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SAMEDI 21 SEPTEMBRE 2019
styles
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Simplicité retrouvée chez Prada,
minimalisme hard pour Bottega
Veneta, lignes pures chez
Emporio Armani... La fashion
week milanaise s’éloigne
du cliché du glamour italien
MODE
O
n évoque beaucoup le
côté sexy et glamour
de la mode italienne,
et ce cliché s’est sou
vent révélé en accord avec la réa
lité. Mais, pour l’été 2020, les créa
teurs milanais s’écartent plus que
jamais de la figure de la « bomba ».
Dans les premières collections de
cette fashion week qui a débuté
mercredi 18 septembre, c’est un
mélange de douceur et d’épure ri
goureuse qui domine. Un esprit
commercial sert de fil conduc
teur à l’expression d’une féminité
nuancée et moderne.
Ceux qui aiment la Miuccia
Prada flirtant avec le kitsch et la
culture pop décalée auront sans
doute été surpris par sa nouvelle
proposition. Dans un décor de
carrelages multicolores façon Te
tris, la créatrice opère un retour à
la simplicité poétique qui a fait
son succès dans les années 1990.
Pas de mohair jaune poussin,
donc, ni d’imprimé « Frankens
tein », cette fois : des robes en cré
pon de coton couleur vanille suc
cèdent à des tailleurs à gros bou
tons, des chaussures en cuir
tressé, des jupes droites en ve
lours de soie et des blouses à col
cravate. Il y a là un petit air de
bourgeoise sage des années 1930
avec à peine quelques notes fan
taisie – du cuir or ou jaune fluo, de
grandes broderies de plumes ar
gent, des motifs graphiques effet
papier peint qui sont une signa
ture maison. C’est comme un
concentré du style Prada dans sa
version la plus rigoriste et intem
porelle. La collection est toujours
volontairement au bord du
« terne », mais c’est aussi de cette
façon que Miuccia Prada se re
belle contre le beau classique.
Sur le mood board (tableau où
sont rassemblées les inspira
tions du show), on reconnaît
Bette Davis dans The Anniversary,
une comédie sombre des années
1960 où la star joue une mère
abusive aussi excentrique que
venimeuse. De cela, Silvia Fendi
n’a au fond gardé que l’atmos
phère sixties, des couleurs et des
imprimés. Pour sa première col
lection femme en solo, sans Karl
Lagerfeld disparu en février der
nier, la créatrice opte pour une al
lure joyeuse et pleine de douceur,
surtout pas morbide (il aurait dé
testé cela et ce n’est pas dans le ca
ractère de la Romaine).
Soies matelassées aux teintes
dragée, tissuséponges imprimés
de grands ramages, voile de coton
à petits carreaux, jeux de transpa
rences et de textures, rencontre
du raphia, du veau velours dé
coupé comme une dentelle,
du Lycra et des sequins brodés...
La créatrice invente des cocons
sensuels. Ultraféminine, sa col
lection est aussi lumineuse
qu’originale ; elle invite à la déca
dence douce sous le soleil. Une sa
crée promesse.
Le jeune Anglais Daniel Lee si
gnait jeudi soir sa deuxième
collection pour Bottega Veneta.
Sous les dalles de verre au sol, on
retrouve, comme un « marquage
de territoire », le tressé matelassé
(en version XXL) dont il a fait sa si
gnature dès sa première collec
tion. Venu de chez Céline période
Phoebe Philo, il maîtrise les règles
du minimalisme et choisit ici la li
gne dure. Combinaisontrench,
maxi parka et bermuda en cuir
extrasouple, robes asymétriques
en maille, dos nus en soie, sou
lierssculptures en cuir tressé et
matelassé : c’est luxueux et radi
cal. Après le classicisme de son
prédécesseur Tomas Maier, on
sent une envie de tout changer et
d’imposer autre chose. Mais le
public de Bottega Veneta estil
prêt pour ce style « hard chic »?
Ailleurs, les grands noms du mi
nimalisme prônent la douceur.
Dans la salle noire et toute en géo
métrie acérée du show Emporio
Armani, c’est un déluge de pastels
et de matières métallisées textu
rées. Les lignes pures et les
tailleurs souples qui ont fait la cé
lébrité du designer Giorgio Ar
mani gagnent dans ce colorama
une légèreté rassurante et enve
loppante. Rebrodées d’argent et
de paillettes effet pierres des lu
nes, les robes du soir scintillent
comme des étoiles filantes, éphé
mères et hors du temps, comme
la mode Armani.
A la direction artistique de Jil
Sander, Lucie et Luke Meier sont
chargés de donner un nouveau
visage à une marque ultraépurée.
Une mission périlleuse dont ils
s’acquittent avec subtilité. Sur de
longues silhouettes qui accumu
lent parfois veste, pantalon et sur
jupe, ils posent les détails justes :
un drapé décalé sur un buste, de
longues franges de soie sur une
robe colonne, un col ou une cein
ture de raphia amovible sur une
veste de cuir ou une jupe en soie.
Le duo de designers parvient à
instiller un côté sensuel et pres
que exotique à un vocabulaire
mode très strict. Il y a du mouve
ment et de la vie dans leurs
silhouettes et, au passage, ils dres
sent le portrait d’une femme à la
personnalité complexe, à la fois
rêveuse sensible et frigide.
N21 n’est pas la marque la plus
« hype » ou la plus connue de Mi
lan, mais son directeur artistique,
Alessandro dell’Acqua, lui cons
truit une identité moderne et
sans prétention. Délicate et gra
phique, la collection mixte con
fronte imprimés à microfleurs,
coupes masculines strictes et dé
coupes dévoilant les bras et les
épaules, cuir et mousseline,
maille fluide déstructurée et ta
lonssculptures. L’hybride d’idées
contraires est séduisant, plausi
ble et sans prétention.
La note d’intention de la col
lection Max Mara référence
l’auteure la plus cotée de la télévi
sion contemporaine : Phoebe Wal
lerBridge. Créatrice de Killing Eve
(une série phénomène qui met en
scène une femme agent du MI5 et
une tueuse charismatique, Villa
nelle), elle a aussi été chargée de
remanier le scénario du dernier Ja
mes Bond pour alléger son côté
macho daté. Et les héroïnes ambi
guës et stylées de la scénariste ne
renieraient pas la garderobe pro
posée ici. Tailleurs bermudas mul
tipoches (déclinés en gris strict ou
en pastel), bouche rouge noire,
chaussettes montantes et escar
pins constituent un uniforme de
base idéal. Même les longues ro
bes du soir à volants asymétriques
assument leur côté sportmili
taire. Dangereuses et chics, ces
femmes d’affaires et d’action déli
vrent un message féministe très
moderne, d’autant plus efficace
qu’il est subtil et ludique.
Dans ce climat plein de nuances
et de pragmatisme, Moschino dé
fend son statut d’élément pertur
bateur. Culture pop, kitsch et sur
réalisme restent les signatures
d’un style inventé par Franco
Moschino et perpétué par l’Amé
ricain Jeremy Scott. Pour l’été, ce
luici a prévu un programme « ar
tistique » : du Picasso en motifs
ou sculpture 3D à porter (idéal
pour prendre les transports en
commun en paix), des broderies
en strass de couleur, des robes
guitares et volants à pois. C’est
comme si Barbie, Frida Kahlo et
la Carmen de Georges Bizet (qui
est d’ailleurs sur la bandeson)
avaient fusionné dans une explo
sion maximaliste. Et si on doute
de se balader un jour en robeta
bleau (au sens littéral du terme et
avec cadre doré intégré), une
mode qui ne se prend pas au sé
rieux, c’est toujours distrayant.
Voire salutaire.
carine bizet
Prada.
TIZIANA FABI/AFP
Fendi.
LUCA BRUNO/AP
Jil Sander.
MIGUEL MEDINA/AFP
MILAN | PRÊT-À-PORTER PRINTEMPS-ÉTÉ 2020
milan
en mouvement
CHEZ EMPORIO ARMANI,
LES ROBES DU SOIR
REBRODÉES D’ARGENT
ET DE PAILLETTES
SCINTILLENT COMME
DES ÉTOILES FILANTES