2019-10-11_51_Yam

(coco) #1
LES RACES

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L


ouis XIII, Georges Clemenceau, Orson Welles... Tous
auraient raffolé de la poule de Houdan, dont l’extrême
finesse de chair et le goût prononcé sont vantés dès le
xive siècle. Une madeleine de Proust encore 700 ans plus tard.
Dans les Yvelines comme en Eure-et-Loir, les élevages se multi-
plient alors, laissant apprécier le plumage de cette volaille me-
nue, le plus souvent noir « caillouté blanc », sa crête double,
sa huppe à plumes et ses pattes à 5 doigts. Une rareté chez les
gallinacés. Un beau spécimen à n’en pas douter. Reste que l’ani-
mal est fragile, au point de ne pas supporter l’élevage en batterie.
Incompatible avec le rythme effréné des Trente Glorieuses. La
race ne survit pas à l’industrialisation et à la consommation de
masse. Enfin presque... Ces dernières années, Éric Sanceau est
l’un des rares à avoir misé dessus. À Auffargis, en plus de ses éle-
vages de chevaux de concours et de bœufs, cet ancien cavalier
international dispose de plus de 250 poules de Houdan élevées


à façon. « Une espèce difficile, qui gagne à grandir avec des
consœurs plus tranquilles comme les Faverolles. Sans parler de
sa croissance lente, qui s’étale sur 6 à 8 mois et nécessite de revoir
très régulièrement l’alimentation. » Malgré l’absence en Île-de-
France d’abattoir réellement adapté à ce produit d’exception,
les chefs et artisans exigeants en redemandent. Frédéric Vardon
au 39V a déjà servi ce gallinacé en déclinaison : le « bateau »
rôti, le gras de cuisse en ballottine façon poule au pot, les pilons
en quenelle, puis les gésiers et le foie en farce sur une tranche
de pain à la graisse de volaille... Au Waldorf Astoria Versailles


  • Trianon Palace (1*), Frédéric Larquemin, lui, privilégie une
    cuisson douce, sous vide, avec un nappage à la sauce soubise. De
    son côté, Antoine Westermann ambitionne de travailler à son
    tour la poule de Houdan dans son Coq Rico, tout comme Gilles
    Vérot de la maison du même nom, désireux lui de réaliser un
    véritable pâté de Houdan. Vivement demain!


Jusqu’au début du xxe siècle, les gourmets
plébiscitent cette race française, originaire de
la commune francilienne éponyme. Au point de faire
de l’ombre aux volailles de Bresse! L’après-guerre puis
l’intensification des élevages ont malheureusement
presque raison d’elle... Grâce à quelques passionnés,
la poule de Houdan revient aujourd’hui dans l’assiette.
L’occasion d’en dresser le portrait.

LA POULE


DE HOUDAN



TEXTE JÉRÔME BERGER
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