Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1

toutes les nuits, dont on n’est pas particulièrement amoureux, mais
qu’on doit entretenir.»Le baroufaété immédiat. Jack Lang, préparait
alors l’inauguration d’une expositionàl’Institut du monde arabe
consacré au Maroc. Il dit aujourd’hui :«Gérard Araud incarne une
pensée vivante, c’est un homme dévouéàsamission. Il possède du corps,
de l’âme, de l’esprit. Mais ce qu’iladit alors était très malvenu et
inexact.»Plus récemment, certains médias français et israéliens l’ont
violemment attaquépour des propos sur une situation d’«apartheid»
en Israël.«Jen’ai pas dit ça non plus,rectifie-t-il.J’ai seulement parlé
de la Cisjordanie. Et, là, je persiste. Onytrouve quand même des routes
pour les Israéliens et d’autres pour les Palestiniens.»
Dominique deVillepin loue cette liberté de ton.«Ilassume ses res-
ponsabilités, quitteàdire ses désaccords, mais c’est sa façon d’incarner
sa mission.L’ indépendance d’esprit dont ilatoujours fait preuve,
notammentàl’égard du monde politique, n’est pas non plus la qualité
première des diplomates.»Entre immodestes, ils s’apprécient. Araud :
«Malheureusement, avoir raison trop tôt, c’est avoir tort.»Un jour
de novembre 2016, son audace manque de faire rouler sa tête au pied
de l’échafaud.ÀWashington, DonaldTr ump devient président des
États-Unis. Pas plus que les autres diplomates ou experts, Gérard
Araud n’a su prédire l’improbable triomphe du milliardaire.«Nous
avons tous été aveugles»,reconnaît-il aujourd’hui. Au milieu de la nuit
américaine, l’ambassadeur de France écrit surTwitter,réseau social
qu’il affectionne (ilypossède 54 000 abonnés) :«Unmonde s’effondre
devant nos yeux.»ÀParis, Jean-MarcAyrault (qui n’a pas souhaité
répondreànos questions) fait des bondsàendécrocher les lustres du


Quai d’Orsay perchésàsix mètres de hauteur et décide de le rappeler
définitivementàParis. Les deux hommes se détestent. Le ministre
desaffaires étrangères reproche au diplomate de se prendre pour le
califeàlaplace du calife, ce qui n’est pas forcément exagéré. Quant
aux proches de l’ambassadeur,ils considèrent les pro-Ayrault comme
l’incarnation d’un«esprit gris souris, le domaine des rase-mottes, des
petits opportunistes prêtsàtous les compromis,balance un ambassadeur
de France en poste.Une cour de petits marquis obséquieux et lèche-cul
pour qui Gérard constitue l’Antéchrist alors qu’il ne faisait que les
renvoyeràleurs propres lâchetés.»
Araud, qui reconnaît aujourd’hui«avoir commis une connerie en écri-
van tceTweet»,ne rentre pas en France, profitant d’une double iner-
tie franco-américaine.ÀWashington, la nouvelle administration oublie
de signer leslettres de créance de son successeur programmé, Maurice
Gourdault-Montagne.ÀParis, François Hollande laisse faire, allant
jusqu’à direàAyrault, selon plusieurs témoins :«Çava, tu ne vas
quand même pas démissionner pour un ambassadeur!»Comme un
seul homme, les amis d’Araud se tournent rapidement vers celui qui
marche vers le pouvoir.«J’ai ditàEmmanuel Macron que Gérard
devaitresteràson poste,se souvient Christine Lagarde.Ça n’avait
ni queue ni tête de le mettre dans un placard au ministère.»
C’est la seule faveur que le nouveau président de la République accor-
dera au diplomate. Celui-ci aurait pourtant rêvé d’une plus grande
considération de la part d’un jeune hommeàqui il rend un hommage
appuyéàlafindeson livre. Gérard Araud, quiadétesté la trop sage
Washington, aime la jeunesse, comme il aime le soleil,•••

De bons mots,


Gérard Araud


aabreuvé le


To ut-New York et


le To ut-Washington


médiatiqueset


politiques.Celui-ci


estresté fameux :


“Ledroit de veto,


c’estcomme le sexe.


La première fois


on rougit ;après,


on s’habitue...”

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