Les Echos - 09.09.2019

(Elle) #1
Sécurité sociale à l’Assemblée natio-
nale, qui a été reçu mardi dernier par
le Premier ministre, avec deux
autres députés en vue de la majorité,
Brigitte Bourguignon et Joël Giraud.
Les 17 milliards d’euros engagés
pour éteindre la crise des « gilets jau-
nes » ont creusé un trou dans les
comptes publics.
L’exécutif a déjà annoncé qu’il
renonçait à faire des économies de
court terme sur la branche vieillesse
avant le projet de loi sur les retraites
attendu au mieux en fin d’année. Il
n’y aura pas non plus de mauvaise
surprise pour la branche famille,
selon nos informations.

Petits coups de rabot
La principale inconnue portait sur
les arrêts maladie, dont le coût
s’envole en raison d’une progression
constante du nombre de jours
indemnisés. La dépense augmente
de 5 % par an et se monte à 7,5 mil-
liards d’euros environ. Il y a un an, le
Premier ministre avait promis de
revenir devant les députés avec une
solution concertée, après avoir
échoué à imposer des mesures d’éco-
nomies (jusqu’à 1 milliard évoqué à
l’été 2018). Mais « le sujet n’est pas
mûr », explique-t-on au sein de l’exé-
cutif. Le jour de carence obligatoire

pour les salariés du secteur privé et la
forfaitisation de l’indemnisation par
la Sécurité sociale proposés par la
mission Seiller-Oustric-Bérard en
février, tout comme l’extension des
indemnités à 9 millions de salariés
non couverts, sont donc reportés.
Il pourra, certes, y avoir de petits
coups de rabot, par exemple sur les
indemnités journalières des familles
nombreuses, qui sont dans certains
cas p lus élevées. Ce serait « un simple
retour au bon sens » du point de vue
gouvernemental, pour une écono-
mie très réduite, bien loin des 600 à
700 millions d’euros encore évoqués
en juillet.
Mais cela ne signifie pas que le
gouvernement a renoncé à réduire

le coût des indemnités journalières.
La question pourrait revenir via la
réforme de la santé au travail. Après
l’échec des discussions menées au
printemps entre les partenaires
sociaux, l e gouvernement a annoncé
mi-juillet qu’il reprenait la main.
Selon une source au ministère du
Travail, Muriel Pénicaud compte
annoncer dans un mois soit une
concertation, soit une négociation,
avant le dépôt d’un projet de loi.
L’accent sera mis sur la prévention
des accidents du travail et sur la
refonte de l’organisation territoriale
de la santé au travail, mais la ques-
tion connexe de l’indemnisation des
arrêts pourrait être traitée à cette
occasion.n

L’exécutif renonce aux économies sur les arrêts maladie


Solveig Godeluck
@Solwii


Ce n’est pas le moment de jouer les
incendiaires. Alors que s’ouvre la
négociation sur la refonte des régi-
mes de retraites et après une réforme
de l’assurance-chômage qui a ulcéré
les syndicats, l’exécutif a décidé de
faire profil bas sur les économies
dans la sphère sociale cet automne.
Selon nos informations, le projet de
budget de la Sécurité sociale pour
2020 ne devrait pas comprendre de
mesures d’économies importantes,
sauf celles déjà annoncées avant les
congés estivaux.
« Nous ne faisons pas la course aux
économies. Nous sommes dans une
période de transition après des mesu-
res d’urgence », justifie Olivier Véran
(LREM), rapporteur du budget de la


Selon nos informations,
le gouvernement a décidé
de reporter les efforts
d’économies sur les
indemnités journalières.
Il juge que le sujet n’est pas
mûr et souhaite jouer la
carte de l’apaisement entre
les deux réformes sociales
délicates de l’assurance-
chômage et des retraites.


S’attaquer aux causes et pas uni-
quement aux conséquences, sans
(trop) casser la tirelire. C’est la
méthode que va tenter d’appli-
quer la ministre de la Santé,
Agnès Buzyn, ce lundi, en présen-
tant son plan pour les urgences
hospitalières. Soumis à rude
épreuve du fait de l’augmentation
du nombre de passages et de
l’agressivité de certains patients,
ces services sont en grève depuis
plus de six mois. Suite à la créa-
tion d’un collectif apolitique et
asyndical, Inter-Urgences, la
ministre a annoncé en juin et la
semaine dernière des mesures
d’attente : extension d’une prime
de risque à 100 euros par mois,
nouvelles compétences pour les
infirmiers urgentistes, etc.
L’heure est à présent aux mesu-
res plus structurantes, en lien avec
les propositions émises par la mis-
sion Mesnier-Carli, qui n’a pas
encore rendu son rapport final.
« Je vais apporter des moyens.
Demain, je donnerai toutes les solu-
tions et le budget », a promis Agnès
Buzyn sur France Inter dimanche.
Ce budget, qui devrait dépasser
600 millions d’euros sur trois ans,
selon nos informations, sera
« dédié, mais pas simplement pour
financer des postes en plus », a-t-
elle précisé. De fait, le gouverne-
ment ne veut pas sortir de l’enve-
loppe de progression des
dépenses de santé de 2,3 % par an
votée au début du quinquennat.
Pas question non plus de prendre
dans la poche des soignants en
ville pour donner aux hospita-
liers : la priorité, c’est le « virage
ambulatoire », c’est-à-dire éviter
un maximum de nuitées à l’hôpi-
tal grâce à une prise en charge
mieux organisée en ville.

Après six mois de crise,
la ministre de la Santé
présente son plan pour
les urgences hospitalières
ce lundi.

D’autant plus que, comme l’a
souligné la ministre, la hausse de
4 % de la fréquentation des urgen-
ces ne résulte pas d’un pic équiva-
lent des infarctus. Il convient donc
de freiner la ruée sur les urgences.
L’effort ne passe donc pas par plus
de d épenses, mais par une
meilleure allocation des ressour-
ces – sur des lits d’aval, par exem-
ple. « Il n’y a ni plan de création de
lits ni plan de suppressions, ce sera
du cas par cas », confirme-t-on
dans l’entourage de la ministre.
Les agences régionales de santé
vont recenser les besoins sur cha-
que territoire, afin de mieux répar-
tir les moyens. En tout cas, « il n’y
aura pas d’économies sur l’hôpi-
tal », poursuit la même source.

Tarification et intérim
Comme l’a écrit le « JDD » diman-
che, la ministre devrait aussi
annoncer une réforme d e la tarifi-
cation des urgences. Il resterait
une partie de rémunération liée
au volume d’activité, plus une
dotation « populationnelle » pre-
nant en c ompte à la fois la taille de
la population cible et ses particu-
larités (personnes âgées, pau-
vres), et une prime à la « qualité »
(existence de filières d’accès
direct aux autres services hospi-
taliers, durée d’attente réduite...).
Agnès Buzyn veut aussi refré-
ner l’intérim, qui coûte très cher.
Ainsi, des infirmiers ou aides-soi-
gnants mis en disponibilité par
leur établissement, ne pourraient
plus être intérimaires pendant
cette période. Alors que les pom-
piers, le Samu et les médecins
s’interrogent sur la nécessité de
choisir un numéro de téléphone
unique pour la régulation des
appels d’urgence, la ministre sou-
haite plutôt mettre l’accent sur la
constitution de cellules commu-
nes, pouvant orienter les person-
nes vers tous types de secours. Les
actuels numéros pourraient con-
tinuer à coexister. —S. G.

Buzyn veut flécher


au moins 600 millions


vers les urgences


Isabelle Ficek
@IsabelleFicek
et Renaud Honoré
@r_honore


Fidèle à la ligne de conduite q u’il s’est
assignée depuis le début du quin-
quennat, le gouvernement fait tout
en cette rentrée pour faire du budget
un non-événement. Pas de querelles
de comptables! Mais le 25 septem-
bre, date de présentation du projet
de loi de finances (PLF) pour 2020,
se rapproche, et l’exécutif va devoir
sortir du bois. Ainsi Bercy s’apprête
à transmettre d’ici à la fin de la
semaine les principales hypothèses
de ce PLF au Haut Conseil des finan-
ces publiques. Croissance, déficit :
les derniers arbitrages se préparent,
avec la volonté de ne pas braquer
l’opinion via des mesures impopu-
laires, au risque de dégrader légère-
ment les comptes par rapport aux
objectifs affichés il y a seulement
deux mois.
Il s’y ajoute de grandes inconnues
sur l’activité économique, liées au
contexte extérieur. La France
résiste pour l’instant bien mieux
que nombre de ses voisins euro-
péens, et le ministre de l’Economie,
Bruno Le Maire, a confirmé jeudi
dernier la prévision de croissance
de 1,4 % pour 2019. Faut-il en revan-
che revoir à la baisse les anticipa-
tions pour 2020, attendues jus-
que-là à +1,4 % là aussi? « C’est un
débat », reconnaît une source gou-
vernementale haut placée. « On
devrait pouvoir rester à 1,4 % », veut
croire un autre acteur clef.


Divine surprise des taux bas
Même si l’économie française est
moins tournée que d’autres vers les
exportations, elle devrait subir les
contrecoups de la guerre commer-
ciale entre la Chine et les Etats-Unis
qui pourraient grever la croissance
mondiale de 0,5 % l’an prochain. Et
l’inaction allemande en matière de
relance budgétaire, malgré l’ombre


grandissante de la récession, ne peut
que générer des frustrations à Paris.
Au-delà de la croissance, et des
prévisions de rentrées fiscales, c’est
le volet des dépenses qui suscite des
débats au sein de l’exécutif. Certes,
Bercy peut compter sur la divine
surprise des taux bas. Encore la
semaine dernière, la France a
emprunté un montant record de
10,14 milliards d’euros avec pour la
première fois un taux négatif pour
une échéance à 15 ans! Gérald Dar-
manin a déjà annoncé u ne baisse de
la facture de la charge de la dette de
2 milliards d’euros pour 2019, et la
Cour des comptes avait calculé que
le montant pourrait grimper jus-
qu’à 4 milliards pour 2020.
Mais il faut financer la baisse
d’impôt sur le revenu prévue l’an
prochain, et d’autres gestes à venir,
comme sur les urgences à l’hôpital.

Le problème aurait pu être résolu
en taillant à la serpe dans les dépen-
ses. Au début de l’été, une note avait
été produite à Bercy qui chiffrait à
3 milliards d’euros les économies
nécessaires l’an prochain pour
tenir les objectifs de déficit, au-delà
des mesures déjà annoncées (APL,
Unédic, etc.). Mais les bonnes réso-
lutions n’auront pas t enu l’été. Trou-
ver 3 milliards d’euros d’économies
supplémentaires, « le président de la
République ne le veut pas », souffle-
t-on au sein de l’exécutif.

Déficit entre 2,1 % et 2,2 %
Les pistes qui étaient explorées en
juillet s e sont révélées peu
concluantes. Certains plaidaient
pour remettre en cause les allége-
ments de charges au-dessus de
1,6 SMIC, mais Bruno Le Maire a
enterré l’idée, les entreprises subis-

sant des coupes dans leurs crédits
d’impôt. Le chantier sur les indem-
nités journalières a été remis à plus
tard. Et certains dossiers sensibles
(comme raboter à nouveau le congé
parental ou s’attaquer à ce qu’il
reste d’allocations familiales pour
les plus aisés) ont été remisés.
Au final, la prévision de déficit
pour 2020 (pour l’instant établie à
2,1 % de PIB) devrait se situer entre
2,1 % et 2,2 % de PIB, selon nos infor-
mations. « Tenir l’objectif d’un défi-
cit à 2,1 % du PIB e n 2020 sera très dif-
ficile », confie un responsable à
Bercy, pour qui « l’important, c’est
qu’il n’y ait pas de hausse du déficit
structurel [hors effets de la conjonc-
ture, NDLR] ». Pour le budget
comme pour les autres pans de
l’action gouvernementale, l’heure
est au baume apaisant plutôt
qu’aux mesures trop épicées.n

lLes derniers arbitrages sur les grandes hypothèses économiques du projet de loi de finances 2020 vont être rendus.


lL’objectif de 3 milliards d’économies supplémentaires étant abandonné, le déficit se situera entre 2,1% et 2,2% de PIB.


Budget 2020 : le gouvernement peine


à atteindre son objectif de déficit


FINANCES
PUBLIQUES


Dépenses d’assurance-maladie :
une hausse ramenée à 2,3 % en 2020

Alors que le conflit persiste aux urgences, l’exécutif prévoit
une hausse limitée à 2,3 % de l’Objectif national des dépen-
ses d’assurance-maladie (Ondam) en 2020. En 2019, il avait
décidé de lever un peu le pied sur les économies, en relevant
l’objectif à 2,5 %. 2020 marquerait un retour à la trajectoire
pluriannuelle. Cela ne sera pas une sinécure : les dépenses
seraient certes encore en hausse de 4,6 milliards d’euros,
mais il faudrait réduire la pente naturelle de progression
des coûts de 4,4 milliards...

FRANCE


Lundi 9 septembre 2019Les Echos

Free download pdf