Le Monde - 07.09.2019

(Barré) #1

MLemagazine du Monde —7septembre 2019


d’ailleurs pasenchanté. Il laisseàd’autres
membresducolle ctif le soin de tenirle
mégaphonependantles manifestations et
de se rendre surles plateauxradio ou télé.
«C’estquelqu’undetaiseux,mais qui
écoutebeaucoup,quiseposede nom-
breusesquestionsetquiapprendvite:en
quelquesmois,il aprisconscience durôle
syndicaletpolitique qu’ilpouvaitjouer»,
racont eOlivi er Youinou,les ecrétaire
général adjointdeSUD-Santé àl’AP-HP,
le syndicat le plusproche du collectif.
Hugo Huon estdeson époque.Il est
«post»-tout:post-hommeprovidentiel,
post-manifestation...«Mettreenavant
unepersonnedansun mouvement social,
c’estarchaïque,juge-t-il.Lesgensont
enviequ’onfassedesmanifs,alorsque ça
nesertàrien... »Avec lesmembresdu
collectif,ilt ente d’autres formes d’action.
Certainesfonctionnent, lors que,par
exemple,plusieurs soignantsdel’équipe
de nuit desurgences de Lariboi sièrese
retrouvent si multanémentenarrêt de tra-
vail,le3juin,déclenchant dèslel ende-
main un tourbillon médiatique quirelance
unegrèveenvoie d’enlisement. D’autres
actions échouent,commecelle du
2juillet,lorsdel’arrivée du cortège sous
lesfenêtres du mini stèredelasanté.
Alorsqu’une délégation estreçue par
le directeur de cabinetadjointdela
mini stre,plusieurs manifestants s’injec-
tent ci nq fois cequ’ils prés entent comme
étantdel’insulin e(de l’ eau en réalité),une
substancequi peut fairebaiss er drasti-
quement le taux de sucr edanslesanget
être mortelleàforte dose.Legesten’est
pascompris par unepartiedes soignants.
Desresponsablessyndicaux, CGTnotam-
ment, crientà«l’irresponsabilité ».
Deuxmoisplustard, Hugo Huon ne
regrette rien.«C’estvrai,cetteaction a
fait débat. Lesgensn’ontpascompris.
Onessayedeschoses,certainesmar-
chent, d’autresnon.»La grèveadonné
desrésulta ts.Laministredelasanté
aaccordéune primede100 eurosaux
soignantsdes urgences,lad irection
de l’AP-HPapromis230 postes supplé-
mentaires et un plan pour«refonderle
modèledesoinsdes urgences »aété
dévoiléle2septembre...«Notreplus
grosse victoire,c’estd’avoirobtenuque
legouvernementcessededirequetout
vabienauxurgences»,assureHugo
Huon.D’ici àquelquesmois, il aprévu
de mettre lesvoiles, envisageantde
partirauCanada, pourtravailler au sein
d’unecommunautéinuite. Afindene
plusavoir,commeàLariboi sière, le«sen-
timentde pisserdansunviolon»,mais
pouravoir un«impact»surlas anté
desgens. François Béguin

syndicalisteshospitaliersdésireux
d’étendre àl’ensemble de l’hôpitalpublic
ce mouvementsorti renforcé de l’ été, avec
deux fois plusdeservice sengrèvequ’au
mois de juin.L’assembléegénérale du
collectif,qui setiendra le 10 septembreà
Saint-Denis,aul endemaindelaprésenta-
tion officielle du plan mini stérielpour
«refondrelemodèledes urgences»,s’an-
nonce àcetitredécisive. Desorganisations
de médecinshospitaliersou dessoignants
de secteurs commelapsychia trie pour-
raientàcette occasion choisirderejoindre
les paramédicauxdes urgences surune
plate-formederevendications communes.
Àl’été 2018,HugoHuon fait partiedeceux
quialertentsur lesconditions de travail
«exécrables»desinfirmierset desaides-
soignants, jugeantque la«priseencharge
tronquée»àLariboi sièremet«endanger»
lespatients. Quelquesmoisplustard, en
décembre2018, c’est dansceservice


qu’une patiente est découverte morte,
aprèsavoir attendudouze heures surun
bran card.Lat empête médiatique passée,
l’équipedenuitobtientdeuxpostes
supplémentaires.Maisles urgences de
Lariboi sièrenesontpas le sseulesàcra-
quer:envingt ans, la fréq uentat iondes
urgences hospitalièresenFranceadoublé,
avecplusde21millionsdepassagespar
an,sansque leseffectifsn’augmentent en
proportion.Conséquence:les tempsd’at-
tentes’allongent, le nombredepatientssur
desbrancar ds explose...«Parfois,jemedis
que ma colèreest disproportionnée,qu’elle
ne concernequelelieuoùj’exerce...Mais,si
c’étaitlecas,iln’yaurait pas2 40 services
engrève»,estimel’infirmier.
Hugo Huon le reconnaît, sesnuits de
travailàLariboi sièreont finipar déteindre
surses jours.Onnecôtoie pasimpuné-
mentchaque nuit les«mecsbourrés»,les
«tox»,lesSDF...«Encinqans,çaaempiété


surmonsentimentd’humanité.J’aiappris à
nepasaimermonprochain,j’aidéveloppé
uneespècedecynismesurl’humanitéqui
s’enfonce»,lance-t-il,racontant lesretours
chez lui, au petitmatin,oùilfautenjamber
«lapisseetlesflaconsdeméthadone ».
L’infirmiersedéfend de fairedelapoli-
tique,mêmes’iln’a rien contre. Il avoté
Jean-Luc Mélenchon aupremiertourdela
prés identielle et se di tdegauche, comme
l’étaient sa mère –institutrice–etson père
–déclarant en douane–àSaint-Malo,oùil
agrandi. Aprèssonbac,décrochéaurat-
trapage,ile nchaîneles petits boulots pen-
dant tr oisans avantd’entrer,à21ans,
pres que parhasard, dans uneécole d’infir-
miers,àTours.Àlasortie, il découvreles
urgences àl’hôpital d’Amboise ,puisla
psychiatrie,àlaclinique La Chesna ie,près
de Blois. Écorchévif,idéaliste,déses péré,
Hugo Huon fustige, avecune foipresque
adolescente,cette«sociétémortifère,

anesthésiée,oùtoutlemondes’enbranle
detout ».Pourfaire bougerleschoses, il
n’apas pris de cartedansunsyndicat,mais
aenchaînéles formations :undiplôme uni-
versitaire en santé mentale et précarité, un
autreenmédecinetropicale,untroisième
surlar éduction desinégalités sociales de
santé. Dernierendate:unmaster, àParis-
Dauphine,en«économie et gestiondes
établissements de santé»,destinéaux
cadres désireux de monterdanslahié-
rarchie.Son objectif :«Connaîtrelelan-
gage desdirecteurspourpouvoirmieux
négocier.»C’est ains iqu’avantl’été il
s’est retrouvé,aux côtésdes syndicats
historiques, àdiscuteravecledirecteur des
ressources humainesdel’Assistance
publique-HôpitauxdeParis (AP-HP)
d’uneaugmentation deseffectifsdansles
services d’urgences parisiens.
Le jeunehommenecherchepas la lumière.
La perspective de ce portraitnel’a

Hugo Huon
(enchemise
blanche,
au côtéde
Patrick
Pelloux,
président de
l’Association
des médecins
urgentistesde
France),
lors de
la première
réunion
de la mission
nationale
sur les
urgences,
le 14 juin.

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Jacques

Witt/SIPA

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