2019-08-09_50_Yam (1)

(Ben Green) #1
42 Parole donnée

d’ailleurs très heureux de retrouver
Édouard Delavaux, directeur résident
manager, ainsi que Sébastien Labe,
chef sommelier de l’Hôtel Cheval Blanc
Courchevel dans cette aventure. Le chef
exécutif de l’Hôtel Cheval Blanc Paris
sera annoncé au cours de l’été, il a toute
mon estime et je sais déjà que nous
allons former une belle équipe.


Tenir une table étoilée dans le sud de la France,
que cela implique-t-il?
Je combats sans cesse le « sur-cuisiné ».
Nous sommes dans un environnement
de chaleur, du 15 juin au 30 septembre,
nous servons dehors avec des journées
de hautes températures. À nous de
trouver les moyens de proposer une
dynamique de vivacité, en captant
par exemple la fraîcheur dans des
réductions ou des consommés.


Quels ingrédients en particulier permettent de
cultiver cette vivacité?
Les agrumes, qu’ils viennent de chez
Bachès ou de Gassin, juste à côté d’ici
où je trouve des citrons caviar, des
mandarines, des oranges. Au cours
de l’hiver, nous réalisons nos propres
confi ts d’agrumes. Nous utilisons aussi
beaucoup les vinaigres. Je travaille
aujourd’hui avec un alchimiste des
vinaigres. Grâce à lui, nos plats ont
pris une autre dimension. J’utilise
notamment des vins cuits mis trois ans
en cave, avant d’être gardés enterrés
pendant trois ans en extérieur. Le
résultat est incroyable en bouche,
on sent le soleil, ces vinaigres sont
vraiment rares.


Aimez-vous travailler l’amer et l’acide?
Oui, j’apprécie l’amer et l’acide, tout
autant que le brûlé, le glacé, le texturé,
le croustillant. La sauce ou le consommé
que je sers avec un plat doit alors être
la concentration de tous les éléments
présents. Ma cuisine est à l’inverse de
l’épure, un plat doit être conçu comme
une paella. Il faut qu’il y ait une synergie
de la concentration de ces éléments

Quels assaisonnements privilégiez-vous?
J’aime le naturel, je ne mets pas de
performance sur les assaisonnements.

Vous qui n’étiez pas originaire du sud de la
France, comment avez-vous apprivoisé ce
terroir?
Je suis eff ectivement un autodidacte
de la Provence. Dès 2008, je me suis
énormément enrichi de locaux, de
pêcheurs, de producteurs installés
depuis plusieurs générations. J’ai
découvert la cade toulonnaise que je sers
aujourd’hui, un plat autrefois préparé
par les Italiens arrivés au moment
du Second Empire pour remonter le
chantier naval de Toulon. J’aime capter
ces histoires, créatives et historiques.

Vous décrochez votre 3e étoile en 2013, quels
souvenirs en gardez-vous?
L’année qui a suivi a été
paradoxalement diffi cile. Cette
troisième étoile était une magnifi que
reconnaissance, mais cela restait
surréaliste pour moi, qui n’avais que
35 ans. J’avais peur de ne pas être à la
hauteur de ce qu’on m’avait attribué.
Je dirais qu’il m’a fallu deux ans pour
l’assimiler. Depuis, la brigade s’est
étoff ée : nous étions 9 aux fourneaux

et 3 en pâtisserie, contre 14 et 5
maintenant ; notre cuisine était deux
fois plus petite, sans climatisation. L’été,
nous ne pouvions parfois pas faire
de feuilletage, tant il faisait chaud en
cuisine. Aujourd’hui, je considère cette
3 e étoile comme un formidable booster
qui nous permet d’aller au bout de
notre philosophie. Le plus important
pour moi est d’être à la hauteur de
cette récompense tous les jours.

Un autre événement important vient d’avoir
lieu : La Pinède devenue au printemps l’Hôtel
Cheval Blanc Saint-Tropez. Racontez-nous...
L’ADN de Cheval Blanc est d’off rir des
lieux pensés comme une merveilleuse
maison familiale, avec des espaces
conçus pour lire, prendre son temps.
Il s’agit toujours d’hôtels avec un petit
nombre de clés, 30 chambres et suites
ici à Saint-Tropez, ce qui permet aux
clients de se sentir chez eux et de vivre
une expérience diff érente ce qui est
proposé dans l’hôtellerie de luxe. La
philosophie de Cheval Blanc est d’être
centré sur l’humain, sur la façon dont
les clients sont accueillis et écoutés. Je
suis très sensible à cette vision, qui me
rappelle les valeurs de mes parents.

Que vous ont transmis vos parents?
Mes parents étaient charcutiers et
géraient beaucoup de salariés. À leurs
côtés, j’ai compris que travailler dans
un environnement joyeux se ressentait
immédiatement sur la clientèle. Ma
mère disait toujours à mon père
que si le jambon était vendu avec le
sourire, il serait meilleur. Elle avait
évidemment raison, j’applique la même
philosophie ici. 
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