Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1
esprit des lieux

Marque de respect.
parFiona KhaliFa

le maquillage.
Correcteur deteint
avec miroir intégré,
Armani SkinRetouch, 43 €.
http://www.sephora.fr

les mules.
Enveauvelours,avec boucle
métal, Manolo Blahnik, 835€.
http://www.manoloblahnik.com

la jupe.
Portefeuille en polyester,
Uniqlo,29,90 €.
http://www.uniqlo.com

la veste.
En cachemire,coton
et surpiqûres, Barrie,
prix sur demande.
http://www.barrie.com

Le11 septembre2 01 5, le défilé
prêt-à-porter de Givenchycommé-
morait le 11 septembre2 00 1devant
le nouveauWorldTradeCenter.

posts et postures

#matcha.


lesaccrosdes réseaux sociaux ne cessent
de mettre en scène leur vieàcoups de
hashtagsetdeselfies, lançant la tendance
(oupas). cette semaine, une marée verte.

parCarine Bizet —illustrationaline zalKo

ont décidé de remplacer les bonnes
vieilles pommes de terre dans les frites
et autres purées par de la patate douce
pour se donner un genre sain (pas du tout
prouvé) et original. C’est le genre
immangeable quiatriomphé, écœurant
avec une petite odeur de malpropre. Le
#matcha fait la même chose aux des-
serts :ildonne un arrière-goût–etune
couleur–àtous les mélanges de sucre et
de gras qui font du bien (crêpes, made-
leines, cheese-cake ou beignets). Inutile
de protester,les branchés vont vous
expliquerque c’est meilleur pour la
santé–onrépète an-ti-o-xy-dant!On
pourra toujours leur répondre que, si
l’emoji nausée est vert matcha, ce n’est
pas forcément une coïncidence.

Qu’est-ce Qui estvert et Qui
mousse?Non,pas Shrek dans sa baignoire
ni un zombie dans un bain d’acide, mais
le matcha.Cette boisson japonaiseàbase
de poudre de thé vert est devenue la star
culinaire des réseaux sociaux (couleur
ultraphotogénique oblige). Paré de
toutes les vertus super-antioxydantes,il a
même ses bars spécialisés.Mais,derrière
les 4,6 millions d’adeptes du hashtag, il
ne faut pas espérer trouver des images de
cérémoniedut hé japonaise aussi raffinée
que poétique. Le matcha version
Instagram, c’est comme une pollution
verte quiatout envahi, tel un blob de
série Z. Le matchaseboit selon de nou-
veaux rituels urbains.Le premier consiste
àpromener ce liquide vert agrémenté de
lait(nom de code«matcha latte») dans
un gros gobelet en plastique épais brandi
fièrement devant soi sur les photos. Les
adeptes de ce geste sont les mêmes qui
postent en continu des images de l’Ama-
zonie en feu et cherchentàculpabiliser
tout membre de leur entourage se dépla-
çant en avion.Autre rituel, presque artis-
tique:latasse de matcha décoré d’une
mousse blanche en forme d’arbre ou de
cœur.C’est vraiment joli en photo et c’est
aussi le nouveau signe de reconnaissance
des filles«basiques»qui prennent soin
de leur santé (cf. pouvoir antioxydant).
En 2019, le #matcha se suce aussi:en
version«crotte d’alien, glaceàl’ita-
lienne, granitéàl’eau décoré de bou-
lettes de pâte de riz»ouencore en
boules classiques servies dans une coupe
façon«matcha melba». C’est la version
la plus fourbe du #matcha:onsedit que
cela ressembleàdelapistache,donc que
cela doit être doux, gentil et sucré. Et
paf,çaaunpetit goût amer qui prend en
traître, une saveur d’efficacité médica-
menteuse–sûrement le prixàpayer,
pour ne pas s’oxyder.Enfin, le #matcha
se mange.Il est la«patate douce des des-
Victor serts».Des gens qui nous veulent du mal


Virgile/Gamma-Rapho/Getty Images

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