Les Echos - 09.09.2019

(Elle) #1

Les Echos Lundi 9 septembre 2019 ENTREPRISES// 19


Bruno Trévidic
@BrunoTrevidic


Qui sera présent, ce lundi midi, au
rendez-vous fixé par les adminis-
trateurs judiciaires pour le dépôt
des offres de reprise d’Aigle Azur?
A part les syndicats de navigants,
qui appellent à manifester sous les
fenêtres du ministre des Trans-
ports à Paris, le suspense reste
complet. A en croire le ministre de
l’Economie, Bruno Le Maire, une
« offre principale » serait en cours
d’examen. Et d’autres offres « envi-
sageables » seraient « sur la table »,
a-t-il indiqué sans plus de précision
vendredi, en marge de l’inaugura-
tion de la Foire européenne de
Strasbourg. Néanmoins, tout porte
à croire qu’aucune de ces offres ne
porte sur la totalité de l’activité
d’Aigle Azur. Il est même possible
que le préalable à des reprises par-
tielles soit la mise en liquidation
d’Aigle Azur, qui a stoppé tous ses
vols depuis vendredi soir.


Une « offre principale »
à l’étude
Selon toute vraisemblance, « l’offre
principale » é voquée par le ministre
de l’Economie provient du groupe
Air France. Selon nos informa-
tions, le groupe aurait même été
contacté dès le mois d’avril par le
Comité interministériel de restruc-
turation industrielle, l’organisme
interministériel en charge d’aider
les entreprises en difficulté, saisi
par Aigle Azur. Toutefois, Air
France ne se serait véritablement
mobilisé qu’à l’annonce du projet
de rachat par Vueling des lignes
portugaises d’Aigle Azur, avec une
partie de ses créneaux horaires à


Orly. Afin de pouvoir développer sa
filiale low cost Transavia, Air
France aurait en effet grand besoin
des quelque 1 0.000 créneaux horai-
res d’Aigle Azur à Orly. La compa-
gnie tricolore a également besoin
de pilotes et de personnels de
cabine. Par ailleurs, les lignes algé-
riennes d’Aigle Azur, rentables,
pourraient compléter son offre.
En revanche, Air France n’a
aucun intérêt à reprendre l’activité
long-courrier d’Aigle Azur, pas plus
que ses dettes, qui avoisineraient
les 80 millions d’euros. Ne parlons
pas de la marque, devenue syno-
nyme de passagers abandonnés,
avec l’arrêt des vols. De plus, l’inté-
gration de pilotes et de personnels
de cabine d’Aigle d’Azur poserait
des difficultés, au vu des règles
internes d’Air France. Surtout, si
comme c’est théoriquement le cas

pour une reprise d’activité même
partielle, la compagnie se retrou-
vait dans l’obligation de maintenir
les contrats de travail des anciens
salariés d’A igle Azur.

Faire vite
Même chose pour le groupe
Dubreuil, la maison mère d’Air
Caraïbes et de French bee, qui
pourrait être intéressé par une
reprise du secteur long-courrier
d’Aigle Azur. Lui aussi a besoin de
créneaux horaires à Orly et de navi-
gants supplémentaires pour nour-
rir son développement. Mais là
encore, les conditions de reprise
des salariés d’Aigle d’Azur risquent
d’être un obstacle. De l’avis de plu-
sieurs connaisseurs du dossier, les
règles de fonctionnement des navi-
gants d’Aigle Azur seraient jugées
non compétitives, y compris chez

Air France. « C’est l’une des causes
de l’échec d’Aigle Azur », assure-
t-on.
Pour les compagnies aériennes
intéressées par une partie des acti-
vités d’Aigle A zur, la meilleure solu-
tion serait donc d’attendre la mise
en liquidation de l’entreprise, qui
ne t ardera p as si aucune offre crédi-
ble n’est présentée ce lundi. Les
repreneurs pourraient alors rache-
ter les activités et les actifs qui les
intéressent, sans devoir reprendre
les dettes et en rembauchant seule-
ment les salariés jugés nécessaires,
à de nouvelles conditions. A condi-
tion toutefois de faire vite. Une fois
la liquidation prononcée, les pré-
cieux créneaux horaires ne reste-
ront disponibles que durant un
mois, pour d’éventuels repreneurs,
avant d’être reversés dans le pot
commun pour être redistribués.n

AÉRIEN


Les activités et les
créneaux horaires de
la deuxième compa-
gnie française intéres-
sent des repreneurs
potentiels, notamment
Air France.


Mais l’hypothèse d’une
reprise globale semble
peu crédible.


Aigle Azur risque d’être vendu


à la découpe après liquidation


soumettre l’avion à des conditions
qui dépassent les conditions opéra-
tionnelles réelles pour s’assurer de
sa fiabilité, de son intégrité et de sa
sécurité. Durant ces tests statiques,
l’avion est torturé pour vérifier sa
solidité structurelle. Pour tester la
résistance des ailes, on fixe par
exemple un système d’attaches qui
permet de tirer à plusieurs reprises
la voilure vers le bas et vers le haut.

Un incident rare
Traditionnellement, ces essais vont
au point de rupture estimé par l’avi-
onneur et sont essentiels pour que
les régulateurs puissent certifier
l’avion. Il est rare de voir une porte
emportée lors d’un test de pressuri-
sation. Boeing a insisté, vendredi,
sur le fait que ces tests étaient les
derniers d’une série qu’il est en train
de conduire sur le 777X depuis plu-
sieurs mois.
Cet incident intervient au mau-
vais moment pour Boeing, qui est en
train de boucler les changements
exigés par les régulateurs afin
d’obtenir la levée de l’interdiction
de vol frappant son 737 MAX après
deux accidents ayant fait au total
346 morts. Les autorités de l’avia-
tion civile à travers le monde ont

intensifié leurs inspections depuis
ces accidents et plus particulière-
ment la FAA, accusée d’entretenir
des relations étroites avec Boeing.
Pour retrouver son indépen-
dance, le régulateur américain est
devenu beaucoup plus minutieux et
exigeant. Le 777, que le 777X est
appelé à remplacer, avait, lui, connu
des problèmes de pression lors
d’essais en vol en 1995, mais sans
impact important sur son calen-
drier de livraisons. L’incident de
jeudi est, lui, un nouveau coup dur
pour le 777X, dont le premier vol
d’essai prévu cet été a été récemment
repoussé à début 2020 par Boeing,
en raison des problèmes survenus
lors des tests du nouveau moteur
GE9X de General Electric. Il accroît
sans doute les incertitudes sur la
date d’entrée en service de ce gros-
porteur, qui a également accusé des
retards de montage des ailes.
Jusqu’à vendredi soir, les experts
et les observateurs estimaient que
les premières livraisons ne
devraient pas intervenir avant 2021.
Ce calendrier pourrait être cham-
boulé s’il s’avérait que l’incident de
jeudi soir allait obliger Boeing à
revoir la conception de certains
éléments du 777X.n

Déjà englué dans la crise du
737 MAX, Boeing a rencontré des
problèmes techniques, jeudi soir,
lors des tests de son futur long-cour-
rier 777X avec des inspecteurs de
l’Agence fédérale de l’aviation (FAA),
ont indiqué vendredi à l’AFP des
sources concordantes. Les tests ont
dans la foulée été suspendus, a
déclaré à l’AFP un porte-parole de
Boeing, se refusant à dire toutefois
si ces anomalies allaient reporter
le premier vol d’essai du 777X, prévu
début 2020.
« L’incident est en train d’être exa-
miné et l’équipe est en train de tra-
vailler pour comprendre l’origine du
problème », a dit le porte-parole.
Selon une source proche du dossier
ayant requis l’anonymat, une porte
de l’avion a été emportée lors des
essais. Ces tests dits de pressurisa-
tion font partie du processus
d’approbation de l’avion. Ils visent à


AÉRONAUTIQUE


Selon une source proche
du dossier, une porte de
l’avion a été emportée
lors des essais.
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Boeing : problèmes lors des tests


du futur long-courrier 777X


Les conditions de reprise des salariés d’Aigle d’Azur pourraient être un obstacle
à d’éventuelles offres de rachat, même partiel. Photo Allili Mourad/Sipa

Florian Maussion
@Flo_Maussion

Revers pour la conquête spatiale
indienne. L’agence spatiale
indienne (ISRO) a annoncé
samedi avoir perdu le contact
avec la sonde qu’e lle tentait de
faire atterrir sur la Lune. « Les
données sont en cours d’exa-
men », a déclaré son président K
Sivan, au centre de suivi situé à
Bangalore, devant une assem-
blée composée du Premier
ministre Narendra Modi et de
scientifiques en détresse. Le
contact a été perdu avec la sonde
alors qu’elle entamait l’avant-
dernière phase de sa descente
vers la Lune, débutée aux envi-
rons de 20 h 07 GMT.
Lancé le 22 juillet, l’atterris-
seur Vikram d e la mission Chan-
drayaan-2 devait atterrir en dou-
ceur à proximité du pôle Sud de
l’astre Sélène, après un mois et
demi d’attente en orbite. Et
ensuite libérer un petit rover de
27 kg, surnommé Pragyan, qui
devait arpenter le sol lunaire
pendant deux semaines.

Quinze minutes de terreur
Le lancement de cette deuxième
mission lunaire initialement
prévu en juillet, avait déjà été
reporté pour des raisons techni-
ques. L’Inde, qui a mené avec
réussite sa première mission
spatiale il y a onze ans, espérait
ainsi, comme Israël, devenir la
quatrième puissance à faire alu-
nir un engin après les Etats-
Unis, la Russie et la Chine. Il
s’agit du troisième échec de
l’ISRO depuis le début de
l’année.
Le président de l’ISRO, Kaila-
savadivoo Sivan, avait prévenu
en juillet, au moment du lance-
ment de la mission, qu’il devait
se préparer à vivre « quinze
minutes de terreur ». Un senti-
ment renforcé par la présence,

SPATIAL


L’agence spatiale
indienne a échoué
à envoyer pour la
première fois un
module à la surface
de la Lune.

vendredi soir, du Premier minis-
tre, Narendra Modi, au QG de
l’agence spatiale. « Cette mission
démontre le meilleur du talent
indien et notre esprit de ténacité »,
avait-il lancé à son arrivée...
Le leader du parti nationaliste
hindou BJP a fait de l’espace un
axe essentiel de sa politique. En
mars, il s’était notamment féli-
cité de la réussite d’un tir de mis-
sile pour neutraliser un satellite
en orbite. Samedi, il a réagi en
assurant aux scientifiques que
ce qu’ils avaient fait n’était « pas
un mince exploit ». « La vie con-
naît des hauts et des bas. Votre
dur labeur nous a déjà enseigné
beaucoup et le pays tout entier est
fier de vous ». « Si la communica-
tion (avec l’atterrisseur) se réta-
blit [...], tous les espoirs sont per-
mis [...] », a-t-il ajouté.

Une région inexplorée
Très suivi par les médias
indiens, l’atterrissage de Vikram
intéressait aussi très largement
la communauté scientifique
internationale. L’engin devait
être le premier à se poser dans la
région du pôle sud, jusqu’à pré-
sent inexplorée.
Les pôles lunaires sont en
effet très attractifs pour les agen-
ces spatiales mondiales. A la dif-
férence de l’équateur, visité
notamment par les missions
Apollo car plus facile d’accès,
ceux-ci ont l’ avantage de présen-
ter des températures constantes
et de contenir de l’eau sous
forme de glace, à l’ombre de
gigantesques cratères. Deux élé-
ments essentiels à de futures
bases habitées. C’est notam-
ment là que la Chine souhaite
implanter sa première station
sur le sol lunaire. Grâce aux ins-
truments scientifiques répartis
entre l’atterrisseur Vikram, le
rover Pragyan et la sonde en
orbite, Chandrayaan-2, l’Inde
devait offrir une première idée
de ce que les futurs colons lunai-
res trouveront sur place.
Certains observateurs ne
manqueront pas de mettre en
cause le budget dans cet échec :
avec une facture globale de
140 millions de dollars (124 mil-
lions d’euros), la mission était
très peu chère comparée à ses
équivalents au sein des autres
agences spatiales. n

Revers pour l’Inde


dans l’espace

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