Le_Monde_-_21_09_2019

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SAMEDI 21 SEPTEMBRE 2019 france| 9

Réforme de l’assurance­chômage : 40 % de perdants


Selon un document de l’Unédic que « Le Monde » s’est procuré, les conditions d’accès ont été durcies


D


epuis sa présentation,
le 18 juin, par l’exécutif,
la réforme de l’assu­
rance­chômage avait
souvent été évoquée à travers des
paramètres complexes et des sta­
tistiques abstraites. On y voit dé­
sormais un petit peu plus clair sur
les effets concrets qu’elle est sus­
ceptible d’engendrer, grâce à un
« document de travail », que Le
Monde s’est procuré et qui a été
réalisé par l’Unédic, l’association
paritaire chargée de piloter le dis­
positif.
D’après cette note, les décisions
arrêtées par le gouvernement à la
fin du printemps auraient une in­
cidence négative sur un peu plus
de 40 % des demandeurs d’emploi
bénéficiant du régime. Le docu­
ment en question est proche de la
version définitive, qui sera présen­
tée, mardi 24 septembre, à des re­
présentants du patronat et des
syndicats siégeant au conseil d’ad­
ministration de l’Unédic. Il con­
firme les craintes exprimées par
les organisations de salariés lors­
que Matignon et le ministère du
travail avaient dévoilé les arbitra­
ges : celles­ci avaient alors dé­
noncé un projet susceptible de
porter gravement atteinte aux res­
sources des chômeurs.
Les principaux changements, in­
troduits par décret, tournent
autour de trois axes. D’abord, les
conditions d’accès ont été durcies :
les personnes devront avoir tra­
vaillé pendant six mois sur vingt­
quatre (au lieu de quatre sur vingt­
huit) pour pouvoir prétendre à
une prestation, et les droits à l’as­
surance­chômage ne pourront
être rechargés qu’à partir d’un
nombre d’heures six fois plus

élevé qu’avant. Ensuite, ceux qui
percevaient de hautes rémunéra­
tions lorsqu’ils étaient en activité
verront leur allocation baisser à
partir du septième mois. Enfin, la
formule de calcul pour déterminer
les montants versés a été modi­
fiée. L’entrée en application de ces
nouvelles règles a été étalée dans
le temps (novembre 2019 pour les
deux premières, avril 2020 pour la
troisième).

Economie de 900 millions
Entre début avril 2020 et fin
mars 2021, l’instauration de critè­
res d’éligibilité plus stricts frap­
pera 32 % des personnes qui
auraient ouvert un droit si les tex­
tes étaient restés inchangés (soit
environ 832 000). Pour elles, plu­
sieurs cas de figures peuvent se
présenter : soit elles n’ouvrent
aucun droit « avant au moins
avril 2021 », soit elles les ouvrent
mais « plus tard » qu’en vertu des
normes actuelle, soit « une partie
de leur affiliation ne sera pas prise
en compte du fait de la réduction de
la période de référence » (de vingt­
huit à vingt­quatre mois), ce qui
est de nature à amputer la durée
de leurs droits. Les publics concer­
nés « sont plus jeunes que la
moyenne des allocataires » : ils
« ont des droits plus courts avec des
salaires de référence plus faibles »,
rapporte l’étude. En 2020, cette
mesure engendrerait une écono­
mie de 900 millions d’euros (et de
1 milliard, l’année d’après).
S’agissant de la nouvelle formule
fixant le niveau de la prestation,
elle aura un impact pour 37 % des
nouveaux entrants dans le régime
« lors de la première année » (début
avril 2020­fin mars 2021). Soit un

peu plus de 850 000 personnes
(une partie d’entre elles étant éga­
lement frappées par le durcisse­
ment des règles d’accès au ré­
gime). Toutes subiront une dimi­
nution, dans des proportions va­
riables. L’Unédic mentionne un
recul de 19 % en moyenne pour
« l’allocation journalière nette », sa­
chant que dans certaines situa­
tions, la coupe pourra être plus
franche (jusqu’à ­50 % pour le
montant mensuel, voire davan­
tage dans quelques cas relative­
ment limités).
Cependant, une partie des béné­
ficiaires y gagnera « en termes d’al­
locations perçues sur la durée » car
ils seront « indemnisés suffisam­
ment longtemps » et percevront
« au total un montant d’allocations
supérieur », du fait de l’allonge­
ment dans le temps des droits.
Pour l’Unédic, la baisse des dépen­
ses permise par le nouveau mode
de calcul se situe à environ
250 millions d’euros en 2020 et
1,1 milliard en 2021.

Enfin, la dégressivité des alloca­
tions pour les salariés les mieux
payés (à partir de 3 500 euros net
par mois, environ) va « monte[r] en
charge progressivement ». A partir
de la fin 2020, « de 1 000 à
2 000 nouveaux allocataires » se­
ront touchés. En régime de croi­
sière, c’est­à­dire à partir de 2026,
environ 70 000 personnes rece­
vront, au moins un jour et sur une
année, « une allocation journalière
affectée » par cette mesure. Elle en­
gendrera 20 millions d’euros

d’économies en 2020, 140 millions
en 2021 et 350 millions en 2026, se­
lon l’Unédic. Au total, les écono­
mies induites par la réforme at­
teindraient un peu plus de 3,4 mil­
liards d’euros pour la période
2020­2021. Un montant qui est
voisin de celui escompté par l’exé­
cutif : celui­ci tablait sur 3,7 mil­
liards, de novembre 2019 à fin 2021
(300 millions devant être réaffec­
tés à Pôle emploi, ce qui donne au
total 3,4 milliards).
Dans l’entourage de Muriel Péni­
caud, la ministre du travail, on re­
grette que l’étude de l’Unédic ne
semble pas prendre en compte les
« changements de comporte­
ments » que les mesures provo­
queront, sur les entreprises
comme sur les salariés. Le but, rap­
pelle­t­on, est de corriger les usa­
ges indésirables, qui ont prospéré
avec les règles en vigueur jusqu’à
présent : celles­ci ont nourri l’alter­
nance incessante de contrats
courts et de périodes de chômage
indemnisé. Une dérive que la ré­

L’entourage
de la ministre
du travail,
Muriel Pénicaud,
rappelle que
son but est de
corriger les usages
indésirables

forme cherche à stopper en inci­
tant les parties en présence à privi­
légier « l’emploi durable », fait­on
valoir au ministère.
Le document de travail omet, par
ailleurs, de dire que « 20 % des chô­
meurs bénéficient d’une allocation
supérieure au salaire mensuel
moyen qu’ils percevaient quand ils
étaient en activité », poursuit­on ce
collaborateur de Mme Pénicaud.
Une situation source à la fois
« d’inéquités et d’effets pervers »,
que le gouvernement veut gom­
mer avec la nouvelle formule de
calcul de l’indemnisation.
Enfin, insiste­t­on Rue de Gre­
nelle, l’accompagnement des per­
sonnes éloignées du monde du
travail va être intensifié, grâce no­
tamment à des renforts en effec­
tifs chez Pôle emploi (1 000 agents
en plus). Un effort qui va permet­
tre de sortir du chômage de nom­
breuses personnes mais que
l’Unédic « paraît oublier dans son
étude ».
bertrand bissuel

« La réforme des retraites


est injuste », selon Bertrand


Pour sa rentrée, l’ancien ministre du travail,
ex­LR, a avoué penser à la présidentielle

J’


y pense mais y penser ne
suffit pas. » C’est par un
aveu d’ambition présiden­
tielle immédiatement as­
sorti de précautions que Xavier
Bertrand a fait sa rentrée média­
tique jeudi 19 septembre, sur
France 2.
Inaugurant la nouvelle émis­
sion politique de France 2, « Vous
avez la parole », le président de la
région Hauts­de­France est sorti
jeudi soir de ces louvoiements
pour asséner quelques vérités
quant à ses projets. D’abord au su­
jet de sa candidature à sa propre
succession aux élections régiona­
les : « Oui je serai candidat à cette
élection en 2021. » Ensuite pour as­
sumer ce scrutin comme une
condition sine qua non à son am­
bition nationale. « Si dans la ré­
gion six millions de personnes ne
souhaitent pas que je continue,
dans ces cas­là je n’ai aucun crédit
pour être candidat à l’élection pré­
sidentielle, c’est une évidence. »

Oui à la PMA, non à la GPA
Enfin, à l’heure où plusieurs té­
nors, dont le président du Sénat
Gérard Larcher, souhaitent la te­
nue de primaires ouvertes pour
désigner un candidat unique de la
droite en 2022, Xavier Bertrand a
balayé la possibilité d’y participer.
« Je pensais que tout le monde était
vacciné contre les primaires à
droite comme à gauche », a­t­il dit,
jugeant que le mécanisme « crée
un filtre (...) ça vous enlève forcé­
ment une part de liberté ».
L’ancien ministre de la santé et
du travail, qui se targue de sou­
mettre à l’intérêt général son bon
sens provincial, a dressé un bilan

sévère de la réforme des retraites
préparée par l’exécutif. « La re­
traite qui se prépare, si rien n’est
changé, pour moi elle est hypo­
crite, elle est injuste et elle est dan­
gereuse », a­t­il dit. « Si vous n’ap­
portez pas les garde­fous, les ga­
ranties, c’est une baisse générali­
sée des pensions qui nous attend,
pas tout de suite, à partir de
2025 », a­t­il ajouté. Evoquant
« l’injustice fondamentale » de la
différence d’espérance de vie de
sept ans (6,4 années selon l’Insee)
entre un cadre supérieur et un
ouvrier, il a proposé la mise en
place d’un « système de retraite
anticipée » tout en défendant un
recul progressif de l’âge de la re­
traite à 65 ans et demandé à Jean­
Paul Delevoye un simulateur in­
dividuel pour que « chaque Fran­
çais » puisse estimer sa pension
dans le futur système.
Appelé à prendre position sur
l’extension de la procréation mé­
dicalement assistée (PMA), l’an­
cien membre du cortège de la «
Manif pour tous » s’y est dit favo­
rable, « si on ne va pas vers la GPA
[gestation pour autrui] ». A un an
et demi des élections régionales,
plus de deux ans de l’élection pré­
sidentielle, l’émission était l’occa­
sion de faire mentir ceux qui, tout
en reconnaissant son habileté et
le calendrier opportun de son dé­
part de Les Républicains (LR), fin
2017, estiment que sa façade ré­
gionale cache une absence de vi­
sion nationale. Dans cet exercice,
Xavier Bertrand a avancé ses
pions, entre le Rassemblement
national et La République en mar­
che, une troisième voie étroite.
julie carriat

Création : AD

V et eti

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