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DIMANCHE 8 LUNDI 9 SEPTEMBRE 2019
PLANÈTE
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En Amazonie,
la lutte incertaine
contre les feux
Le Brésil se targue de contrôler
les incendies, sans le prouver
rio de janeiro correspondant
L’
épreuve du feu est arri
vée pour Jair Bolsonaro
- au propre, comme au
figuré. Le président
brésilien, qui avait décrété, le
23 août, la mobilisation de l’ar
mée pour lutter contre les incen
dies ravageant l’Amazonie, doit
aujourd’hui répondre de son ac
tion. Et le bilan, après deux semai
nes de lutte contre les flammes,
est plus que contrasté.
Officiellement, pourtant, la si
tuation serait « sous contrôle ».
L’opération « Vert Brésil » mobi
lise à plein les moyens des armées
de l’air, de terre et de mer. Le gou
vernement a par ailleurs ordonné
la semaine dernière l’interdiction
pour soixante jours des « queima
das » (brûlis des fermiers). Il met
en scène son action, diffusant
massivement sur les réseaux
sociaux une foison de clichés flat
teurs : camions de l’armée pa
trouillant sur les pistes, soldats en
treillis impeccables remplissant
des réservoirs et ballet des avions
militaires larguant des trombes
d’eau sur la forêt en flammes.
Le ministère de la défense as
sure que « Vert Brésil » aurait déjà
permis d’« éteindre » ou de « con
trôler » plusieurs incendies, no
tamment vers Bom Futuro et
dans le nord du parc national
Campos Amazônicos : deux zones
situées dans l’Etat de Rondônia,
où se concentre l’action des mili
taires. Si l’on en croit les autorités,
la victoire serait en vue. « Le Brésil
a une fois de plus démontré que,
lorsqu’il est uni, il n’y a aucun obs
tacle qu’il ne puisse surmonter! »,
s’est félicité Onyx Lorenzoni, chef
de la Casa Civil (équivalent de pre
mier ministre), lors d’une réu
nion mardi 3 septembre, réunis
sant des membres du gouverne
ment ainsi que les gouverneurs
de l’Amazonie occidentale.
Communication verrouillée
De son côté, Jair Bolsonaro s’est
déclaré déterminé à évoquer le
sort de la grande forêt « avec pa
triotisme » dans son discours lors
de la prochaine assemblée géné
rale des Nations unies, prévu
dans trois semaines. Un brin fan
faron, le président, qui continue
de rejeter l’aide de 20 millions de
dollars débloquée par le G7 – une
vulgaire « aumône », selon lui – a
appelé les Brésiliens à s’habiller
de vert et de jaune pour la fête na
tionale du 7 septembre afin de
« montrer au monde » que « l’Ama
zonie nous appartient ».
Mais, audelà des discours triom
phalonationalistes, qu’en estil de
la réalité du terrain? « En vérité, il y
a une grande part d’improvisation
et on ne sait pas vraiment ce qu’il se
passe en détail », explique Ricardo
Abad, expert à l’institut Socioam
biental, ONG de défense de l’envi
ronnement. Sur place, en Amazo
nie, la communication de l’armée
est verrouillée et les journalistes
souvent empêchés d’embarquer
avec l’armée en opération.
De son côté, le gouvernement
ne dévoile aucun chiffre précis
sur l’état des incendies et l’avan
cement des combats contre le
feu, se contentant de livrer à la
presse de vagues « cartes thermi
ques », pointant des « foyers de
chaleur » – en diminution, selon
les autorités. Autant de données
fournies par un organisme public
subordonné au ministère de la
défense, appelé Service de protec
tion de l’Amazonie (Sipam).
Celuici possède certes treize sa
tellites, mais, « en réalité , il est es
sentiellement utilisé par les mili
taires pour la surveillance des
frontières », explique un bon con
naisseur du dossier, ajoutant que
le Sipam « n’est pas fonctionnel
pour détecter des incendies ».
Tout l’inverse de l’Institut natio
nal de recherche spatiale (INPE),
reconnu et compétent, officielle
ment chargé de la surveillance de
la déforestation et des incendies.
Mais celuici est vilipendé par Jair
Bolsonaro, qui a récemment
poussé vers la sortie son direc
teur. On comprend pourquoi : les
chiffres publiés par l’institut sont
en effet bien moins flatteurs (et
bien plus précis) que ceux du
Sipam. Rien que pour le 6 sep
tembre, l’INPE a ainsi détecté
1 376 nouveaux départs de feu au
Brésil (une hausse de 27 % par rap
port au jour précédent), portant à
plus de 95 000 le nombre d’incen
dies cumulés en 2019. Dans le dé
tail, les chiffres montrent une
énorme disparité entre Etats, se
lon les jours et les régions : impos
sible de conclure à une quelcon
que « victoire » sur les flammes.
Pour ne rien arranger, la quantité
comme la qualité des moyens dé
ployés font débat. Selon le minis
tère de la défense, « à peu près »
6 000 soldats seraient aujourd’hui
déployés pour combattre les in
cendies en Amazonie, appuyés par
150 véhicules, 20 bateaux et 16 aé
ronefs, ainsi que 2 monomoteurs
bombardiers d’eau chiliens et une
délégation d’experts israéliens en
catastrophes naturelles. Mais
d’autres sources, citées par les mé
dias brésiliens, évoquent quant à
elles tout juste 2 500 à 3 900 sol
dats en action. Cela fait en tout cas
bien peu pour une forêt grande
comme cinq fois la France...
Budget en baisse
A la pointe de l’opération « Vert
Brésil », les forces aériennes ont
certes réquisitionné deux avions
Hercule C130, reconvertis en
bombardiers d’eau, chargés cha
cun de 12 000 litres d’eau. Mais
ces transporteurs de troupe, mo
dèle américain des années 1950,
« ne sont tout simplement pas as
sez nombreux et, surtout, pas du
tout adaptés à la lutte contre les in
cendies, déplore M. Abad. De toute
façon, les militaires n’ont pas voca
tion à combattre le feu. Leur rôle,
c’est de défendre le territoire. Ce
qu’il nous faut, ce sont des pom
piers, des agents qualifiés! »
Peu de chances qu’ils arrivent de
sitôt : les principaux instituts pu
blics de protection de l’environne
ment, tel l’Ibama, ont été purgés
et amputés d’une bonne partie de
leur budget cette année par le
gouvernement d’extrême droite
Sept pays amazoniens signent un « pacte » pour protéger la forêt
Le texte, qui prévoit peu de mesures concrètes, a déçu les défenseurs de l’environnement et les représentants de la communauté indigène
bogota correspondante
A
lors que l’Amazonie brûle
encore, sept pays de la ré
gion se sont retrouvés,
vendredi 6 septembre, dans la ville
colombienne de Leticia pour par
ler coopération régionale. « La
bonne volonté ne suffit plus pour
sauver la forêt », a rappelé le prési
dent péruvien, Martin Vizcarra, en
évoquant la nécessité de « mesures
drastiques ». Signé à l’issue de la
rencontre, le pacte de Leticia pour
l’Amazonie prévoit de renforcer la
coopération en matière de sur
veillance par satellite, de lutte con
tre la déforestation, de prévention
des incendies et les échanges de
données sur le climat. Mais le texte
contient peu de mesures concrè
tes et les défenseurs de l’environ
nement avaient du mal, vendredi
soir, à cacher leur déception.
Annoncé le 26 août, le sommet a
rapidement été organisé par le
gouvernement colombien. Ses
promoteurs entendaient profiter
de l’émotion suscitée par la vague
d’incendies au Brésil. « Les pays de
la région ont beaucoup trop tardé à
se réunir, s’indigne la chercheuse
brésilienne Beatriz Miranda. Le
problème, c’est que les Etats mem
bres, incapables de mettre en
œuvre des politiques publiques effi
caces, sont en partie responsables
de la crise actuelle. » Et de rappeler
que le premier traité de coopéra
tion amazonienne date de 1978.
Craintes que rien ne change
Outre le président colombien,
Ivan Duque, et le Péruvien Martin
Vizcarra, l’Equatorien Lenin Mo
reno et le Bolivien Evo Morales,
étaient présents à Leticia. Le Suri
nam, le Guyana, le Brésil étaient
représentés par des membres du
gouvernement. Le Venezuela de
Nicolas Maduro – qualifié de dicta
ture par Bogota et Brasilia – n’avait
pas été invité. La France non plus.
« Le grand sommet pour l’Ama
zonie » a duré un peu moins de
quatre heures. La rencontre s’est
tenue à l’université nationale de
Leticia. Pas de manifestants donc
ni de badauds pour venir pertur
ber les brefs débats. Les Indiens,
venus accueillir les chefs d’Etat,
étaient là pour le folklore et les
photos, et n’ont pas été invités à
s’exprimer. « C’est une bonne chose
que les gouvernements s’inquiètent
enfin de la protection de l’Amazo
nie, considère Nelly Kuiru, de la
Commission nationale de com
munication indigène. Mais nous
avons des raisons de craindre que
rien ne va changer. »
Le président brésilien, Jair Bol
sonaro, qui avait décliné l’invita
tion pour raisons de santé, a réaf
firmé par vidéoconférence ses
thèses souverainistes : l’Amazonie
appartient aux seuls pays qui la
possèdent et qui ont le droit de la
défendre comme ils l’entendent.
Pas question de laisser la commu
nauté internationale s’en mêler. A
l’autre extrémité de l’échiquier
politique, Evo Morales a protesté
contre l’exclusion du Venezuela.
« La défense de la planète suppose
de dépasser nos différends idéolo
giques », a déclaré le dernier allié
de M. Maduro sur le continent.
Pour le chef d’Etat bolivien, le sys
tème capitaliste et la consomma
tion débridée sont responsables
de la crise. Les gouvernements
des pays amazoniens doivent se
retrouver à l’occasion du prochain
sommet des Nations unies.
marie delcas
A Novo
Progresso,
au Brésil,
le 3 septembre.
LEO CORREA/AP
« Il y a une
grande part
d’improvisation
et on ne sait pas
vraiment ce qu’il
se passe »
RICARDO ABAD
expert d’une ONG
environnemental
de Jair Bolsonaro. « Larguer de
l’eau par avion, c’est bien, et ce
corpsàcorps avec les flammes est
nécessaire. Mais plus qu’éteindre
les feux, il faut lutter en priorité
pour éteindre les causes des incen
dies. A savoir, la déforestation », es
time Paulo Moutinho, chercheur
à l’Institut de recherche environ
nementale pour l’Amazonie.
Mais, en pleine crise environne
mentale, une autre mauvaise
nouvelle est tombée cette se
maine : selon le budget prévision
nel pour 2020, le ministère de l’en
vironnement devrait perdre 10 %
de ses ressources. L’enveloppe
consacrée à la lutte contre les in
cendies devrait quant à elle plon
ger de 45,5 millions à 29,6 millions
de reais (de 10 millions à 6,6 mil
lions d’euros), soit une chute ca
tastrophique de 34 %. Un coup de
massue pour les défenseurs de
l’Amazonie. « Si on relâche notre
surveillance, prévient M. Mou
tinho, si on ne met pas en place un
combat effectif pour la préserva
tion de cette forêt, peu importe le
nombre de militaires déployés en
urgence, les feux reviendront. Et, à
la prochaine saison sèche, ce pour
rait être pire encore. »
bruno meyerfeld
QUESTIONSPOLITIQUES
DIMANCHE 8 SEPTEMBREÀ 12H
AGNÈS BUZYN
MINISTRE DES SOLIDARITÉS ETDE LASANTÉ
ALI BADDOU, CARINE BÉCARD, FRANÇOISE FRESSOZ ETNATHALIE SAINT-CRICQ
ENDIRECTSURFRANCEINTERETSURFRANCEINFO(TVCANAL27)
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© photo : Christophe Abramowitz
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