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FRANCE
SAMEDI 7 SEPTEMBRE 2019
0123
Au PS, Cazeneuve opère un retour calculé
Discours devant les socialistes, publications en série... l’expremier ministre avance ses pions pour 2022
avignon envoyée spéciale
A
près une diète de plu
sieurs mois, Bernard
Cazeneuve est de re
tour. L’ancien premier
ministre, devenu avocat d’affaires,
avait pris de la hauteur en s’éloi
gnant des siens. Il a lancé, jeudi
5 septembre, aux journées parle
mentaires socialistes au Palais des
papes, à Avignon, le premier mou
vement de sa rentrée politique en
quatre temps. Il y a tenu un long
discours, défendant « [sa] pensée »
sur la manière dont il veut articu
ler la transition écologique et la
justice sociale. Un nouveau credo
pour montrer sa mue écolo. Ali
mentant espoirs et fantasmes sur
sa possible candidature en 2022.
Ce premier moment devant les
députés et sénateurs sera suivi
d’une intervention lors de la Fête
de la rose de Maraussan (Hérault),
dimanche 8 septembre, au cours
de laquelle l’avocat veut s’adresser
aux militants. Deux autres sont
prévues avec la parution d’une
longue contribution sur sa vision
de l’évolution nécessaire du logi
ciel socialiste dans la revue Le Dé
bat, suivie d’un entretien à L’Hémi
cycle sur les questions institution
nelles. Enfin, le 9 octobre, paraît
chez Stock, le premier tome de son
livre, A l’épreuve de la violence, sur
son expérience de ministre de l’in
térieur dans lequel il raconte, no
tamment, les attentats de 2015 vu
de la Place Beauveau.
Critique envers ses camarades
Cette fois, pas de doute : même s’il
jure que ses sorties et le calendrier
tiennent du « hasard », Bernard
Cazeneuve place ses pions. Il as
sure qu’il n’a pas de stratégie, que
l’addition de ses initiatives n’est
pas calculée et qu’il se tient à dis
tance de toute déclaration de can
didature à la présidentielle. Il
n’empêche : le voilà qui remonte
sur scène et veut peser sur le cours
de la gauche.
Voilà des mois qu’il se disait loin
des querelles et états d’âme de son
camp, décrochant de la politique
pour une nouvelle vie profession
nelle. Mais peu y croyaient.
L’homme, lui, croit en sa carrure
d’homme d’Etat et en sa capacité à
renouveler le logiciel de la gauche.
Il avait fait une première appari
tion publique lors d’un meeting
de soutien à Raphaël Glucks
mann, à Lyon, au moment des
élections européennes. Il avait en
suite participé au pot de fin de ses
sion parlementaire à la questure
socialiste, le 16 juillet, posant pour
une photo de groupe auprès de
François Hollande et d’une poi
gnée de caciques.
L’été a passé, et l’état de son parti,
dont il juge les dirigeants médio
cres, l’a décidé à intervenir. « Il
rencontre beaucoup de gens qui lui
disent : “On a besoin de grandes
voix” », assure un proche. Lui
même ne manque pas de critiquer
ses camarades du PS, répétant
qu’il n’est pas temps de discuter de
rapprochements partidaires ni
des candidats potentiels à la prési
dentielle, mais que le moment est
au travail de fond, à une refonda
tion idéologique. Se désolant de
voir son parti sans cap, Bernard
Cazeneuve a donc réuni quelques
amis experts et écologues. Et mis
au point sa vision de « croissance
ciblée », nouvel horizon permet
tant de répondre à la crise climati
que comme aux besoins sociaux.
Dans sa contribution à la revue
Le Débat, il développe cette vision
longuement et précisément, pre
nant acte de la fin d’un cycle du
productivisme et d’un progrès re
posant sur l’exploitation des
énergies fossiles et naturelles
qu’on croyait sans limite. A ses
yeux, un « nouveau républica
nisme » est possible, reformulant
un compromis social qui réponde
au défi écologique.
Conversion environnementale
Nouvelles pratiques agricoles, dé
veloppement de l’écoconstruction
et de l’écomobilité, accélération de
la transition énergétique sont
autant de pistes d’une nouvelle
croissance qu’une planification de
l’Etat conjuguée à l’action des col
lectivités locales et des entreprises
peut mettre en œuvre.
La conversion environnemen
tale de l’ancien premier ministre
est réelle. Mais sans tout renver
ser, à la mode socialedémocrate.
Pas question de suivre la ligne des
écologistes comme il se désole de
voir son parti le faire depuis les
européennes. « Nous sommes lé
gitimes à donner notre vision en
disant ce que nous sommes, nous
socialistes », atil dit devant ses
camarades.
Lui dessine un projet, veut
pousser quelques pistes de ré
flexion comme autant de mar
queurs d’un futur programme.
Ce ne peut être qu’une « crois
sance sûre et sobre », en « restant
des ardents défenseurs de la crois
sance et du progrès ». Sans sur
prise, l’ancien maire de Cher
bourg a récusé toute baisse du
recours au nucléaire.
L’avocat s’est voulu rassurant en
disant que les socialistes n’avaient
rien à craindre de lui : il n’aurait
« Bernard peut
faire partie des
solutions dans
la reconquête
des électeurs »
PATRICK KANNER
sénateur du Nord
d’autre stratégie que de se rendre
utile. Ses idées sont d’ailleurs « en
libreservice », atil précisé. Avant
de conclure par une drôle de
double négation : « Je ne suis pas
désireux de construire un destin
pour moimême et être candidat à
la présidentielle, car il n’y aura pas
de candidat s’il n’y a pas de ligne et
pas d’idées. » La veille, il avait déjà
lâché à l’AFP que si le vide politique
continuait à gauche, il « prendrait
ses responsabilités ».
Ses soutiens, tels Valérie Rabault
et Patrick Kanner, ne cachent en
tout cas pas leur impatience. « Sa
présence est un message de crédibi
lité et de stature dans nos rangs »,
avance la députée du TarnetGa
ronne. « Bernard peut faire partie
des solutions dans la reconquête
des électeurs et la reconstruction de
la gauche », veut croire le sénateur
du Nord. Mais, au PS, ce retour
n’est pas une évidence. L’accueil à
Avignon, chaleureux sans être en
thousiaste, était révélateur. « Ber
nard pouvait être l’homme de la si
tuation quand c’était Mélenchon
qui dominait à gauche, plus quand
c’est Jadot », soupire un dirigeant.
Aux yeux de plusieurs élus, l’an
cien ministre de l’intérieur n’a pas
compris que le PS ne pouvait plus
dicter son tempo à la gauche. « Il y
a une gauche à inventer, et il n’est
pas dedans », lâchait un élu du
GrandEst.
Olivier Faure, de son côté, loue
l’homme d’Etat, toujours prêt à se
rendre utile à son camp. Mais
ajoute : « Ces dernières années, on a
mal mesuré le défi qui est devant
nous, mais nous avons besoin d’un
changement de paradigme, de nos
modes de vie et de pensée. Le mo
ment n’est pas d’être candidat, mais
de lancer un processus qui conduise
à une candidature unique. » Une
manière de dire à son camarade
qu’il a mal choisi son tempo.
sylvia zappi
Retraites : les lignes
rouges de Laurent Berger
Reçu jeudi à Matignon, le secrétaire général
de la CFDT attend des actes du gouvernement
C’
était la première fois
qu’il rencontrait le
premier ministre pour
parler de la future réforme des re
traites. Comme ses homologues
de FO, de la CFTC, de la FNSEA et
du Medef, Laurent Berger, secré
taire général de la CFDT, a été
reçu, jeudi 5 septembre, par
Edouard Philippe, aux côtés de
JeanPaul Delevoye, hautcom
missaire chargé du dossier, et
Agnès Buzyn, ministre des soli
darités et de la santé.
Après une heure de rencontre, le
leader de la confédération de Bel
leville, à Paris, s’est montré pru
dent sur le perron de Matignon,
d’autant que le premier ministre,
qui doit s’exprimer la semaine
prochaine sur le calendrier et la
méthode de la réforme, a livré peu
d’éléments concrets à ses interlo
cuteurs. « On est persuadés que la
précipitation n’est pas de mise », a
souligné M. Berger, jugeant que la
discussion s’annonce « longue » et
« très compliquée ». Ce dernier a
toutefois estimé que le chef du
gouvernement s’était montré
« plutôt ouvert ». Mais, atil ajouté,
cela « se mesurera aux résultats ob
tenus, pas simplement à la qualité
des discussions et de la courtoisie
qui a toujours été à l’œuvre ».
Si les déclarations d’Emmanuel
Macron sur la durée de cotisation
ont été analysées comme un geste
d’apaisement envers la centrale
cédétiste, qui ne voulait pas de
l’âge pivot à 64 ans proposé par
M. Delevoye pour une retraite à
taux plein, tout n’est pas réglé
pour autant. M. Berger s’est mon
tré peu allant à l’idée de réintro
duire une période d’affiliation
dans le futur système. « Si on parle
d’un régime par points, on ne parle
pas forcément d’une durée de coti
sation, mais d’acquisition des
points et du nombre de points suffi
sants pour avoir une retraite cor
recte », atil jugé. Pour lui, il faut
repartir d’une « feuille blanche ».
Le secrétaire général de la CFDT a
surtout mis en garde le gouverne
ment contre toute velléité de
construire un projet qui aurait
aussi pour but de faire des écono
mies. « On a redit également qu’on
ne voulait pas une réforme budgé
taire », atil martelé. Selon M. Ber
ger, « il n’y a pas de nécessité bud
gétaire urgente ». « Ce n’est pas une
logique que l’on poursuit, atil ex
pliqué. Si cet âge pivot concentre
cette idée que c’est l’âge et le “tra
vailler plus longtemps” qui se
raient l’enjeu de cette réforme, on
se plantera. »
La CFDT, atil insisté, plaide
pour une « réforme qualitative »
avec « un régime juste, lisible, re
distributif qui soit plus favorable
qu’il ne l’est aujourd’hui aux fem
mes, à ceux qui ont des carrières
longues, hachées, qui commen
cent leur carrière professionnelle
par la précarité ».
raphaëlle besse desmoulières
ALIBADDOU
ENDIRECT
SURFRANCEINTER
ETSURFRANCEINFO(TVCANAL27)
QUESTIONS
POLITIQUES
12H/13HLEDIMANCHE
DIMANCHE8SEPTEMBRE:
Agnès Buzyn,ministredesSolidaritésetdelaSanté,
CarineBécard(FranceInter),
FrançoiseFressoz(LeMonde)
etNathalieSaint-Cricq(FranceTélévisions).
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photo : Christophe Abramowitz