Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1
une affairedegoût

Bold’attraction.


la rédactrice en chef du “fooding”,tania
Bruna-rossoest une hyperactive qui trouve
l’apaisement grâceàcette soupe de riz
préparéedans les temples Bouddhistes.

parcamille labro—photosjulie balagué

que l’onpréparaittousensemble,
consistaitessentiellementen
carottes râpées,betteravescrues
et autres platsdelégumes peu
attr actifspourles enfa nts. La
gen maï, servie au petitdéjeuner,
étaitles eulrepas surlequel je
pouvais compteretj ’enavalais
troisàquatrebolstousles
matins.J’arrosaisallègrement
de tamari[saucesoja fermentée]
et de gomasio[condimentàbase
de sésame],la soupedevenait
marron et je m’en délectais. En
japonais,«gen maï»signifieriz
completetdésigne par extension
cettesoupe derizpâle et fade,
que l’on appelle aussi«okayu»,et
qu’ilfautfaire cuirelonguement,
jusqu’à ce que le rizdevienneeau
et l’eau devienneriz:quand il n’y
aplus nieau ni riz, rien ne
manque.Danslestemples au
Japon,lag en maïnecontientque
ça.C’est Taisen Deshim aru quia
ajouté leslégumes,selon lesprin-
cipesdelamacrobiotique de
GeorgesOhsawa. Lescinq
légumesreprésententles cinq
saveurs[sucré, salé,acide,amer et
umami],et l’on ditdecette soupe
qu’ellen’a pasdesaveur particu-
lière, mais lescontienttoutes.
Pour moi, tailler leslégumes en
brunoiseminuscule, c’est déjà
unepratique médita tive.C’est
aussilep latlep lusréconfortant
et apaisantque je connaisse,
pourlec orps comme
pourl’espri t.
http://www.lefooding.com

J’adore manger, cuisiner,
découvrir de nouvelles
taBles et de nouveaux plats.J’ai
même ouvert mon propreres-
taurant, il yaquelquesannées, à
Marseille. J’étaisseule en cuisine,
moncompagnon en salle, nous
travaillionscommedes fous.Ily
ades tas de recettes dont je
pourraisparler, mais le platqui a
unesymbolique profondepour
moi, quiafaçon né mon palais
–etpeut-être ma personnalité–,
c’est la gen maï, la soupederiz
que l’onpréparetradi tionnelle-
mentdansles templesboudd-
histes pourler epas du matin.
Cettesoupe,j’enaimangé des
quantitésastronomiquesquand
j’étaisgamine. Je suis néeàParis,
j’ai grandi dans le 14 earrondisse-
ment, mesparents étaient des
babascoolqui travaillaient dans
l’éditionetsontdevenus boudd-
histes zen. Ilspratiquaient les
arts martiaux etontrencontré
Taisen Deshim aru,maîtrezen


arrivé en Francequelques
années avantmanaiss ance, en
1978.C’est luiqui aimporté du
Japonle zensotoetlapratique
de la médita tion zazen. Il afondé
l’Associat ionzen internationale,
avecleDojo zendeParis et le
temple de la Gendronnière,près
de Blois. C’est là que j’ai passé
pres que toutes mesvacances
jusqu’à mes11a ns.Nousyvivions
en communautédeplusdecent
personnes,etn ousétionsune
dizained’enfants au milieu des
adultes habillés en tenue de
moine–crane rasé et kolomo
[kimonodes religieux].Pendant
queles parentspratiquaient leurs
sessions zazen, avecquatre
médita tionsquotidiennesde
près de deux heures chacune,
nousétionslittéralementlivrésà
nous-mêmes. Nous faisions ce
que nousvoulions, pourvuque
cela soitdansler espectet le
silence. C’étaitparfois génialet
parfois pénible.Lanourriture,

LA SOUPE GEN MAÏ
de tania
bruna-rosso

Pour 10à12portions

400 gderiz complet bio
1navet
3carottes
1poireau entier
2branches decéleri
1oignon
Eau
Saucesoja tamari bio
Gomasio(sel et sésame
torréfié et broyé)

i
Rincer le riz troisfois à
l’eau claireenconservant
la troisième eau pour la
cuisson. Dans une grande
marmite, torréfier le riz
en le chauffantàsec, pour
le «yanguiser»(étape
facultative).Couvrir d’eau,
à5cmau-dessus du
niveau du riz, et porter
àébullition, puis baisser
le feuetlaisser frémir.
Ajouter de l’eau au fur
et àmesuresibesoin.

ii
Pendantce temps,
éplucher et taillertous
les légumes en brunoise
fine (petits dés d’environ
0,5cmdecôté).

iii
Quand les grains de riz
commencentàs’ouvrir et à
éclater, ajouter les légumes
et l’eau de rinçagedu riz
complet. Laisser cuire1à
2heuresàcouvert etàfeu
doux jusqu’àceque les
légumes soient bien
tendres (vérifier la cuisson
en goûtant les navets).
Remuer detemps entemps
pouréviter que lefond
n’accroche et ajouter de
l’eau si nécessairedurant la
cuisson. On peut la man-
ger plus ou moins liquide,
mais la soupe doitavoir
un aspect de bouillie.

iv
Dégusteràvolonté,
en assaisonnant
généreusement de tamari
et de gomasio.

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MLemagazine du Monde —21 septembre 2019

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