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JEUDI 19 SEPTEMBRE 2019 planète | 7
En Europe, des écoles
cernées par la pollution
L’étude menée dans six capitales, dont Paris, révèle
des niveaux préoccupants au sein des établissements
L
a pollution de l’air ne s’ar
rête pas aux portes des
écoles, ni à celles des salles
de classe. Telle est la conclusion
d’une étude menée par l’ONG
européenne Alliance pour la
santé et l’environnement (HEAL)
dans six capitales en proie à des
problèmes récurrents de qualité
de l’air : Paris, Londres, Berlin,
Madrid, Sofia et Varsovie.
Trois polluants (dioxyde
d’azote, particules fines et
dioxyde de carbone) ont été me
surés entre mars et mai dans cin
quante établissements. Les résul
tats ont été publiés mercredi
18 septembre. Ils font apparaître
des tendances alarmantes com
munes à toutes les villes. Du
dioxyde d’azote (NO 2 ), gaz toxique
émis principalement par le trafic
routier et en particulier les véhi
cules diesels, a été détecté à l’inté
rieur de toutes les salles de classe
dans l’ensemble des écoles et par
fois à des niveaux importants.
Les concentrations en particules
fines (PM2,5, inférieurs à 2,5 mi
cromètres de diamètre) dépassent
souvent la norme de l’Organisa
tion mondiale de la santé (OMS),
qui est de 10 microgrammes par
mètre cube (μg/m^3 ) en moyenne
annuelle. La plupart des salles de
cours présentent des niveaux de
dioxyde de carbone (CO 2 ) supé
rieurs au seuil recommandé de
1 000 particules par million (ppm).
Record dans une école de Paris
Les résultats concernant le NO 2
sont éloquents. Dans certaines
classes, les concentrations frôlent
les limites européennes en
vigueur pour l’air extérieur
(40 μg/m^3 en moyenne annuelle).
Ainsi, 35 μg/m^3 ont été relevés
dans une école de Madrid.
Dans d’autres établissements,
les concentrations retrouvées à
l’intérieur des salles dépassent
même les niveaux mesurés en
extérieur, à l’entrée de ces écoles :
30 μg/m^3 versus 22 et 23 versus 16
pour deux écoles de Sofia, 13 ver
sus 6 pour un établissement
berlinois. Et, dans de nombreux
cas, les niveaux mesurés à l’en
trée des écoles oscillent entre
35 et 43 μg/m^3 , le record revenant
à une école maternelle pari
sienne avec un taux de 52 μg/m^3 ,
soit largement audelà de la
limite légale européenne.
« L’objectif de notre travail n’était
pas de comparer les villes entre el
les, mais de mobiliser les décideurs
locaux à travers l’Union euro
péenne autour d’un défi de santé
publique récurrent. A savoir que,
pour garantir la qualité de l’air in
térieur dans les écoles – là où respi
rent les membres d’une catégorie
particulièrement vulnérable de la
population –, il est indispensable
de réduire la pollution extérieure »,
note Sophie Perroud, de HEAL,
qui regroupe plus de 70 organisa
tions spécialisées dans les ques
tions de santéenvironnement.
A Paris, la campagne de mesures
a été pilotée par France Nature En
vironnement (FNE). Elle complète
les données publiées en mars par
l’association Respire indiquant
que les niveaux de pollution aux
abords des établissements scolai
res dépassent souvent les normes
sanitaires. Six écoles maternelles
et élémentaires représentant près
de 1 000 élèves ont accepté de
participer à l’étude. Choisies de
façon à obtenir des profils diffé
rents (proximité avec un axe
urbain, quartier...), elles ont
préféré garder l’anonymat.
Quatre écoles présentent des
concentrations de CO 2 « très supé
rieures aux niveaux recomman
dés » (entre 1 062 et 1 525 ppm), in
diquant une mauvaise ventila
tion, pourtant indispensable pour
la santé et la concentration des
enfants. Les niveaux de particules
PM2,5, les plus dangereuses car el
les pénètrent profondément dans
l’organisme, dépassent la norme
de l’OMS dans quatre d’entre elles,
et de plus du double pour trois
écoles (avec 20, 23 et 25 μg/m^3 ).
« Amendes plus dissuasives »
Les résultats sont particuliè
rement préoccupants pour une
école primaire du centre de Paris.
Située à proximité d’un grand
boulevard, elle cumule niveaux
très élevés de CO 2 (1 525 ppm) et de
NO 2 (52 μg/m^3 à l’entrée de l’école,
27 μg/m^3 en salle).
« La circulation routière et les
chantiers de construction consti
tuant la principale source de pol
lution de l’air extérieur, les écoles
ont besoin que les maires agissent
en vue de trouver des solutions
permettant de la réduire, com
mente Alain Chabrolle, vicepré
sident de FNE. Paris est en train de
mettre en place quelques mesures,
mais il est possible de faire davan
tage, en particulier autour des
écoles avec, par exemple, des limi
tations de vitesse plus strictes, des
zones à faibles émissions ou des
zones à péage urbain. »
FNE et HEAL réclament aussi
un « meilleur contrôle » et « des
amendes plus dissuasives pour le
nonrespect de la vignette
Crit’Air », qui interdit aux véhicu
les les plus polluants (Crit’Air 5 et
4) de circuler dans Paris en se
maine. Les ONG plaident égale
ment pour un « renforcement du
contrôle réglementaire et scientifi
que citoyen de la qualité de l’air
dans les écoles ». Annoncé par la
Mairie avant l’été, le déploiement
de 150 capteurs dans une cin
quantaine d’établissements jugés
prioritaires doit s’intensifier à
partir du 20 septembre.
stéphane mandard
Dans certaines
classes, les
concentrations
frôlent les limites
européennes
en vigueur pour
l’air extérieur
Dans le métro et le RER, un air jusqu’à
dix fois plus vicié qu’à l’extérieur
Selon le CNRS et l’association Respire, les quais concentrent les plus
forts taux de particules ultrafines, en raison du freinage des rames
T
rois cents bouches du mé
tro rejettent des particules
fines à des niveaux de
danger exceptionnels », déclarait
au Monde la maire de Paris, Anne
Hidalgo, lundi 16 septembre,
avant la publication d’une carto
graphie inédite révélant les zo
nes les plus polluées de la capi
tale. Une équipe du CNRS, épau
lée par l’association Respire, a
mesuré en juin ses particules fi
nes dans le métro et dans le RER
avec un appareil de haute préci
sion (LOAC). Les résultats, diffu
sés mercredi, sont sans appel :
« L’air est nettement plus pollué en
particules fines dans le métro que
dans l’air ambiant extérieur. »
A la station du RER A, gare de
Lyon, les concentrations de PM
(inférieurs à 10 micromètres), les
particules les plus grossières, ont
atteint jusqu’à dix fois celles
mesurées à la surface : 300 mi
crogrammes par mètre cube (μg/
m^3 ) contre 30 μg/m^3 à l’extérieur.
L’écart est également important
pour les PM2,5 (inférieurs à
2,5 μm) : 50 μg/m^3 versus 15 μg/m^3.
Mais les résultats sont encore
plus impressionnants lorsque
l’on s’intéresse aux particules
ultrafines (PUF), d’un diamètre
inférieur à 0,1 μm, que ni les
appareils de surveillance mis en
place par la RATP sur son réseau
ni ceux d’Airparif ne mesurent, en
l’absence de normes.
« En finir avec l’omerta »
La concentration en PUF a atteint
en juin environ 300 μg/m^3 , gare
de Lyon. « Un niveau jamais at
teint en extérieur, où on reste en
général en dessous de 10 μ g/m^3 »,
souligne JeanBaptiste Renard, du
Laboratoire de physique et chi
mie de l’environnement et de l’es
pace du CNRS, qui a conduit ce
projet. Les mesures en concentra
tion ne rendant qu’imparfaite
ment compte de la pollution lors
qu’il s’agit de particules aussi fi
nes, il faut aussi les dénombrer.
Et, sur le quai du RER A, les scienti
fiques en ont compté beaucoup :
entre 300 millions et 800 mil
lions de particules par mètre
cube. Soit 10 fois plus qu’à l’exté
rieur. Des niveaux similaires ont
été relevés sur les quais de la ligne
4 du métro, à la station Châtelet.
Des mesures ont également été
faites à la station Cité et dans une
rame de la ligne 10 entre Odéon et
Gared’Austerlitz. Les niveaux de
pollution constatés à l’intérieur
de la rame sont inférieurs à ceux
mesurés dans les couloirs. Et sur
les quais, c’est en tête que les pics
ont été mesurés. Conseil d’Olivier
Blond, le président de Respire :
« N’attendez pas votre RER près de
l’entrée du tunnel! »
Pour le spécialiste de la pollu
tion de l’air, il s’agit d’« en finir
avec l’omerta ». « Tout le monde
sait que le métro est pollué, mais
rien ne changera tant que la
RATP refusera de reconnaître la
gravité du problème. Les mesures
que nous avons effectuées, c’est
la régie qui aurait dû les faire
depuis longtemps. »
A la RATP, on fait valoir que des
mesures de qualité de l’air sont
pratiquées « depuis vingt ans » et
mises à disposition du public de
puis 2018, que 56 millions d’euros
auront été investis entre 2016
et 2020 pour renouveler les systè
mes de ventilation, ou encore
qu’une expérimentation est en
cours pour « capter les particules
métalliques au freinage », consi
dérées comme la principale
source de pollution.
st. m.
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