Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1

16 |argent SAMEDI 7 SEPTEMBRE 2019


0123


MARCHÉ DE L’ART


Arts premiers : des prix contrastés pour l’Afrique et l’Océanie


N’


allez pas parler restitu­
tion à la plupart des
exposants du Parcours
des mondes, ce salon consacré
principalement aux arts d’Afrique
et d’Océanie, qui se tient, du 10 au
15 septembre, dans le quartier de
Saint­Germain, à Paris.
La publication, en novem­
bre 2018, du rapport rédigé par
l’historienne Bénédicte Savoy et
l’économiste et écrivain sénéga­
lais Felwine Saar les avait fait sortir
de leurs gonds. A la fois par ses
préconisations – la restitution à
l’Afrique de 46 000 objets détenus
par le Musée du quai Branly – et
par le fait d’avoir été peu consul­
tés. « Qu’on arrête de nous montrer
du doigt en faisant croire que tous
les objets ont été pris de manière
immorale ou illégale », tempête
Anthony Meyer, marchand d’arts
d’Océanie. « Dans les années 1970,
la Belgique a restitué une centaine
de pièces au Congo et le marché ne
s’est pas écroulé pour autant, rela­
tivise pour sa part le marchand
bruxellois Didier Claes. Arrêtons
de tout dramatiser. Les pays afri­
cains ne réclament pas le retour de
tous les objets! »
Ces questions ont­elles jeté un
froid sur le marché hexagonal?
De manière très marginale. En
mars, à Nantes, une quarantaine
d’objets provenant du Bénin, sur
un ensemble de trois cents lots
mis en vente par Salorges Enchè­
res, ont été retirés à la demande
du ministère de la culture et sous
la pression de l’association Afri­
que Loire. Rappelons que l’Etat

français doit rendre vingt­six ob­
jets au Bénin, qui lui a demandé
d’attendre encore deux ans pour
que les conditions d’accueil de
ceux­ci – un musée est en cons­
truction – soient réunies.

Une forêt d’invendus
Selon le rapport annuel du site
spécialisé Artkhade, les ventes
mondiales des arts premiers ont
décru d’à peine 2 % en 2018 par
rapport à 2017, avec un total de
76,3 millions d’euros. Christie’s,
leader à Paris, alignait en 2018
quelques beaux prix, dont celui
de 2,9 millions d’euros pour un
masque­heaume tabwa de Répu­
blique démocratique du Congo.
En juin, Sotheby’s décrochait le
prix faramineux de 4,7 millions
d’euros pour une statue baoulé

provenant de la collection Mar­
ceau Rivière. Ces résultats mas­
quent toutefois une forêt d’inven­
dus, de l’ordre de 49,3 % pour les
objets d’Afrique – contre 35,5 %
pour les arts d’Océanie.
A cela s’ajoute, selon Artkhade,
une chute de 13,9 % des prix en un
an. « Les prix baissent de manière
significative depuis cinq ans »,
précise Aurélien Cuenot, fonda­
teur du site, ne relevant aucune
corrélation entre cette dégringo­
lade et les inquiétudes concer­
nant les restitutions. D’ailleurs,
observe le marchand parisien
Charles­Wesley Hourdé, les tran­
sactions restent dynamiques
aux deux extrémités du marché,
pour les objets en dessous de
15 000 euros et pour les rares
chefs­d’œuvre inestimables.

En revanche, les pièces quali­
fiées de moyennes, estimées en­
tre 20 000 et 100 000 euros, et
abondantes sur le marché, res­
tent bien souvent sur la touche.
« Il est très difficile d’estimer les
objets moyens aujourd’hui, pour­
suit M. Hourdé. La valeur des
œuvres de référence a tellement
augmenté qu’il ne reste plus
beaucoup d’acheteurs capables
d’acquérir une pièce moyenne au
prix fort. »
Ce creux pourrait profiter aux
objets océaniens, plus aborda­
bles, bien que plus rares. « Un
chef­d’œuvre d’Océanie vaut le
tiers du prix d’un objet africain »,
résume Pierre Moos, directeur
du Parcours des mondes. A la ga­
lerie Meyer, les primo­ache­
teurs ont le choix entre des lan­
ces et des pagaies décorées
autour de 5 000 à 6 000 euros, ou
des appui­nuque formidables
d’inventivité, qui s’échelonnent
de 1 000 à 8 000 euros.
En Afrique aussi, il existe quan­
tité de segments encore aborda­
bles. « Il faut aller à contre­cou­
rant et chercher ce qui n’est pas à
la mode, suggère M. Hourdé. L’art
du Nigeria, par exemple, est sous­
coté. L’art dogon me semble être
dans le creux de la vague tandis
que des occasions sont toujours à
saisir parmi les objets de Côte
d’Ivoire. »
roxana azimi

« Parcours des mondes »,
du 10 au 15 septembre,
Parcours­des­mondes.com

Les avantages fiscaux des SCPI vendues


dans l’assurance­vie


La fiscalité douce de ces produits ne doit pas faire oublier leurs inconvénients


L


es sociétés civiles de pla­
cement immobilier
(SCPI), qui investissent
dans des immeubles de
bureaux ou d’activités et qui re­
versent les loyers à leurs « asso­
ciés », continuent à séduire les
épargnants. Ils y trouvent un ca­
dre rassurant, car les sommes
qui y sont investies sont placées
dans des biens réels et tangibles,
et rentables, puisque ces SCPI
rapportent toujours plus de 4 %
par an, ce qui est exceptionnel
dans l’environnement de taux
bas actuels.
Seul souci : leur fiscalité! En ef­
fet, ne bénéficiant pas du prélève­
ment forfaitaire unique (PFU) à
30 % (un taux qui combine impôt
sur le revenu et prélèvements so­
ciaux), elles voient les revenus
distribués taxés en fonction de la
tranche marginale d’imposition
du contribuable, avec des prélève­
ments sociaux au taux de 17,2 %.
De quoi faire fondre de moitié les
bénéfices attendus par bon nom­
bre d’investisseurs.
Pour éviter cette lourde ponc­
tion, certains ont trouvé la pa­
rade : ils achètent ces SCPI dans le
cadre de l’assurance­vie. Plu­
sieurs dizaines de contrats, en gé­
néral vendus sur Internet ou
dans l’univers de la gestion de pa­
trimoine, proposent cette facilité.
En logeant ces fonds immobiliers

dans l’assurance­vie, la fiscalité
s’adoucit très fortement : les
gains ne sont plus taxés dès lors
que les sommes restent investies
dans le contrat et, lors des sorties,
le poids de l’impôt est limité.
Si le contrat a plus de huit ans,
par exemple, il est possible de re­
tirer chaque année 4 600 euros
de « produits » (en plus du capi­
tal initial) sans être imposable,
et le double pour un couple ma­
rié. Avant huit ans, les gains reti­
rés sont soumis au prélèvement
forfaitaire unique à 30 %. Les
promoteurs de ces formules
mettent en avant d’autres avan­
tages. Toujours sur le plan fiscal,
l’assurance­vie ouvre droit à de
larges exonérations de droits
de succession.

Petit rabais
Par ailleurs, les parts de SCPI ven­
dues dans l’assurance­vie sont
généralement proposées avec un
petit rabais sur les frais d’entrée
(de l’ordre de 2,5 % d’économie
sur un total de 10 % et plus de
frais de souscription) et la possi­
bilité de jouir quasi immédiate­
ment des revenus délivrés par les
SCPI. Et elles peuvent être cédées
rapidement, puisque c’est l’assu­
reur qui détient les parts et s’en­
gage à assurer la liquidité.
Si ces avantages sont bien réels,
ils ne doivent cependant pas ca­

cher un certain nombre d’incon­
vénients, bien réels eux aussi. Le
premier, c’est le manque de
choix, car la plupart des contrats
qui en proposent ne renferment
généralement qu’une poignée de
SCPI ; les plus ouverts en abritant
une vingtaine. L’offre ne repré­
sente donc qu’une partie mo­
deste du marché (voir chiffres­
clés), et les plus performantes du
moment n’y sont pas présentes :
il est impossible, par exemple,
d’investir dans la SCPI Corum,
championne de la performance,
dont le gérant refuse d’être réfé­
rencé par les assureurs.

« Une poupée russe de frais »
La plupart des SCPI présentes en
assurance­vie sont des masto­
dontes, aux performances cor­
rectes, mais pas toujours éclatan­
tes. Plus gênant : la détention de
SCPI dans l’assurance­vie n’est
pas gratuite, puisqu’il faut payer
chaque année des frais de ges­
tion allant de 0,5 à 1 % par an. Les
gains des SCPI se trouvent donc
amputés d’autant : pour un ren­
dement de départ de 4 % par
exemple, un épargnant ne perce­
vra que 3 % si les frais de gestion
de son contrat sont de 1 %, et
3,5 % s’ils s’élèvent à 0,5 %.
Ce n’est pas tout : certains assu­
reurs ne se contentent pas de ces
frais de gestion et conservent
une partie des gains distribués

par les SCPI, en général 15 %, soit
le maximum autorisé par le code
des assurances.
Dans le cas d’une SCPI déli­
vrant 4 % de revenus, ce sont
ainsi 0,6 % que l’assureur pré­
lève, ne laissant que 3,4 % pour
l’épargnant... avant frais de ges­
tion du contrat.
« C’est une vraie poupée russe de
frais », tranche Paul Bourdois,
cofondateur de France SCPI,
qui ajoute à la liste les frais sur
versements et ceux d’entrée
dans les SCPI. A ce compte, des
SCPI moyennes rapportent à
peine plus qu’un bon fonds en
euros qui, lui, bénéficie d’une ga­
rantie intégrale du capital. Tous
les assureurs ne sont cependant
pas aussi gourmands : sur Inter­
net, plusieurs contrats garantis
par Spirica (filiale du Crédit agri­
cole) se démarquent en offrant
un choix assez large, un verse­
ment de la totalité des revenus
des SCPI, tout en pratiquant des
frais de gestion au plancher.
« Mais l’offre y reste plus res­
treinte que celle accessible en di­
rect », observe Jonathan Dhiver, à
la tête de Meilleurescpi. com.
Dernier avatar des SCPI sur Inter­
net : les contraintes d’investisse­
ment. L’entrée dans ces fonds
immobiliers y est presque tou­
jours rationnée, avec des limites
sur les montants investis et
l’obligation d’investir dans
d’autres supports.
Autant d’éléments à prendre en
compte avant de jouer la carte de
la pierre­papier dans l’assurance­
vie. « Pour limiter le poids de l’im­
pôt sur les SCPI, il existe des mé­
thodes moins onéreuses que l’as­
surance­vie, comme l’achat de
parts démembrées ou à crédit »,
juge finalement Jonathan Dhiver.
De quoi inciter à réfléchir sérieu­
sement avant de jouer la carte de
la pierre dans « le placement pré­
féré » des Français.
éric leroux

QUESTION  À  UN  EXPERT


Retraite : comment profiter


au mieux du système du bonus?


nadine racamier, responsable adjointe entreprise de l’UFF

Dans le cadre de la réforme des retraites, le gouvernement veut inci-
ter les salariés à prolonger leur carrière avec la mise en place d’un
bonus majorant la retraite complémentaire, mais pas seulement...
Travailler au moins une année supplémentaire au-delà de l’année
d’obtention du taux plein, entre l’âge légal de départ à la retraite et
l’âge de 67 ans, permet d’éviter un malus de 10 % pendant trois ans
sur sa retraite complémentaire. Prolonger son activité d’une seconde
année permet aussi de profiter d’un bonus de 10 % pendant un an.
Il pourra atteindre 30 % au maximum pour quatre années supplé-
mentaires travaillées, sous condition de ne pas dépasser l’âge de
67 ans. Allonger sa période d’activité dans ces conditions permet
également de continuer à acheter des points de retraite complémen-
taire et ainsi d’augmenter mécaniquement sa pension. En parallèle,
c’est aussi profiter d’une surcote viagère de la pension de base :
la majoration est de 1,25 % pour les salariés et de 0,75 % pour les
professions libérales par trimestre cotisé. Enfin, cette période
d’activité vous permettra, à vous et à votre employeur, de continuer
à verser sur vos épargnes-retraites individuelles et collectives, autres
sources de compléments de retraite. Vous profiterez ainsi d’une
retraite et de compléments de revenus majorés.

É PA R G N E
L’assurance-vie toujours prisée
Le marché de l’assurance­vie en France a enregistré
une collecte nette de 1,6 milliard d’euros en juillet,
marquant ainsi un ralentissement par rapport aux
mois précédents, selon des chiffres publiés le 29 août
par la fédération du secteur. Le montant des sommes
déposées par les épargnants sur ce placement a at­
teint en juillet un peu plus de 13 milliards d’euros, le
meilleur total depuis le début d’année. Au cours des
sept premiers mois de l’année, le montant des som­
mes collectées par les assureurs s’est élevé à un peu
plus de 87 milliards d’euros (84 milliards en 2018).

DERNIER AVATAR 


DES SCPI SUR INTERNET :


LES CONTRAINTES 


D’INVESTISSEMENT. 


L’ENTRÉE DANS 


CES FONDS IMMOBILIERS


Y EST PRESQUE


TOUJOURS RATIONNÉE


175
C’est, selon l’Association française des sociétés de placement
immobilier, le nombre de SCPI présentes en France.
Toutes sont loin de figurer dans l’assurance-vie : celles à dominante
fiscale (les plus nombreuses) n’y sont pas référencées. Et, parmi
les quatre-vingts SCPI de rendement qui y sont éligibles, seulement
un gros quart se retrouve dans différents contrats. Résultat :
ce sont souvent les mêmes SCPI que l’on trouve dans
l’assurance-vie, par exemple Immorente, Laffitte Pierre, Patrimmo
Commerce, PFO2, Primopierre ou Rivoli Avenir Patrimoine.

SOS CONSO 
CHRONIQUE PAR RAFAËLE RIVAIS

Le testament


et la clause de célibat


L’


ancien patron de Volkswagen, Ferdinand Piëch,
mort le 25 août en Allemagne, avait placé toute sa
fortune dans deux fondations autrichiennes,
dont les statuts font de sa dernière épouse, Ur­
sula, son héritière, à condition... qu’elle ne se remarie pas. Si
la dame, âgée de 63 ans, devait à nouveau convoler en justes
noces, elle n’aurait plus droit à ce pactole, estimé à plus de
1 milliard d’euros. Une telle clause de célibat – ou plutôt de
« viduité », s’agissant d’un remariage – aurait­elle été ad­
mise dans un testament autrichien, alors qu’elle entrave la
liberté matrimoniale? La plupart des juristes estiment
qu’elle serait contraire à l’article 12 de la Convention euro­
péenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui garantit le
droit au mariage, par référence au droit national.
En France, la liberté du mariage est un principe d’ordre
public à valeur constitutionnelle. Pourtant, les clauses de
« non­convol » n’y sont pas interdites : le code civil n’en
parle pas ; la Cour de cassation a toujours refusé de juger
qu’elles seraient, par principe, illicites. Elle a précisé, le
25 mars 1946, qu’une clause de viduité ne
peut être « réputée non écrite » que si elle
est « inspirée par des motifs répréhensi­
bles, dont la preuve incombe à la partie
qui en demande l’annulation ».
Les tribunaux ont validé les clauses de
non­convol, lorsqu’elles semblent dic­
tées par le seul souci « d’assurer l’ave­
nir des enfants issus du mariage » (1946),
de « protéger le conjoint contre sa pro­
pre faiblesse » (1952) ou « d’empêcher
que le remariage n’entraîne la perte du
commerce familial » (1958) – ces exemples sont dévelop­
pés sur Lemonde.fr/argent.
Les tribunaux n’ont annulé ces clauses que lorsqu’elles
étaient manifestement inspirées par des motifs répréhensi­
bles, comme, s’agissant d’un mari, « une sorte de jalousie
posthume » (1969) ou, s’agissant d’un frère, la « volonté d’as­
souvir sinon des rancunes, du moins des rancœurs personnel­
les » (1965). Ils ont aussi annulé des clauses qui portaient at­
teinte à « la liberté de pensée, de conscience et de religion ».
La cour d’appel de Montpellier a ainsi jugé illicite, le
3 juillet 2014, la clause d’un testament rédigé à Casablanca
par deux époux marocains morts en France, qui prévoyait
que leur fils hériterait « à la condition que sa femme et ses en­
fants soient déjà convertis à la religion juive ».
Pourtant, une bonne partie de la doctrine demande
que les clauses de célibat soient déclarées nulles par
principe, dans les donations et les testaments, comme
elles l’ont été dans les contrats de travail, à partir des
années 1960, donnant par exemple aux hôtesses d’Air
France la liberté de se marier.

SI URSULA DEVAIT 


À NOUVEAU 


SE MARIER, ELLE 


N’AURAIT PLUS 


DROIT À SON 


MILLIARD D’EUROS


CLIGNOTANT


Masque
baoulé kpan
kple,
Côte d’Ivoire.
VINCENT GIRIER
DUFOURNIER/COUR-
TESY GALERIE CHAR-
LES-WESLEY HOURDÉ
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