Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1

MLemagazine du Monde —7septembre 2019


Lesdeux enfants
acteurs d’Un sac
de billes,de
Jacques Doillon :
RichardConstantini
et Paul-Éric
Shulmann.

1940 et 1945.Toutes les étapes de la Shoah en
Francesont montrées:l’aryanisation des biens
juifs, le port obligatoiredel’étoile jaune imposé
par les autorités françaises, la fuitedes deux pro-
tagonistespuis durestedeleur famille enzone
libre, l’occupation decettemêmezone par l’ar-
mée allemande et lesrafles qui s’ensuivent,le
retour àParis après la libération de la capitaleàla
suitedudébarquement en Normandie et la tra-
jectoiredupèredes deux enfants, d’abordarrêt é,
puis envoyéàAuschwitz, là où les juifs, appren-
nent-ils, sont gazés puis brûlés.
Une adaptation ajustéeaurécit personnel de
Joseph Joffo, écritàhauteur d’enfant, du point
de vue d’un gamincomprenant que sareligion le
met non seulementàl’écart de la société, mais le
condamne aussiàmort.

Jacques Doillon, dont


“Un sac de billes” n’est


que le troisième film,


respecteàlalettrele


roman de Joseph Joffo.


Le patronage de François


Truffaut n’estpas pour


rien dans l’histoire:le


réalisateur des “Quatre


Cents Coups”avait


recommandé Jacques


Doillon auprès du


producteur Claude Berri,


certain que le jeune


cinéaste possédait un


savoir-faireinhabituel


avec les enfants.
Ce talent de Doillon s’épanouiraplus tarddans des
filmstels queLa Drôlesse(1979),La Viedefamille
(1985),Le Petit Criminel(1990). En 1975,enpleine
vague mémorielle,ler éalisateur français traduit à
merveille lecôtégris et triste de l’Occupation.
Aujourd’hui, on se souvient surtout de son point de
vue de cinéaste sur l’enfanceetlahaine irration-
nelle qu’elle peutfaireressurgiràl’âge adulte. Un
moment de la vie siconstitutif de l’êtrehumain qu’il
peut lecouper du monde,encor eettoujours.
Un sacdebilles(1 h45),deJacques Doillon, édité
dansuncoffret DVDetBlu-ray parPathé.

En 1975,sort “UnsacDEBillEs”,
l’adaptation durécit autobiogra-
phique de Joseph Joffo, devenu
en deux ans un best-seller–le
romanavait pourtant étérefusé
par une vingtaine d’éditeurs. À
l’époque,ler égime deVichyet
le sort qu’ilréservaaux citoyens français juifs sont
devenus des sujetscentraux dans le cinéma fran-
çais .Lesignalaété lancéaprès la sortie du docu-
mentaireLe Chagrin et la Pitié,de MarcelOphüls,
réalisé pour latélévision en 1969etsorti en salle
deux ans plus tard, après lerefus de l’ORTF de le
diffuser.L’audiovisuel public déploreque le film
décriveune Francenecorrespondant pas, tant
s’en faut, àl’imagevéhiculée par le pouvoir gaul-
liste,celle d’un pays résistant qui se serait unani-
mement levé contrel’occupant. AprèsLe Chagrin
et la Pitiésuivent, en 1974,LacombeLucien,de
Louis Malle,etLesGuichets duLouvre,de Michel
Mitrani, puis, l’année suivante,Section spéciale,de
Cost a-Gavras, et l’adaptation du livredeJoseph
Joffo.Un sac de billesestdifférent.Pourtant, le
film de Jacques Doillon, fidèleàlachronologie du
récit originel,retrac eminutieusementce qui,
jusqu’àtout récemment encore, restait un tabou
dans le cinéma français.
Le réalisateur français s’emploieàraconter le par-
cours tumultueux de deux enfants juifs entre

Le DVDdeSamuelBlumenfeld. “Unsac de billes”.


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