21 septembre 2019—MLemagazine du Monde
La madone de
La Nouvelle-Orléans.
des serveurs du bar.Accoudée au comptoir,la
patronne du Kajun’sPub, silhouette massive
de footballeur américain contrarié moulée
dans une courte robeàpaillettes rouge, opine :
«Exact :une vraie rouste. Mais j’ai 70 balais,
je ne cogne plus aussi dur qu’avant et en prime,
je crois bien que je me suis fêlé une côte.»
Le fauteur de troubles peut s’estimer heu-
reux:ilyaquatorze ans, lorsque l’ouragan
Katrinaatransformé La Nouvelle-Orléans en
ville martyre de la dévastation et du pillage,
JoAnn défendait son bien avec un fusil à
L
adernière fois que
Joann Guidosa“botté
le cul”d’un importun
venu rouler des méca-
niques dans son éta-
blissement sis au
2256 Saint-Claude
Avenue,àLaNouvelle-Orléans, remonte à
quelques semaines. Le bonhomme était
bourré de came et ilarésisté–iln’aurait pas
dû.«JoAnn luiafoutu une raclée et les flics
sont venus emballer le mec»,sesouvient l’un
En août 2005, l’ouragan Katrina dévaste la ville
de Louisiane. Au milieu du chaos, un seul bar reste
ouvert:leKajun’sPub. Armée jusqu’aux dents,
JoAnn Guidos, la patronne,yrecueille les naufragés.
L’ histoire de cette institution hors-norme est aussi
celle d’une renaissance:celle de John le loser devenu,
àlafaveur de sa nouvelle identité sexuelle, une de
ces flamboyantes héroïnes dont l’Amériquealesecret.
parAntoine Albertini—photosAkAshA rAbut
•••
pompe chargé jusqu’à la gueule et un
38 Specialàcanon court glissé dans la ceinture.
«Etbon sang, je n’aurais pas hésité une seule
secondeàtirer»,dit-elle le nez plongé dans un
petitverre de scotch millésimé.
29 août 2005. Un fléau de rafalesvenu des
tropiques s’abatàplus de 200 km/h sur
La Nouvelle-Orléans. Cinquante-trois digues
censées protéger la ville cèdent sous la pression
de vagues de onze mètres de hauteur qui se
ruent sur les ouvrages d’art conçus par le génie
de l’US Army.Laville est inondéeà80%,