Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1

Photo Nathalie Mohadjer pourMLemagazine du Monde —21 septembre 2019


souv entété soncontradicteur,notamment
lors qu’ilreprésentaitlequotidienLibé ration,
attaqué parServier pour diffamation.
Avocatediscrèt e,«ellen’est pasDupond-
Moretti, c’est exact,poursuitLévy.Mais elle
estplusefficace. C’estune finelame, res-
pectée parles magi strats .»Elle aappris
sonmétierauprèsdeJean-MarcVarau t,
célèbreavocatpénaliste morten2005,
quis’étaitillustréenreprésentantMaurice
Papon, et en prononçant,lorsdeson
procès,l’une despluslonguesplaidoi ries
de l’ histoire. C’est àses côtés, sansdoute,
qu’elleaacquislacertitude qu’êtreavocat,
c’est,aussi,êtredel’autre côté :«S’élever
contre la penséecommuneetl es préjugés
devientune secondenature,c’est notre
combat quotidien.»
Derrière la porte De lasalle De réunion,
Des aboiementss’élèvent.Ce sont sesdeux
chiennes ,CoquineetWhippet (recueillieà
la SPA),qui l’ac compagnentpartout.Dans
sa vie, elle a«ça»–ses chiens ,son chat et
seschevaux –etson métier.Unmétier
qu’elledoitdéfendre même auprèsdes
siens. Notammentdesasœur, la journaliste
et animatricedu«Magazine de la santé»
MarinaCarrère d’Encausse .Servier est
devenu un sujettabou qu’elless’interdise nt
d’abor der pournepas se déchir er.«Onest
vraimentendésaccord»,explique Nathalie
Carrèrequi a«lafaiblesse»de croireque
si sa sœur voulaitbiens’intéresseràla
manière dontledossier aévolué, au-delà
de ce qu’en«ont tradui tles médias»,elle
en aurait un pointdevue moinstranché.
«Onneseressemble pasbeaucoup»,
observe- t-elle,parlant aussides autres
membrescélèbresdesafamille, sonfrère,
l’écrivain EmmanuelCarrère ,etsamère,
l’historienneHélène Carrèred’Encausse.
Elle est«fièredecequ’ils font, admirative».
De leur enfa nceheureuse, elle racont eles
mercredis àlaComédie-Française,les
vacances au Pays basque,les livres,beau-
coup de livres,les amis de leursparents
–des intellectuels, desartistes, desoppo-
sants soviétiques–les heures de discussion
au litavecleurmère... Et l’ac cident, au prin-
temps1986.Elle est en voitureavecsasœur
et leur père, au volant.Marinaest assise
devant ,Nathalie,assoupie àl’arriè re.Après
le choc,quand el le reprend connaiss ance,
elle découvreque sa sœur est blessée.
Gravement.«Cet accident nousabeaucoup
marquées.Masœur, parcequ’àpartirde
ce jour-là, elle aéprouvéune enviedevivre
exceptionnelle. Moi, parcec’était très
culpabi lisant.J’avaisunmal terrible àvoir
souffrir ma petitesœur. Et quandon adu
malàvoirquelqu’unsouffrir,parfois on se
raidit,ons ’empêche d’être dansl’empathie...
Pour se protéger.»Plus ta rd,en2004, c’est
elle quiseraterrasséepar un AVCqui la
laissera convalescent esix mois.Après cela,
elle décide querienn’est gr ave.Zineb Dryef

partiedeceuxqui dénoncentleplus
vigoureusementlav iolenceprocédurière
desavocats de Servier. Voilàdix ansque
lesdeuxfemmes, quisevouent unehosti-
lité féroce,secroisentdansles salles d’ex-
pertise et lestribunaux,l’une engagée
auprèsdesvictimes, l’au treauprèsdes
laboratoires.«Aunom de Jacques Servier,
elle mèneune stratégieprocédu rale im pla-
cablecontre lesplaig nants. C’estunrouleau
compresseur,qui aréalisé l’exploi tde
débouter presque toutes lesplaintesdes
victimes depuis desdizaines d’années»,
accusela pneumologue àl’originedu
combatcontreleMediator. Lors d’une
expertise,MeCarrèreacontestél’authenti-
cité desphotosdevalvesversées au dos-
sier.«Quellessontles preuvesque ce sont
bien celles de la patiente?»,s’est-elle
demandé.«Ellepousse l’argu mentation au-
delà de l’absurde en contestant tout :les
études, lespreuves,les compétenceset
l’impartiali té desexperts...Elleexige des
plaignants la preuve impossible .Unpatient
de 70 ansqui nepeut pasfournir soncarnet
de santépeutêtre suspecté de dissimuler
desdocuments!»« Quellesqu’aie nt été
nos demandes, ellespassaient pour ex tra-
vaga ntes et nouspass ions pour desgens
retors»,s’agace l’avocate quirappelleque
lesexpertises, quiétablissent le lien entre
la maladie et le médicamentetévaluele
préjudicesubi, exigentdes preuves. Autre
exemple quifaithurle rderageIrène


Frachon:ent raduisanteteninterprétant
de façon«trompeuse»l’unedeses publica-
tionsscientifiques,lamagistrat eatenté
d’induirel’idéeque la spécialiste affirmait
qu’il«était impossible de soupçonner,d’in-
formeretplusencore de démontrerlat oxi-
cité du benfluorex[Mediator]avant2009».
Irène Frachonse di tàlafoisadmirative de
sa«virtuosité»et effrayéepar sesconsé-
quences :«Cequi apermislad iffus ionet
le maintien insensés surlemarch édes pro-
duits dangereuxdeServier,c’est la guérilla
judiciaire, menéepar sesavocats.L’engag e-
ment sans failledeNathalie Carrèrearepré-
sentéune assurance tous risquespour
Jacques Servier.»
«Que voulez-vous répondre àquelqu’un
dont le le itmotivest que Servier, ce sont les
méchants,les assassins, lesaffreux?»
répondsèch ementNathalie Carrère. L’avo-
cate se cont ente de soul igner qu’ellenefait
que sontravail,c’est-à -diredéfendre son
client. Sonjeune conf rère ,Charles Joseph-
Oudin,qui représ ente lesvictimesdu
Mediator,plaidepourlemalentendu:
«C’est vrai que lesclients pr ésents pendant
lesexpertisespeuvent avoircette image
d’uneavocate dure et froide ,maisc’est sans
doute parcequ’ils ontmoins dedist ance
avecles stratégies d’avocat.Enr éalité,elle
estd’une grandehumanitéetelleest très
confraternelle.»«U navocatdécritcomme
redoutable:jenevoislàq u’un compli-
ment»,soul igne aussiJean-PaulLévy, quia

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