Le_Monde_-_21_09_2019

(coco) #1
César TroisgrosàlaMaison
Troisgros, MauroColagreco
au Mi razur, Simon Roganà
L’Encl ume(au Royaume-Uni)...
Leur travailest documenté
dans un livre,Jardins de chefs.
Histoires etrecettes, de la
graineàl’assiette,récemment
paru auxéditionsPhaidon.
Mais le retour àlat erre prend
désormai sune formeplus
globale,les chefssepiquant
égalementd’artisanat de
bouche, voired’élevage.Car,
en cuisine commeenagricul-
ture,plusoni ntervientdansle
processusdeproduct ion, plus
on alap ossibilité d’influer sur
la saveur obtenue àl’arrivée.
En se fix antpourobjectif de ne
cuisiner que des bêtesqu’il a
lui-mêmeélevées,Frédéric
Ménager s’est fait uneréputa-
tion quidépasse lesfrontières.
On se déplace du monde
entier po ur venirgoûteràses
poulesgauloises do rées,
dindesrouges desArdennes
et autres racesrustiques
oubliées qu’ilsert, au

compte-goutteetaurythme
dessaisons,àlatable de
La FermedeLaRuchotte, sa
petite ferme-aube rgebourgui-
gnonne. Pour prop oser une
vianded’exception àLaMaison
d’àcôté, sonrestaurant deux
étoilessitué près de Blois
(Loir-et-Cher), ChristopheHay
arécemmentfaitl’acquisition
d’un troupeau de27 bœufsde
race wagyu. Unemanière de
s’affranchirdes aléas du circuit
de livraisontradi tionnel,mais
aussidemonterenqualité.
«Désormais, je saisexactement
ce que mecoûtel’animal,
déclarelec hef, quiacuisiné ce
mois-ci sonpremierwagyu.Je
ne suis plus dans un souci de
rentabilitémais de qualité:je
peux prendreletemps de pro-
longer la finition des bœufs.»
Unefinition de luxe :ses bêtes
pâturent en fermageavant
d’être nourrie saul in surfond
de musique classiq ue pendant
six mois mini mum.
D’autres poussentlal ogique
du «faitsoi-même»dansses

E


st-ce qu’ilvous
reste quelques-
unes de ces jolies
côtes de porc noir
de Bigorre que
vous m’avez servies la dernière
fois?”,s’enquiert unedame
au milieu de La Boucherie
Grégoire. Ce ttenouvelle
adresseduchefAntonin
Bonnet aouvertcet ét édans
le 6earrondissementdeParis,
àseulementdeuxnuméros de
Quinso u, sonrestaurant une
étoile.Danscecommerce de
poche quifaitlep aridu«beau,
bon et éthique»,lesviandes
de veau,vache,agneau ou
porc sont achetées par
carcassesentières, en circuit
courteta uprèsdepetits
producteurs français, avant
d’être débitées surplace,au
rythme dessaisons et des
arrivages. Uneoffredechoix
quiprofiteaux habita nts
du quartier,maisaussi
auxcuisinesvoisinesde
Quinso u, dontLaBoucherie
Grégoireest l’unique source

d’approvisionnementenpro-
duitscarnés.«Jen’achèteplus
rien àl’extérieur,confieAntonin
Bonnet,qui rend visite àses
bouchersune bonnevingtaine
de fois par jour.Un coup,je
récupèredes os pourfairepar-
tir des bouillons, un autredes
parures qui serviront de base à
des jus ouàdes sauces.»Des
échangesvertueux,qui lui
permettentdemieux contr ôler
l’état de sesstocksetdene
pratiquement rien jeter.
Àl’heure où la saisonnalitéet
l’ultralocalsontaucœurdes
préoccupations culin aires, de
plusenplusdechefs se lan-
cent dans l’agriculture pour
mieux maîtrise rlaq ualitédes
matières pr emièresetl eurs
moyens d’approvisionnement.
On ne prés ente plusles chefs
qui, dans le sillon creusé par
despionniers commeAlain
Passard, Michel Bras ou Mi chel
Guérard, cultivent des
potagersenmarge deleurs
restaurants:Alexandre
GauthieràLaGrenouillère,

Àchaque nouveau plat, le chef GlennViel développe unconcept culinairepour lequel ilfait appelàdes artisans locaux
(à gauche,aveclesouffleur deverreAlbanGaillard). La Boucherie Grégoire(àdroite) aété reprise par le chef Antonin Bonnet.
Situéeàcôtédeson restaurant, elleconstitue sa seule source d’approvisionnement en viande.

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PhotosYohanne Lamoulère/Tendance floue pourMLemagazine du Monde —21 septembre 2019

Virginie

Garnier
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