2019-10-11_51_Yam

(coco) #1
FACE À FACE

— 107 —

L


es Grands Voisins. Tel est le nom donné
à l’espace pluriel aménagé dans les locaux
de l’ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul. À
deux pas de Denfert-Rochereau, sur des mil-
liers de mètres carrés, fourmillent un accueil de
jour de demandeurs d’asile, des associations,
des artisans, de jeunes entreprises... Parmi elles,
Hydropousse, installée dès l’année de sa créa-
tion, en 2016, dans un ancien bloc opératoire
du site. Son alimentation électrique sûre et sa
ventilation filtrée se prêtent alors particulière-
ment bien à la culture en intérieur. En tout cas,
mieux que les 30 m^2 du salon de Montreuil
du couple de fondateurs, transformé en deux
coups de cuillère à pot en ferme urbaine. L’en-
gouement suscité chez les chefs parisiens fait
le reste. « Il en a suffi d’un, puis très vite une
dizaine a suivi, jusqu’à cent désormais! » Au-
jourd’hui, Audrey Bonneil et son compagnon,
Xinhui Xu, veillent sur un sous-sol de 160 m^2 ,
où poussent basilic citron, oxalis, persil plat,
tagète, coriandre... Pas de fenêtre. Des étagères
métalliques en majesté. Tout un écosystème
technique garantissant un éclairage artificiel
de 16 h par jour, une température constante
de 25 °C, un taux d’humidité avoisinant les
70 %, un arrosage en circuit fermé, une ven-
tilation adaptée afin d’apporter le CO2 né-
cessaire à la photosynthèse... « Les conditions
idéales », selon Xinhui. Cette conviction,
le développeur informatique qu’il était l’a
acquise sur Internet. Son guide à l’heure de
s’auto-former, en particulier auprès de sites
hollandais, « particulièrement en pointe dans
ce domaine ». Mais  l’environnement ne fait


pas tout. « Derrière la technique, il y a l’usage
qu’on en fait. » Eux ont pris le parti de pro-
duire bon. Pour la planète comme pour leurs
clients. À la fibre de coco, utilisée habituelle-
ment comme substrat, nos deux entrepreneurs
préfèrent celle de laine recyclée, au meilleur
bilan carbone. Pour les mêmes raisons, ils
s’interdisent de démarcher des chefs en dehors
de Paris et de sa proche banlieue. Et bien sûr,
aucun pesticide ni autre traitement de syn-
thèse ne sont administrés. Côté goût, ils fa-
vorisent une croissance douce, permettant de
mieux respecter le cycle des micro-pousses,
de leur germination en quelques jours à leur
développement au-delà des cotylédons. « Ces
premières feuilles n’ont pas toutes les qualités
organoleptiques des suivantes. Patience donc. »
Et pas que. Au cas par cas, Xinhui stimule cer-
tains végétaux. Ici, en les exposant à plus de
lumière, de façon à ce qu’ils produisent une
huile essentielle de défense qui renforce leurs
saveurs. Là, en les ventilant pour raffermir leur
tige et offrir plus de résistance en bouche. Ré-
sultats? Coupées au stade de maturité et à la
taille demandés, les micro-pousses sont livrées
chez les chefs dès le lendemain de leur récolte.
« Contre 4 à 5 jours pour celles achetées en
Hollande. » Elles jouissent de fait d’une bien
meilleure longévité. « Durant près de 7 jours,
nos végétaux continuent d’offrir une belle inten-
sité en bouche. » Soit une seule commande par
semaine, pas de tri ni de lavage avant chaque
utilisation, et des goûts au sommet. De quoi
ravir les sceptiques de la culture indoor...

COUPÉES AU STADE DE MATURITÉ


ET À LA TAILLE DEMANDÉS, LES MICRO-


POUSSES SONT LIVRÉES CHEZ LES CHEFS


DÈS LE LENDEMAIN DE LEUR RÉCOLTE.


LES MICRO-POUSSES D’AUDREY ET DE XINHUI

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