Photos CarolineTompkins pourMLemagazine du Monde —21 septembre 2019tard, la Libye est un champ de ruines.«Bien sûr que je me suis inter-
rogé,reconnaît-il aujourd’hui.Je n’ai toujours pas de réponse. Mais
ce ne sont pas les diplomates qui décident du cours des choses, ce sont
les politiques.»Onaconnu l’homme moins langue de bois.
Parce que, des bons mots, Gérard Araud enaabreuvé leTout-NewYo rk
et leTout-Washingtonmédiatiques etpolitiques. Celui-ci est resté
fameux :«Ledroit de veto, c’est comme le sexe. La première fois on rou-
git;après, on s’habitue...»L’ accompagner au restaurant italienàcôté
de chez lui, c’est participeràunconcours de ball-trap.Va nnes et vache-
ries, aussi savoureuses que le plat de pâtes au homard, s’abattent sur tel
et tel ancien président de la République, sur Jean-Claude Gaudin,
maire de sa ville natale, sur Michèle Alliot-Marie, sur Jean-MarcAyrault,
sur un ancien ministre de la culture en visiteàNewYo rk qui demande
s’il peut lui obtenir des réductionsàlaboutiqueWeston ou un autre qui
fait arrêter un convoi pour acheter des jeans Diesel... Dans son livre, il
décrit ses voyages en avion avec les ministres des affaires étran-
gères :«Dominique deVillepin transformait rapidement l’habitacle en
une vaste conversation où chacun avait la parole... Fabius ne disait mot
et lisait en silence;Michel Barnier travaillait ses dossiers avec applica-
tio n;Philippe Douste-Blazy commentaitParis Match.»
Son seul souci, c’est d’être trop bavard.«Jenes ais pas tenir ma lan-
gue»,reconnaît-il. Pour reprendre le titre d’un livre célèbre, c’est un
peu«unambassadeur ne devrait pas dire ça »... En février 2014, l’ac-
teur espagnol Javier Bardem, très engagé auprès du Front Polisario,
rapporte un bon mot que lui aurait confié l’ambassadeur français (qui
niel’avoir tenu) :«LeMaroc est une maîtresse avec laquelle on dort•••soutiens des États-Unisetd’Israël et partisans des interventions
militaires.L’ ancien ministre des affaires étrangères de Lionel Jospin,
HubertVédrine, nie avoir créé cette réputation,«mais, oui, je l’ai
relayée. Après, comme Gérard Araud adore la provocation, il en a
rajouté».On parle des chiraco-védriniens versus les néoconservateurs.
«Entout cas, il ne fait pas partie de ceux qui raisonnent en termes de
croisade,poursuitVédrine.Il dit souvent:“Je ne suis pas assez con au
point d’être le chef des néocons.”»
Chef, peut-être pas. Gourou, certainement. Certains, dontVédrine,
s’amusent de l’existence d’une sorte de secte au sein du Quai d’Orsay.
«Nous étions les Araudboys,ironise un ambassadeur en poste
aujourd’hui,les adeptes de la pensée araldienne. En gros, selon nous, la
position de la France, c’est d’être sur une ligne de crête. Si vous vous faites
engueuler des deux côtés, c’estque tout va bien.»Selon un autre fidèle,
Araud répétait aussi :«Appuyez-vous sur vos principes, ils finissent tou-
jour spar céder.»C’est en 2011 qu’il décroche son quart d’heure warho-
lien. Il est le représentant français aux Nations unies. Jean-Daniel
Levitte, conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy,l’appelle :
«Gérard, le président veut une résolution du Conseil de sécurité
vendredi.
–Mais nous sommes mardi!
–Oui, je sais. Sache juste que ça vaudrait vraiment mieux pour toi.»
Il bataille trois jours durant. Le jeudi 17 mars 2011, le Conseil de sécu-
rité valide une intervention militaire en Libye. Le surlendemain,
l’aviation françaisefrappelestroupesducolonelKadhafi. Nicolas
Sarkozy et Araud croient tenir leur jour de gloire mais, huit ans plus
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