Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1

20 |argent SAMEDI 21 SEPTEMBRE 2019


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GESTION COLLECTIVE


Les fonds obligataires restent incontournables


A


u premier abord, la pé­
riode actuelle de taux
d’intérêt bas n’est pas fa­
vorable à la détention d’obliga­
tions. Depuis déjà plusieurs
mois, les taux des emprunts
d’Etat à dix ans de la plupart des
pays de la zone euro sont en terri­
toire négatif. Dans ce contexte, et
de façon assez contre­intuitive, il
demeure malgré tout intéressant
de posséder des obligations dans
un portefeuille de valeurs mobi­
lières. La raison?
« La détention d’une obligation
n’est plus l’assurance d’un rende­
ment futur, c’est devenu une vraie
perspective de plus­value », expli­
que Hubert Lemoine, directeur
de la gestion de Schelcher Prince
Gestion, société de gestion de l’ar­
chipel Arkéa Investment Services.
« Dans le contexte actuel, l’obliga­
tion s’apparente à une valeur re­
fuge », ajoute Frédéric Rollin, con­
seiller en stratégie d’investisse­
ment chez Pictet AM.
Les investisseurs l’ont bien
compris. Selon Morningstar
France, la collecte nette au niveau
européen des fonds obligataires
est en progression. Elle s’est éle­
vée, en juillet, à 43,7 milliards
d’euros, soit une collecte totale,
depuis le début de l’année, de
197,1 milliards d’euros.
« C’est un mouvement impor­
tant car, à titre d’exemple, la dé­
collecte nette des actions en juillet
a avoisiné 35 milliards d’euros »,
précise Mara Dobrescu, respon­
sable de la recherche sur les fonds
obligataires européens chez Mor­

ningstar France. « Les taux sont
certes très bas et ils devraient le
rester encore en raison du climat
d’incertitude sur les marchés fi­
nanciers lié à la guerre commer­
ciale entre les Etats­Unis et la
Chine, du Brexit, de la situation
politique instable en Italie et de la
crise à Hongkong », énumère un
analyste.

Filet de sécurité
Dans ce contexte, les banques
centrales ont annoncé être en
mesure de maintenir les taux bas,
grâce à la poursuite de leur politi­
que monétaire accommodante.
« Si les taux continuent de baisser,
alors le prix des obligations s’ap­
préciera mécaniquement », souli­
gne Olivier Robert, de BFT IM.
L’atout apprécié des titres obliga­

taires, c’est leur côté « filet de sé­
curité » face à des actions qui font
le yoyo. « L’obligation est un véhi­
cule attractif en termes de diversi­
fication. C’est un amortisseur en
cas de volatilité élevée des titres
cotés en Bourse. Or, cet été, les
marchés financiers ayant été cha­
hutés, les obligations ont joué leur
rôle », souligne Muriel Tailhades,
directrice des investissements de
la banque privée Edmond de
Rothschild. Cette dernière signale
que, depuis le début de l’année,
les emprunts d’Etat français et al­
lemands à long terme ont respec­
tivement perdu 0,93 % et 1,10 %.
En même temps, le capital pla­
cé dans ces fonds s’est apprécié
de 8 %. « Dans la gestion d’un pa­
trimoine, il est indispensable de
disposer d’une brique d’obliga­

tions », reconnaît Mme Dobrescu.
Pour un particulier, le meilleur
moyen de détenir des obliga­
tions consiste à investir dans des
parts de fonds. Ces véhicules
donnent un large accès à de
nombreux émetteurs : ainsi,
Morningstar recense 1 529 fonds
agréés en France.
Pour stimuler la performance
de leur poche obligataire, les ges­
tionnaires conseillent de diversi­
fier en mariant les différents ty­
pes d’emprunt, sachant que ceux
qui rapportent le plus sont aussi
les plus risqués. Il faut penser à in­
tégrer des titres émis par des pays
émergents (Brésil, Mexique, Co­
lombie, Chili). Certes, ils sont ris­
qués, mais affichent des rende­
ments très attractifs, proches de
5 %. « Depuis le début de l’année,
les fonds obligataires positionnés
sur les marchés émergents ont ga­
gné 9,5 %, contre un recul de 6 %
en 2018 », constate Mme Dobrescu.
Les obligations émises par les
entreprises sont également capa­
bles de doper les résultats. Mais
les titres classés en high yield
(« haut rendement ») sont émis
par des entreprises en situation
difficile : le « risque crédit » est
alors élevé pour cause de dé­
faillance possible de l’émetteur.
« En cas de ralentissement écono­
mique, certaines sociétés mal no­
tées pourront parfois se trouver
dans l’incapacité d’honorer leurs
engagements financiers et donc
ne rembourseront par leur dette »,
met en garde Hubert Lemoine.
laurence boccara

Quand l’or retrouve son rôle de valeur refuge


Le cours du métal jaune a bondi de plus de 17 % depuis janvier


L’


or est brutalement sorti
de sa torpeur cet été
pour dépasser les
1 500 dollars (1 351,40 eu­
ros) l’once à la fin août, un niveau
qu’il n’avait plus atteint depuis
avril 2013. La hausse atteint désor­
mais (au 17 septembre) 17,08 %
depuis le 1er janvier. Le coup de
chaud provoqué en Bourse par
des attaques de drones le 14 sep­
tembre contre des installations
pétrolières saoudiennes n’a pas
eu de répercussions sur le marché
de l’or, où les prises de bénéfi­
ces l’ont emporté au cours des
dernières séances.
Pour l’instant, le métal jaune
reste encore loin de son record
historique de 1 921 dollars l’once
atteint en septembre 2011. Mais
la hausse est solide, en particulier
pour les investisseurs européens
qui bénéficient de la force ac­
tuelle du dollar par rapport à
l’euro. Ainsi, le prix du lingot d’or
est passé de 35 990 euros, au
31 décembre 2018, à 43 100 euros
au 17 septembre, soit une hausse
de près de 19,80 %.
« L’or a battu son record histo­
rique de 2012 en euros. Cela a créé
un fort regain d’intérêt des épar­
gnants français pour l’or physique
puisque nos ventes ont augmenté
de 55 % par rapport à 2018 », pré­
cise François de Lassus, directeur
de la communication de CPoR
Devises, société spécialisée dans
l’achat et la vente d’or pour les

banques. Le catalyseur de l’eu­
phorie récente est à chercher du
côté des taux d’intérêt. « La forte
contraction des taux d’intérêt no­
minaux et des taux réels, c’est­à­
dire corrigés de l’inflation, a joué
un rôle majeur dans l’envolée des
cours. Le phénomène s’est accéléré
cet été puisque les taux des em­
prunts d’Etat sont même passés
en territoire négatif dans un cer­
tain nombre de pays », explique
Arnaud du Plessis, gérant spé­
cialisé sur l’or et les ressources na­
turelles chez CPR AM.
Le lien est logique : contraire­
ment aux obligations, l’or ne déli­
vre pas de rendement. Ce man­
que à gagner devient moins pé­
nalisant lorsque les taux d’intérêt
baissent. « Le métal jaune a aussi
profité des tensions commerciales
entre la Chine et les Etats­Unis,
qui font craindre des répercus­
sions sur la croissance mondiale »,
commente Sophie Chardon, stra­
tégiste chez Lombard Odier.

Ne pas spéculer
Les moteurs de cette hausse ne
devraient pas s’enrayer de sitôt.
« Le risque d’une forte baisse de
l’once est limité puisque l’environ­
nement de taux d’intérêt bas et la
recherche de valeurs refuges qui
en résulte resteront d’actualité
dans les prochains mois », indique
Sophie Chardon, qui a relevé ses
positions sur l’or pour ses clients
de zéro à fin 2018 à 3 %. Un avis

partagé par Arnaud du Plessis
chez CPR AM : « Les conditions
sont réunies pour une poursuite
de la hausse. Notre objectif à
moyen terme se situe à 1 700 dol­
lars », dit­il. Un consensus favora­
ble qui incite les particuliers à se
repositionner sur le métal jaune.
« Le nombre d’acheteurs a doublé
au premier semestre, et le phéno­
mène s’accélère depuis l’été. Les
lingots et lingotins de plus petite
taille représentent presque la moi­
tié de nos ventes, suivis par le Na­
poléons 20 francs », constate Lau­
rent Schwartz, président du
Comptoir national de l’or, qui
achète et vend de l’or physique
aux particuliers.
Il ne s’agit pas, pour ces ache­
teurs, de spéculer sur les cours,
mais de protéger leur patri­
moine. « Il n’y a pas d’achat com­
pulsif! Les épargnants achètent
pour le long terme, comme une
sorte d’assurance contre les coups
durs que sont les risques de réces­
sion ou les conflits », insiste Jean­
François Faure, président de la
plate­forme d’achat et de vente
d’or en ligne Aucoffre.com.
D’autres épargnants profitent
cependant de l’envolée récente
des cours pour vendre en déga­
geant une plus­value. C’est le cas
de ceux ayant acheté en 2010, il y
a presque dix ans, lorsque l’or co­
tait 1 300 dollars l’once. Si les ven­
deurs sont en mesure de prouver
la date et le prix d’acquisition de
leur or, ils peuvent opter pour
le régime fiscal des plus­values,

modifié depuis le 1er janvier 2018.
Ils règlent alors une taxe de 36,2 %
sur la plus­value (prélèvements
sociaux inclus), après un abatte­
ment de 5 % par an à partir de
la troisième année de détention.
« La plus­value est donc exonérée
d’impôt après vingt­deux ans de
détention », résume Jean­François
Faure d’Aucoffre.com.
Les épargnants qui ne sont pas
en mesure de prouver leur date
d’acquisition, par exemple par
une facture ou un dossier de suc­
cession en cas d’héritage, tom­
bent sous le coup d’un autre ré­
gime fiscal. Ils doivent alors régler
une taxe forfaitaire de 11,5 % (pré­
lèvements sociaux inclus), non
pas sur la plus­value, mais sur le
montant de la cession. « Une ma­
jorité de vendeurs a hérité de ses
lingots il y a très longtemps : ils
n’ont généralement plus trace de la
succession et c’est donc la taxe for­
faitaire qui s’applique », précise
Laurent Schwartz au Comptoir na­
tional de l’or.
Autre solution, il est possible de
miser sur l’or par le biais des place­
ments boursiers. C’est le cas des
produits de Bourse (warrants, cer­
tificats) et des trackers, ces fonds
indiciels cotés indexés sur les
cours de l’or. Il existe aussi des
fonds investis dans les mines d’or
cotées en Bourse. Ils affichent une
hausse de 35,5 % depuis le 1er jan­
vier d’après Morningstar. « Les mi­
nes d’or amplifient les variations
du cours de l’once : sur une longue
période, le levier de performance
est compris entre 2 et 2,5 fois »,
précise Arnaud du Plessis chez
CPR AM, qui gère notamment les
fonds LCL Actions Or Monde
(+ 46,7 % en 2019) et SG Actions Or
(+ 46,1 % en 2019). La hausse du
cours de l’once permet en effet
aux sociétés minières d’augmen­
ter leurs marges d’exploitation.
Mais il s’agit cette fois d’un inves­
tissement purement boursier,
loin des caractéristiques de valeur
refuge du métal jaune.
agnès lambert

Cinq fonds obligataires performants
sur trois et cinq ans

SOURCE : MORNINGSTAR, SEPTEMBRE 2019

sur cinq ans
en %

Performance
Nom du fonds
(société de gestion)

HSBC GIF Eurohigh Yields Bond AD
(HSBC Investments Funds)
+ 48

sur trois ans
en %

Pimco USD ShortMat Source SIF
(Pimco Global Advisors)
+ 16 + 19

TCW Fds MetWest Total Return Bd IU
(TCW IM Co LLC)

+ 21 + 18

Kempen EuroCrédit J
(Kempen K Management)

+ 13 + 17

BGF EuroBond A
(BlackRock AM)

+ 18 + 7

+ 33

QUESTION  À  UN  EXPERT


Votre couple doit-il s’adapter


au prélèvement à la source?


olivier rozenfeld, président de Fidroit

Avec la mise en place du prélèvement à la source (PAS), vous devez
tout revoir dans la gestion de votre trésorerie : comptes bancaires, re-
venus... A la faveur du nouvel environnement fiscal, chaque membre
du couple doit payer une partie de l’impôt du foyer, comme si la
conjugalisation de l’impôt n’existait plus, alors que le taux de prélève-
ment reste bien déterminé au niveau du couple. En effet, la nouvelle
règle vous oblige à supporter un impôt proportionnel à votre propre
revenu, mais sur la base d’un taux commun (taxation retenue à la
source pour les salariés). En réalité, plutôt qu’un taux « commun », et
sur option, vous pouvez privilégier un taux individualisé. Dans l’hypo-
thèse de revenus disproportionnés, celui des deux qui dispose des re-
venus les plus faibles va devoir supporter une dépense possiblement
excessive. En particulier ceux qui gèrent leur trésorerie de manière in-
dépendante... et qui continuent naturellement d’assumer leurs autres
dépenses. Imaginez un couple qui disposerait de 70 000 euros à raison
de 23 000 euros pour l’un et de 47 000 euros pour l’autre. Le taux com-
mun serait de 11,3 % et, en cas de taux personnalisés, respectivement
de 7 % et 13,5 %. Certes, les finances globales ne sont pas affectées,
mais le couple doit impérativement s’adapter à cette nouvelle donne
en modifiant la gestion de son budget.

P L A C E M E N T S
La finance responsable plébiscitée
Six Français sur dix déclarent accorder une place im­
portante aux impacts environnementaux et sociaux
dans leurs décisions de placements. Une tendance
stable par rapport à 2018, selon l’enquête publiée par
le Forum pour l’investissement responsable et
l’agence de notation Vigeo Eiris, à l’occasion de la
Semaine de la finance responsable (du 26 septembre
au 4 octobre). Parmi les sujets plébiscités par les son­
dés dans la gestion de leur épargne : la lutte contre la
pollution (82 %), contre le réchauffement climatique
(76 %), et la protection de la biodiversité (69 %).

LES VENDEURS


EN MESURE


DE PROUVER LA DATE


ET LE PRIX D’ACQUISITION 


DE LEUR OR PEUVENT 


OPTER POUR LE RÉGIME 


FISCAL DES PLUS­VALUES


73 %
C’est la proportion des Français considérant l’or comme une valeur
refuge, d’après le sondage OpinionWay pour la société Aucoffre.com
publié en avril, soit 6 points de plus qu’en 2017. Un chiffre qui témoi-
gne de l’inquiétude grandissante des épargnants français, déstabili-
sés par la faiblesse des taux d’intérêt et par la médiocrité des rende-
ments de l’assurance-vie et du Livret A. Ils sont d’ailleurs 83 % à
déclarer que la situation économique les préoccupe. L’endettement
de la France (80 %), le déficit (79 %) et l’évolution de la fiscalité (76 %)
constituent les motifs d’appréhension les plus fréquemment cités.

SOS CONSO 
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS

Achats en ligne : une


authentification délicate


D


epuis le 14 septembre, les consommateurs qui
font un achat en ligne sont censés valider leur
paiement au moyen d’une « authentification
forte », imposant une double vérification de leur
identité, comme le prévoit la directive sur les services de
paiement dans le marché intérieur, adoptée le 25 novem­
bre 2015. Or, les plates­formes de paiement ne demandent
toujours – au mieux – que la saisie d’un simple code reçu par
SMS : la plupart des banques, des émetteurs de cartes ban­
caires et des e­commerçants ne sont en effet pas encore
prêts à utiliser la version 2 du protocole de paiement sur In­
ternet « 3D Secure ».
Les associations de consommateurs le déplorent : les
failles dans la sécurité autorisent la fraude (173,3 millions
d’euros en 2018, soit 1 euro de fraude pour 578 euros de tran­
sactions). Or, quelque 20 % des ménages victimes de fraude
ne sont pas remboursés par leur banque, selon un récent
rapport du ministère de l’intérieur.
Pourtant, le code monétaire et financier l’exige. Mais cer­
tains établissements, comme le Crédit mutuel du Nord, con­
sidèrent que, si leurs clients ont saisi le code à usage unique
qui leur a été envoyé par SMS pour s’authentifier, ils ont,
quoi qu’ils en disent, « autorisé » l’achat litigieux. Non seule­
ment ils refusent de les rembourser,
mais en plus ils leur prélèvent des frais
s’ils sont à découvert.
Les clients n’osent pas toujours se tour­
ner vers la justice. Surtout que les ban­
ques, mauvaises perdantes, multiplient
les recours. La Cour de cassation leur rap­
pelle pourtant à chaque fois que l’« utili­
sation » du moyen de paiement sécurisé
3D Secure (version 1) ne « prouve » pas
que le client a autorisé l’opération. Le
13 février, par exemple, elle a donné rai­
son à la cour d’appel d’Amiens, qui avait jugé que, « sauf à
présumer que le système sécurisé mis en place par le Crédit
mutuel est infaillible », on ne peut « considérer que les opéra­
tions litigieuses constituent une opération autorisée ».
Pourquoi la saisie d’un code envoyé par SMS sur le télé­
phone portable du client ne constitue­t­elle pas une preuve
d’autorisation? Parce que, a répondu l’Autorité bancaire euro­
péenne à cette question, seul celui qui possède la carte SIM
associée à la ligne téléphonique du client est sûr de le rece­
voir. Or, cette carte SIM peut avoir été usurpée auprès de
l’opérateur téléphonique (« SIM swap »). Si, malgré ce constat,
certaines banques continuent de ne pas rembourser leurs
clients, alors qu’elles ne comptent pas appliquer les nouvelles
normes antifraude avant mars 2021, peuvent­elles être sanc­
tionnées? L’UFC­Que choisir a demandé que l’Autorité de
contrôle prudentiel et de résolution y veille.

20 % DES 


MÉNAGES 


VICTIMES DE 


FRAUDE NE SONT 


PAS REMBOURSÉS 


PAR LEUR BANQUE


CLIGNOTANT

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