Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1

14 |économie & entreprise SAMEDI 7 SEPTEMBRE 2019


0123


berlin ­ correspondance

L


a liste des invités était
longue, les titres, ron­
flants, et les attentes, au
maximum. Répondant à
l’invitation du ministre de l’éco­
nomie, Peter Altmaier, une cin­
quantaine de personnalités (élus
régionaux, chefs d’entreprise, ex­
perts, militants écologistes) se
sont réunies, à Berlin, jeudi 5 sep­
tembre, pour prendre part à un
« sommet de l’énergie éolienne ».
Début août, le gouvernement
avait convoqué la réunion,
comme pour souligner sa volonté
de sortir ce secteur emblémati­
que de la crise dans laquelle il est
plongé, outre­Rhin, depuis un an.
« La branche de l’éolien est con­
frontée à de gros problèmes, sur­
tout en matière de construction
d’éoliennes terrestres », a reconnu
M. Altmaier à l’issue de la rencon­
tre à huis clos. Mais les résultats
concrets sont plutôt minces.
Au cours des prochains mois, le
gouvernement fédéral et les Etats
régionaux travailleront sur une
séries de mesures visant à relan­
cer la construction d’éoliennes
terrestres, presque tombée au
point mort. Parmi les mesures
évoquées, Berlin veut faciliter la
mise à disposition de terrains
pour l’installation de parcs éo­
liens et accélérer les octrois de
permis. Et les autorités devront
œuvrer à renforcer l’acceptation
des éoliennes par les citoyens. En
bref, « nous avons besoin d’un con­
sensus national sur la transition
énergétique et l’expansion de

l’énergie éolienne, comme c’est le
cas pour la sortie du nucléaire et du
charbon », a souligné le ministre.
Car l’heure est grave. La cons­
truction d’éoliennes terrestres,
après avoir culminé à presque
1 800 unités en 2017, est tombée à
743 en 2018, portant le total à un
peu plus de 30 000. Et pour les six
premiers mois de 2019, seules
86 éoliennes ont été construites.
C’est le pire semestre, outre­Rhin,
depuis vingt ans. « Pour ce qui est
de l’expansion de l’éolien terrestre,
l’Allemagne est passée de la voie
de gauche à la bande d’arrêt d’ur­
gence », ironise Achim Derks, pré­
sident de la fédération allemande
des chambres de commerce et
d’industrie.
Alors que les capacités de l’éo­
lien terrestre ont bondi de 5,3 gi­
gawatts (GW) en 2017, celles­ci
n’ont augmenté que de 0,3 GW,
entre janvier en juin 2019. Même
en y ajoutant l’éolien offshore,
moins touché par la crise, l’Alle­
magne devrait produire, tout au

plus, 1,5 GW d’installations nou­
velles cette année, contre 6,6 GW
au total en 2017, d’après les esti­
mations du secteur.
Ces chiffres donnent des sueurs
froides aux experts, d’autant plus
que Berlin s’est imposé l’objectif
de réaliser 65 % de sa production
d’électricité à partir d’énergies re­
nouvelables à l’horizon 2030.
« Pour atteindre nos objectifs cli­
matiques, nous aurons besoin
d’augmenter les capacités éolien­
nes terrestres de 5 GW par an »,
rappelle Johann Saathoff, député
social­démocrate au Bundestag.

Fin du nucléaire et du charbon
L’Allemagne a pourtant accompli
des pas de géant en matière
d’électricité verte. Depuis le lance­
ment de sa transition énergéti­
que en 2010, la part des énergies
renouvelables (éolienne, solaire
et biomasse, notamment) dans la
production totale d’électricité est
passée de 17 % à 40 %. Au cours du
premier semestre, malgré le coup
d’arrêt à la construction de nou­
velles éoliennes, la production
d’électricité verte battait tous les
records, grâce, notamment, à une
météo très favorable, venteuse et
ensoleillée à souhait.
Mais ces résultats encoura­
geants sont insuffisants. D’ici à
2022, l’Allemagne mettra hors
service ses sept dernières centra­
les nucléaires, conformément à la
décision adoptée par le gouver­
nement d’Angela Merkel, sous la
pression de l’opinion publique,
après la catastrophe de
Fukushima. Les réacteurs en acti­

vité ont fourni 12 % de l’électricité
produite outre­Rhin en 2018.
En 2038, ce sera au tour des cen­
trales à charbon de s’arrêter défini­
tivement. Les milieux écologistes
exigent d’ailleurs une sortie du
minerai à un horizon moins loin­
tain, afin de réduire plus vite les
émissions allemandes de dioxyde
de carbone. Plus facile à dire qu’à
faire, alors que la part du charbon
dans le mix énergétique allemand
s’élevait encore à 38 % en 2018.
Mais, après une décennie d’ex­
pansion débridée, les embûches
se sont multipliées pour l’éolien.
En 2016, le gouvernement, ju­
geant le secteur arrivé à maturité,
a amendé sa loi énergétique de
2001 et encadré plus strictement
l’attribution de subventions.

En parallèle, les délais pour ob­
tenir des permis de construire
s’allongent : sous la pression de
leurs administrés, les élus locaux
se font plus tatillons. A travers les
campagnes allemandes, des cen­
taines d’initiatives citoyennes
bloquent l’installation de nouvel­
les éoliennes. Dans certains Län­
der, comme la Bavière, la régle­
mentation en matière de distance
avec les habitations est si stricte
qu’il n’y a pratiquement plus de
terrains disponibles pour instal­
ler des parcs d’éoliennes.
Le coût social de cette crise est
considérable. Le secteur a déjà
perdu 26 000 emplois sur les
160 000 qu’il comptait en 2017. La
vente à la découpe de Senvion, le
quatrième producteur d’éolien­

nes du pays, en même temps que
le sommet de crise à Berlin, souli­
gne l’urgence.
A l’issue de la réunion de jeudi,
Olaf Lies, ministre de l’environne­
ment de l’Etat régional de Basse­
Saxe, a promis des mesures con­
crètes pour une conférence fédé­
rale sur l’énergie, en décembre.
Les représentants du secteur ont
réagi de façon positive au signal
lancé par Berlin, mais Hermann
Albers, président de la fédération
allemande de l’énergie éolienne,
exige des « résultats visibles » dès
début 2020. « Ce qui est un pro­
blème pour l’industrie aujourd’hui
sera un problème pour les femmes
et hommes politiques demain », a­
t­il prédit.
jean­michel hauteville

Alors que
les capacités de
l’éolien terrestre
ont bondi de
5,3 gigawatts
en 2017, elles
n’ont crû que de
0,3 gigawatt au
premier semestre

après plusieurs mois d’incertitudes et de ru­
meurs, la mauvaise nouvelle est finalement
tombée, mercredi 28 août : Senvion n’a pas
trouvé de repreneur désireux de racheter l’en­
treprise dans sa totalité. Le numéro quatre de
l’éolien outre­Rhin, déclaré en faillite en avril,
sera donc vendu à la découpe dans les toutes
prochaines semaines. « Nous sommes sur le
point de trouver une solution pour une grande
part de nos activités de cœur de métier », a dé­
claré Yves Rannou, le patron français du groupe
installé dans la région de Hambourg.
Le dénouement est attendu le 10 septembre :
mardi prochain, un comité de créanciers se
réunira pour décider du sort de Senvion. Des
acquéreurs potentiels (concurrents directs ou
investisseurs financiers) auraient manifesté
leur intérêt pour une partie des activités,
notamment la division de services. Les autres
divisions seront liquidées, le personnel, licen­
cié. Le coup est rude pour les 4 000 salariés du
groupe, dont 1 800 outre­Rhin, mais aussi pour
Yves Rannou, arrivé aux commandes en janvier
après une longue carrière chez Alstom, puis
chez General Electric.
Mais, pour Senvion, les difficultés avaient
commencé bien avant l’arrivée du nouveau pa­
tron. Fondée en 2001 sous le nom de Repower
Systems, Senvion avait été rachetée, en 2015,
par le fonds d’investissement américain
Centerbridge à Suzlon, le géant de l’éolien in­
dien, pour 400 millions d’euros. Le groupe
avait alors entamé une coûteuse stratégie
d’expansion à l’étranger, tout en préparant son
entrée en Bourse.

Sous l’effet de vents contraires, cette stratégie
a tourné court. Sur le marché européen, les
aides publiques au secteur se sont raréfiées,
leurs conditions d’obtention se sont durcies, et
la concurrence s’est intensifiée, tirant les prix à
la baisse. Le marché national allemand, lui, s’est
effondré après des années d’euphorie et ne re­
présente plus que 20 % du chiffre d’affaires de
Senvion, contre 60 % en 2016.

Retards, pénalités
Dans le même temps, le groupe, malgré sa
taille modeste, s’est montré très ambitieux à
l’international. Peut­être un peu trop : sur de
grands projets, les retards s’accumulaient et,
avec eux, les pénalités. Résultat, en 2018,
Senvion n’a réalisé que 1,45 milliard d’euros de
chiffre d’affaires, au lieu des 1,9 milliard initia­
lement prévus. Malgré un carnet de comman­
des plein à craquer, l’entreprise a subi des per­
tes trois années d’affilée. En parallèle, sa dette
gonflait toujours plus, pour dépasser le mil­
liard d’euros en début d’année.
Le nouveau patron a tenté de redresser la
barre. En mars, Yves Rannou annonçait une ré­
duction du nombre de modèles d’éoliennes,
ainsi que le retrait de Senvion de plus de
trente pays, afin de se concentrer sur l’Europe,
l’Amérique latine et l’Inde. Mais il était déjà trop
tard : en avril, l’entreprise déposait le bilan.
L’obtention d’un prêt de 100 millions d’euros,
quelques jours plus tard, aura donné une lueur
d’espoir aux salariés, mais n’aura fait que re­
pousser de quelques mois l’issue inévitable.
j.­m. ha. (berlin, correspondance)

En faillite, Senvion sera vendu à la découpe


En Allemagne, l’éolien affronte des vents contraires


Outre­Rhin, la transition énergétique est menacée par l’effondrement de la construction d’éoliennes


PERTES & PROFITS|TRANSPORT AÉRIEN
p a r p h i l i p p e e s c a n d e

Malédiction dans l’azur


L’aigle, roi des volatiles, serait­il
comme le phénix légendaire,
capable de renaître éternelle­
ment de ses cendres? C’est tout
le mal qu’on souhaite à la com­
pagnie Aigle Azur, en redresse­
ment judiciaire et qui vient
d’annuler l’ensemble de ses vols,
sans dédommagement pour ses
clients. La deuxième compagnie
aérienne française, derrière
Air France, s’est écrasée au sol en
l’espace d’une petite année alors
que tout semblait lui sourire à
nouveau.
La société n’a pourtant pas
manqué d’entrepreneurs auda­
cieux. Fondée, en 1946, par
Sylvain Floirat, l’un des hommes
d’affaires les plus inventifs et
truculents de l’après­guerre, fu­
tur développeur d’Europe 1 et de
Matra, Aigle Azur se spécialisera
dans les liaisons avec les colonies
Françaises, au Maghreb et en
Indochine. Il revendra la société
dix ans plus tard à son principal
concurrent. Elle renaîtra une
première fois, en 1970, avant
de péricliter à nouveau, puis de
repartir en 2001, poussée par
l’essor du trafic à destination de
l’Afrique du Nord. Elle transporte
le quart des passagers entre la
France et l’Algérie.

Nouveau coup de mou en 2017.
Alors que l’entreprise est au
bord du dépôt de bilan, les nou­
veaux actionnaires, dont l’entre­
preneur américano­brésilien Da­
vid Neeleman et le chinois HNA
(Hainan Airlines), installent aux
commandes un autre créateur
d’entreprises du secteur, Frantz
Yvelin, qui avait lancé les socié­
tés L’Avion et La Compagnie.

Trois calamités
Ce dernier se démène pour rené­
gocier les accords avec les pilo­
tes et s’appuyer sur ses riches ac­
tionnaires pour se lancer à la
conquête de nouvelles destina­
tions. A tel point qu’en 2018 la
réussite semble éclatante. Avec
sa douzaine d’avions, la firme
s’envole vers Berlin, Moscou,
Pékin et Sao Paulo. Le ciel est
serein, les avions récents et les
perspectives prometteuses.
C’est là que frappe de nouveau
la malédiction du transport aé­
rien, avec ses trois calamités ha­
bituelles : le dialogue avec les pi­
lotes, la concurrence pléthori­
que et la conjoncture. Tout cela
dans une activité extrêmement
capitalistique. Un seul aller­re­
tour à Sao Paulo revient à
250 000 euros. Chaque siège

vide ou mal vendu se paie très
cher. Une petite hausse du
pétrole, une fréquentation tou­
ristique en baisse, et c’est toute
une trésorerie qui s’évapore
aussi vite que le kérosène des
réacteurs. Ce qui était un bien
devient un mal. Les actionnaires
nombreux et complémentaires
se tirent dans les pattes au fur
et à mesure que leurs intérêts
divergent.
Car ce malheur quasi structu­
rel du transport aérien est mon­
dial. Alitalia, Etihad, Norwegian,
Jet Airways, on ne compte plus
les victimes, autrefois florissan­
tes, d’une activité si séduisante
sur un marché tellement por­
teur qu’il fait la fortune des in­
dustriels comme Airbus et Sa­
fran, dont les résultats n’ont ja­
mais été aussi éclatants.
Seule différence, sur le marché
de l’aviation commerciale, il
n’existe que deux constructeurs
d’avions et trois fabricants de
moteurs dans le monde, pour
des milliers de compagnies
clientes, et il s’en crée de nouvel­
les constamment, dont le prix
est le principal facteur de diffé­
renciation. Pas besoin d’être un
aigle, ou un phénix, pour devi­
ner la suite de l’histoire.

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