Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1

Photos Emma Picq pourMLemagazine du Monde —21 septembre 2019


OxmO PuccinOatOujOurs
été ainsi:laclasseavant tOut.
Àlafin des années 1990,ill ui
arrivait de sortir un cigarepour
rapper ses histoires àlaradio.
Dans les années 2000,ils ’en-
tourait de musiciens de jazz.Ce
6septembre, le rappeur donne
une petiteréception dans un
pavillon proche du GrandPalais
et des Champs-Élysées pour
célébrer la sortie de son sep-
tième album,La Nuit duréveil,
et de latournéeàvenir.Dans le
salon, sous lestenturesvelours,
les invités sirotent un alcoolfort
en l’ attendant. Ilyala«famille»
du cinéma,Kourtrajmé,repré-
sentée par leréalisateur Kim
Chapiron et sacompagne,
l’actriceLudivine Sagnier,l’hu-
moriste Yassine Belattar,croisé
quand il était animateur sur la
radio parisienne Générations, le
footballeur HatemBen Arfa, le
rappeur du 113 Rim’K etLe
CélèbreBauza,complicedes
débuts,copain de la placedes
Fêtesdans le 19earrondis-
sement, son quartier d’en-
fance... Tout un petit monde,
divers,àl’image de lavedette
du jour,figureàpart dans le
milieu durapfrançais.
Àpart le titreMamaLova,
extrait de lacompilation deDJ
Kheops,Sad Hill,en 1997,
Abdoulaye Diarra, aliasOxmo
Puccino,45ans, n’ajamais
connu de succèscommercial
asse zimportant pour se figer
dans unstyle.Mais certains de
ses morceaux sont devenus des
classiques :L’Enfant seul,Black
mafioso,L’Amour estmort,J’ai
mal au mic,Mourir millefois,
Tirerdes traits...Enjuin 2018,
OpéraPuccino,son premier


album sorti vingt ans plustôt,
étaitfêté en grande pompe à
l’Olympiacomme un des grands
albums durapfrançais –«Le
disqueavait mis huit ansàêtre
certifié disque d’or.Letemps
que les genscomprennent,cela
apris trop detemps pour moi.»
Pourtant, pendanttoutesacar-
rière, son auteuraessayéde
s’en éloigner,d’abordavecdes
jazzmen pour le projet
LipopetteBar(2006),avec le
saxophoniste Ibrahim Maalouf
pour une adaptation d’Aliceau
pays des merveilles(2012) et en

s’associantavec le chanteur M
sur le projetLamomali,enregis-
trédans son pays d’origine,le
Mali (2017). Il s’estaussi essayé
au cinémacomme scénariste en
écrivant les premières ébauches
du filmDanstesrêves,àlapoé-
sie (Mines de cristal,Au Diable
Vauvert, 2009). Ilaaussi publié
une compilation de sesTweet
(140 piles,2014). Lui dit s’être
toujours plusconsidérécomme
un chansonnier quecomme un
rappeur.Assis sur letoit d’un
hôtel de son 19earrondissement,
il précise :«Aujourd’hui, lerap,
c’estdelachansonavec un peu
d’autotune,demélodie,
des parolesrépétitives.La
catégorierap, cen’es tqu’une
question de mise en scène.C’est

elle quifait que ta musique est
rapounon.»Àchaque disque,
il dit se satisfairederetrouver
son public«dans la joie et
la bonne humeur».«Lereste
n’es tque boniments qui entou-
rent la salade»,précise-t-il.
Pour ce qui estdes boniments,
La Nuit duréveilse compose en
deux parties, une trèsrapavec
les egotripsFlèche épistolaireet
Ali Baba,le très enfuméSocial
club(avecles Belges Caballero
et JeanJass),les exercices de
styleLa Peau de l’oursouMa life
(accompagné d’Orelsan). La

deuxième partie,plus «chan-
son », estune odeàlavie :
l’érotiqueHorizon sensuel,l’uté-
rinLe Nombril,les réflexions phi-
losophiquesTrop d’amouret
Àton âge.Cedisque s’écoute
comme on lirait le premiertome
d’un egrande fresque historique.
Il démarrepar unrésumé de
l’histoiredurap français, le
remarquableLe Droit de chanter,
et setermine par une affirma-
tion,Je reviendrai pas,une fin de
non-recevoir àlarue,aufan-
tasme duretour au quartier.
Sur le premier titre, il confie :
«C’est un morceau que j’atte n-
dais depuis des années. J’ai
toujoursvoulu écrireuntexte
qui racontait les origines durap
français.Cettehistoirelevaut,

elle estmémorable.Jenesavais
pas comment en parler et un
jour,c’est venu comme ça. J’ai
commencépar “À cespères qui
rêvaient de fils diplômés/ aux-
quels onasipeu pardonné”,
car tous les parents de fils
d’immigrés onttoujoursvoulu
que leurs enfantsréussissent
mieux qu’eux. Et leur seule
certitude pour qu’ilsyparvien-
nent,c’était qu’ils aient des
diplômes.Cela leur semblait
plus important que de leur don-
ner confianceetl eur apprendre
àcommuniquer...»

Abdoulaye Diarran’y apas
échappé.Son père, serrurier,lui
amis la pression. Après un bac
technologique,techniques
commerciales, le jeune homme
s’inscritàlafac, àParis-8, dans
une filièreéconomique,avec
l’idée de«fairedel’argent». Il
arrêteaubout d’un an et demi,
rattrapé par lerap. Tous les
soirs, sur les ondes de laradio
Générations,Oxmo Puccino
devient une des figures ducol-
lectifTime Bomb auxcôté sde
Booba et Ali(qui formaient
alors le groupe Lunatic), des
X-Men et de Pit Baccardi. Son
style àlui :raconter des his-
toires insensées de mafieux, de
BogotaàParis.«AvecTime
Bomb,jef aisais de l’egotrip,

“Aujourd’hui,lerap,c’est


de la chansonavecunpeu


d’autotune,demélodie,


desparoles répétiti ves.


La catégorie rap, ce n’est


qu’une questiondemise


en scène.”


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