10 |france SAMEDI 21 SEPTEMBRE 2019
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Les macronistes
invités à rentrer
dans le rang
Les divergences doivent s’exprimer
« dans le cadre du groupe » selon
le chef de file des députés LRM
A
quelques pas du Stade
de France, Gilles Le
Gendre se verrait bien
dans la peau de Didier
Deschamps. « Sur le terrain, il ne
veut voir qu’une seule tête, mais
avant [le match], ça discute sur
la stratégie », détaille le chef de file
des députés de La République
en marche (LRM) face à la presse
jeudi 19 septembre. Les élus de la
majorité passent leur journée par
lementaire à L’Usine, ancienne
fabrique de chocolat convertie en
espace de réception à SaintDenis
(SeineSaintDenis), et le député
de Paris aimerait que ses trou
pes s’inspirent de l’équipe de
France de football.
Depuis plusieurs semaines, les
députés LRM n’hésitent pas à affi
cher leurs divergences publique
ment, en dehors des vestiaires po
litiques. « Unis, tout est possible,
désunis, nous perdrons et notre
âme et les élections », martèle le
président de groupe, qui a placé
cette journée sous un mot d’or
dre : le « rassemblement ».
« C’est mon obsession, une néces
sité de tout temps, pas plus ou pas
moins maintenant qu’à d’autres
périodes », assure celui qui dirige
la majorité à l’Assemblée depuis
un an. A en croire ceux qui l’entou
rent, cette injonction revêt une
importance plus capitale derniè
rement. « Depuis le vote du CETA, il
y a une inquiétude », explique une
cadre de la majorité. En juillet, une
petite dizaine de députés ont voté
contre le traité de libreéchange
entre le Canada et l’Union euro
péenne, et une cinquantaine
d’autres se sont abstenus. Au
même moment, les investitures
pour les municipales créent des
déceptions ou des frustrations
chez des députés candidats ou
soutenant des candidats défaits.
« Groupir de chez groupir »
Surtout, l’imminence du débat sur
l’immigration, et la fermeté du
discours du président de la Répu
blique à ce sujet, lors de sa rencon
tre avec les parlementaires lundi
soir au ministère chargé des rela
tions avec le Parlement, ranime
des clivages au sein du groupe et
avec l’exécutif. Les députés de
vront accorder leurs violons d’ici
le débat sur la politique migratoire
de la France, prévu à l’Assemblée
nationale le 30 septembre. « Il est
normal qu’il y ait des divergences »,
a assumé Emmanuel Macron,
lundi, prévenant que « la polypho
nie ne doit pas être cacophonique ».
« J’ai pris l’engagement solennel
devant mes collègues que toutes
les paroles seront entendues et tou
tes les sensibilités auront le droit de
s’exprimer », déclare Gilles Le Gen
dre. Il fixe une condition à cela :
qu’elles s’expriment « dans le ca
dre du groupe », c’estàdire, en in
terne, loin des caméras et des mi
cros. « Je pense que c’est un principe
qui sera respecté... imparfaite
ment », confessetil, lucide.
Dans la matinée, au moment où
il invitait ses troupes à l’unité, plu
sieurs députés s’insurgeaient sur
les réseaux sociaux contre les pro
pos de leur collègue Delphine Ba
garry qui, dans Le Figaro, a dit
avoir eu, lundi, face au président
de la République, « l’impression
d’écouter non pas l’homme de la
campagne présidentielle mais un
responsable du Front national ».
« Comment peuton penser une
connerie pareille? », a écrit sur
Twitter son collègue Eric Bothorel.
Mais, selon Gilles Le Gendre,
l’ambiance à SaintDenis est
« amicale ». « C’est groupir de chez
groupir », ajoute Florian Bachelier,
député d’IlleetVilaine, dans une
référence au film On a retrouvé la
7 e compagnie. « Plus sympa que
les universités du PS », jauge même
un homme qui en a quelques
unes au compteur, le patron des
sénateurs LRM, François Patriat.
A l’étage de L’Usine, les chefs de
file de la majorité se sont succédé
à la tribune jeudi matin pour res
souder les troupes. M. Patriat a
mis en garde contre « trois péchés :
le doute, la frilosité et la fébrilité ».
« Si, dès qu’on a un sujet qui risque
de ranimer nos nœuds, on se
dépêche d’aller les dire à l’exté
rieur, c’est des gènes de frondeurs.
Il faut d’abord laver notre linge
sale en famille », prévientil.
Richard Ferrand, président de
l’Assemblée nationale, a, lui, fait
forte impression avec son dis
cours, notamment lorsqu’il a mis
en garde contre l’« effet termite »,
ces insectes qui, sans qu’on les voit
à l’œil nu, attaquent les poutres,
qui, un beau jour, s’effondrent, dé
vorées par les parasites. « Tous
ceux qui expriment des divergen
ces en leur nom propre n’en tirent
aucun bénéfice mais ils font perdre
tout le monde et ils attaquent la
crédibilité du président de la Répu
blique », s’agace une macroniste.
Divine surprise dans ce
contexte : dans la matinée, les par
lementaires ont découvert les ré
sultats d’une enquête Ipsos
SopraSteria sur la perception de
leur action par les Français. « Elle
est extrêmement positive, se féli
cite Florian Bachelier. On a visible
ment réussi à former une image
de groupe de gens sérieux, tra
vailleurs, sincères dans l’engage
ment, incarnant le renouvellement
et dont les divisions ne s’affichent
pas sur la place publique. » « Cela
montrait que les sondés préfèrent
un groupe uni plutôt que des indi
vidualités », ajoute l’une de ses
collègues. « C’est intéressant pour
notre groupe d’autoentrepre
neurs », grincetelle.
Après un aprèsmidi consacré à
la transition écologique, avec des
prises de parole de différents ex
perts, les députés ont été rejoints
par certains membres du gouver
nement et le premier ministre
dans la soirée. Edouard Philippe
s’est contenté d’un discours
rapide, évoquant l’alchimie des
relations entre le gouvernement
et le Parlement. Le locataire de
Matignon a mis l’accent sur le
« ton » employé dans les pro
chains mois. « La bienveillance
entre nous, collectivement, c’est
très important », avait dit lundi
Emmanuel Macron aux parle
mentaires. Les voilà prévenus.
manon rescan
« Il faut d’abord
laver notre linge
sale en famille »
FRANÇOIS PATRIAT
président du groupe LRM
du Sénat
Edouard Philippe et Gilles Le Gendre, président du groupe LRM de l’Assemblée, à SaintDenis, le 19 septembre. GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP
Darmanin donne du répit aux élus
sur la refonte de la carte des trésoreries
Aucune fermeture de centre des impôts n’aura lieu en 2020, a dit le ministre
G
érald Darmanin lâche du
lest. Dans un entretien
accordé à La Gazette des
communes, mardi 17 septembre, le
ministre de l’action et des comp
tes publics fait deux gestes d’apai
sement en direction des collecti
vités locales. Le premier concerne
l’épineux dossier de la réorganisa
tion des trésoreries dans le pays.
Alors que la concertation devait
initialement s’achever en octobre
avec le tracé de la nouvelle carte
d’implantation, le ministre ral
longe une nouvelle fois la durée
de consultation des élus locaux.
Dans un entretien accordé à Var
Matin, le 13 septembre, il évoquait
déjà la possibilité d’accorder
« deuxtrois mois de plus ». Dans
La Gazette des communes, il fait
annonce « proroger la concerta
tion de trois à huit mois pour ceux
qui ne se sentent pas prêts ».
Ce vaste plan, présenté au prin
temps, prévoit de réorganiser de
fond en comble la manière dont
l’administration fiscale est im
plantée dans le pays, et particu
lièrement dans les campagnes.
L’idée de Gérald Darmanin est de
regrouper dans des centres des
impôts moins nombreux certains
fonctionnaires pour les tâches
administratives et, dans le même
temps, d’envoyer davantage
d’agents au contact des citoyens,
pour des rendezvous en mairie,
dans une maison des services pu
blics ou dans une camionnette
prévue à cet effet, par exemple.
Levée de boucliers
Mais les élus locaux y voient sur
tout de nouveaux lieux de servi
ces publics en moins. Le ministre
assure qu’« une vingtaine » de dé
partements soutiennent la ré
forme, mais beaucoup de conseils
municipaux ont voté des mo
tions, ces dernières semaines,
pour s’y opposer. M. Darmanin,
qui attribue cette levée de bou
cliers à la diffusion de « fausses in
formations », se donne donc du
temps pour convaincre. Et il s’en
gage « à ce qu’il n’y ait aucune fer
meture de trésorerie en 2020 sans
accord avec les élus ». L’objectif de
meure, cependant : « On prendra
le temps de mettre en place cette
carte, qui sera effective en 2022. »
M. Darmanin fait un autre geste.
Il renonce à mettre en place des
« agences comptables » dans les
collectivités locales. Créée par la
loi de finances pour 2019, cette
disposition revient à intégrer des
comptables d’Etat au sein des col
lectivités. En mars, l’Association
des maires de France (AMF) avait
indiqué que, « même si le dispositif
reste facultatif, il représente un
coût financier pour les collectivités
avec la prise en charge de per
sonnels comptables de l’Etat ». Sur
tout, l’AMF rappelait que cette ré
forme s’accompagnerait de la
suppression de la séparation en
tre l’ordonnateur (celui qui décide
de la dépense) et le comptable (ce
lui qui la paye). Or, celleci est
« une garantie d’efficacité et de
protection pour les élus et les finan
ces des collectivités ».
Gérald Darmanin vient donc de
leur donner satisfaction. A ce
stade, selon le média Acteurs pu
blics, seules trois collectivités – la
région Pays de la Loire, les villes de
Hyères (Var) et IssylesMouli
neaux (HautsdeSeine) – s’étaient
montrées intéressées. Surtout, le
gouvernement entend désormais
choyer les collectivités locales.
« L’acte II du quinquennat est celui
des territoires », a précisé le pre
mier ministre, Edouard Philippe,
aux assises de l’Association des pe
tites villes de France, réunies jeudi
19 septembre, à Uzès (Gard).
benoît floc’h
lemonde.fr/le-club-de-l-economie
Un rendez-vous mensuel de débats et
d’échanges sur les grandes mutations
économiques.
Retrouvez le compterendu
des interventions des invités
de la séance du19 septembre.
JACQUESASCHENBROICH
PDG deValeo
SIBETH NDIAYE
Porte-parole dugouvernement
sur