2019-10-11_51_Yam

(coco) #1
REPORTAGE

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Vous avez décroché une étoile Michelin
à la dernière édition du guide, que
représente-t-elle pour vous?
C’est un plus, j’en suis fier et content. D’autant
que je suis le seul chef d’origine cambodgienne
à avoir une étoile. Pour autant, cette récom-
pense n’a pas changé notre façon de penser,
de cuisiner. Mais cette étoile est la preuve qu’à
force de travail, on peut y arriver. J’ai toujours
travaillé non pas deux fois plus, mais trois fois
plus que les autres pour être à leur niveau.

Après Tomy and Co, vous avez ouvert
Hugo and Co, puis Marso and Co. Soit
3 restaurants en 3 ans... Pourquoi ce « co »
dans tous les noms de vos restaurants?
Ce co fait référence à la cohésion des équipes,
à mes collaborateurs, à ma femme Constance
qui travaille avec moi... C’est ensemble que
nous avons créé Tomy and Co, un restaurant
étoilé servant une cuisine populaire. Notre
dernier-né, Marso and Co, met à l’honneur
la cuisine méditerranéenne, dans un esprit de
partage. Je souhaitais rendre hommage à l’Ita-
lie, au Liban, à la Grèce, des pays où j’ai sou-
vent voyagé avec ma famille.

Comment aimez-vous cuisiner le foie gras?
Je le mets à la carte plutôt en automne et en
hiver. J’aime surtout le foie gras rôti, poêlé.
Il m’arrive même de rôtir un lobe entier pour
certains de mes clients : dans un sautoir, je l’ar-
rose tout au long de la cuisson pour lui appor-
ter ce croustillant incroyable en bouche.

Quels ingrédients fonctionnent bien
avec le foie gras?
La garniture doit « casser » le côté gras du
foie gras. Comme avec les fruits crus et cuits
qui apportent de la fraîcheur, de l’acidité. Je
me souviens de mon expérience chez Daniel
Boulud, il servait le foie gras avec des prunes,
du raisin, des fraises... Je pense que le foie gras
marche avec tous les fruits. J’aime aussi le ser-
vir avec des légumes en pickles, radis ou navet
par exemple, qui viennent apporter un jeu de
texture avec leur croquant.

Et du côté des épices?
J’apprécie particulièrement le poivre de ver-
veine, dont le côté à la fois floral et fruité
marche bien avec le foie gras. Il y a sinon le
piment d’Espelette, la fève de tonka, des asso-
ciations plus classiques mais qui ont fait leurs
preuves.

Quelles sont vos envies pour la suite?
Selon moi, la cuisine est un moyen de faire
plaisir aux gens et à mes équipes. J’ai 39 ans et
je suis chef depuis 7 ans. Ma vision se construit
à long terme, car je sais que le plus dur, c’est
de durer. Je m’inspire de mes modèles, Julien
Duboué, Alain Solivérès, Yves Camdeborde.
Je veux être reconnu par mon travail et j’es-
père sincèrement que ce n’est que le début du
chemin aujourd’hui. Aujourd’hui, nous em-
ployons 25 personnes entre nos 3 restaurants.
Mon rôle est de montrer la voie à mes équipes
et de poursuivre ce que nous avons démarré...

LES RECOMMANDATIONS DE JEAN-LUC DANJOU
MOF ET DIRECTEUR TECHNIQUE DE L’ÉCOLE DU FOIE GRAS ROUGIÉ

J’ai toujours plaisir à découvrir les chefs à
travers leurs recettes. Elles sont souvent le
révélateur de leur personnalité, leur sensi-
bilité, leur goût. Ces plats de Tomy Gous-
set laissent apparaître un cuisinier franc et
direct, sans fioritures, ni ronds de jambe.
Construit sur de solides bases, il entremêle
saveurs et textures avec assurance. Ainsi, le
mariage de la bonite fraîche et moelleuse,
ferme et souple avec ces quartiers de lobe
de foie gras Rougié juste sautés, encore
brûlants dans l’assiette, crousti-fondants,


le tout réuni par cette vinaigrette nerveuse
nous laisse imaginer une rencontre des plus
exquises! Il est vrai que les poissons gras
comme le saumon, l’anguille ou la sardine,
contre l’idée d’une superposition gras sur
gras, offre des accords très intéressants, à
condition d’exciter ce mélange généreux
d’une note acide. Et que dire de ce pithi-
viers salé, cousin des tourtes et pâtés croûte
chauds! Un classique des plus gourmands
où le foie gras se taille souvent une belle
part. Imaginez ces effluves qui vous enivrent

les narines d’odeurs de foie chaud et de
viandes cuites macérées relevées de notes
d’alcool, d’épices et d’aromates. Lorsque la
lame de votre couteau vient faire craquer
cette pâte encore fumante pour se glisser
ensuite dans cette farce moelleuse et suave,
l’appel des papilles baignées de salive vous
implore d’une première bouchée. Hum-
mm... C’est vrai que, sans foie gras, ce ne
serait pas pareil... Merci Tomy Gousset!
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