Falco,
Cuba.