Les Echos - 09.09.2019

(Elle) #1

20 // ENTREPRISES Lundi 9 septembre 2019 Les Echos


Unejournéede débats etdepartage


entreexperts et entrepreneurs pour


inventerlesmodèles d’engagemen


de demain


1
er
octobre
AuCollègedeFrance
Infos et inscriptions:mecenesforum.com

Un événementenpartenariatavec

ur


nt


FAUT-IL EN FINIR AVEC


LE MÉCÉNAT?


avec
PatrickBoucheron,
MarionDarrieutort,
LaurentDumas, Xavier
Huillard,PatrickJeantet,
Mathias Vicherat,Serge
Weinberg...

etbien d’autres..

présente

AGROALIMENTAIRE


Joël Cossardeaux
@JolCossardeaux


Un nouveau complément de reve-
nus bienvenu se profile pour les
exploitants des 58.000 fermes laitiè-
res de France. Le ministère de la
Transition écologique est sur le
point de valider par arrêté le premier
mode d’emploi destiné à évaluer les
baisses d’émissions additionnelles
des gaz à effet de serre liés aux éleva-
ges.
Elaborée par l’interprofession de
la filière bovine et baptisée « Carbon
Agri », cette méthode de suivi pré-
sente toutes les garanties de confor-
mité réclamées par la très sour-
cilleuse Direction générale de
l’énergie et du climat (DGEC), qui
veut écarter tout risque de fraude au
label Bas Carbone lancé le prin-
temps dernier par le gouvernement.
Le dispositif consiste à faire financer
des initiatives locales de lutte contre
l’effet de serre et de séquestration de
CO 2 par tout acteur économique
soucieux de compenser ses émis-
sions de carbone.
La formule est susceptible d’inté-
resser, par exemple, le comité
d’organisation des Jeux Olympiques
de Paris. Paris 2024, qui s’est engagé
à réduire de 55 % leur empreinte car-
bone par rapport à ceux de Londres,
pourrait acheter aux exploitants lai-
tiers les quantités de CO 2 économi-
sées dans leur activité.
A ce jour, 10.000 exploitations ont
réalisé le « diagnostic bas carbone »
préconisé par le Centre national
interprofessionnel de l’économie lai-
tière (CNIEL). Ce dispositif, lancé en
2014, vise à identifier ferme par
ferme les leviers d’action envisagea-
bles pour r éduire de 20 %
l’empreinte carbone de toute la
filière d’ici à 2025.
La mission n’a rien d’impossible.
Cette empreinte, qui était en
moyenne de 1,02 kg équivalent CO 2
par litre de lait et par exploitant en


indique Thierry Geslain, le directeur
du développement durable du
CNIEL. France Carbon Agri Associa-
tion, une structure qui réunit les
fédérations d’exploitants de rumi-
nants, va se charger de faire émerger
les projets et de gérer la logistique
administrative.
Les 5.200 éleveurs des Pays de la
Loire seraient déjà partants pour
s’engager dans ce dispositif. Celui-ci
permet de monétiser les réductions
d’émissions de CO 2 à venir. Mais pas
seulement celles-là. « Les éleveurs
qui ont fait un diagnostic peuvent
bénéficier de ce dispositif s’il date de
moins de 4 ans, signale encore le
représentant du CNIEL, mais ils ne
pourront valoriser que les baisses
d’émissions liées à des changements
de pratique mises en place après le
dépôt d’un projet. »n

lLe ministère de la Transition écologique s’apprête à valider la première méthode


d’évaluation des réductions de CO 2 réalisées dans les élevages bovins.


lElle va permettre aux 48.000 exploitants de cette filière de monétiser le résultat


de leurs actions bas carbone et de s’assurer une nouvelle source de revenus.


Les éleveurs laitiers vont bientôt pouvoir


vendre le CO
2
qu’ils auront évité de rejeter


Environ 4 % des émissions de gaz à effet de serre sont liées à l’élevage laitier. Photo Franck Crusiaux/RÉA

Antoine Boudet
@ABoudet

Commentant les résultats de
CMA CGM en 2018, le PDG
du groupe de transport et de
logistique, Rodolphe Saadé, se
voulait optimiste. « En 201 9,
malgré les tensions géopolitiques
qui persistent, les perspectives en
matière d’échanges économiques
sont positives », avait-il déclaré.
Il avait vu juste... au moins jus-
qu’ici. L’armateur marseillais,
mais aussi opérateur de logisti-
que terrestre depuis le rachat du
suisse Ceva, a publié vendredi
ses comptes du deuxième tri-
mestre, qui laissent apparaître
des performances solides dans
son métier historique de trans-
port maritime de conteneurs.

Gains de productivité
Si le résultat net part du groupe
plonge dans l e rouge, à
− 1 09 millions de dollars
(99 millions d’euros), contre
un bénéfice de 22,7 millions
un an plus tôt, du fait des pertes
de Ceva (− 4 1 millions) et de
l’impact des normes IFRS 16
(− 7 1 millions), l’activité mari-
time, q ui pèse pour près d e 80 %
du chiffre d’affaires, affiche un
bénéfice net de 2,3 millions.

Surtout, ses performances
opérationnelles sont a u rendez-
vous. Au deuxième trimestre,
les volumes transportés par
CMA CGM ont enregistré une
hausse de 6,3 % par rapport à la
même période un an plus tôt, et
de 6,8 % par rapport au premier
trimestre de cette année. Tirée
notamment par les lignes intra-
régionales, cette croissance (à
deux chiffres, par exemple, en
Méditerranée) a contribué à la
réduction des dépenses opéra-
tionnelles unitaires par EVP
(équivalent vingt pieds, l’unité
de mesure des conteneurs) de
51 dollars, comparées à celles
du premier trimestre.
« La hausse des volumes, à
flotte constante, induit mécani-
quement un gain de productivité,
à quoi s e sont ajoutés un meilleur
remplissage de nos navires, de
gros efforts sur les coûts dans les
terminaux et des économies de
coûts de gestion de nos conte-
neurs », détaille aux « Echos »
le directeur central exécutif
finances groupe, Michel Sirat.
A propos de Ceva, le diri-
geant estime qu’il devrait être
à l’équilibre d’ici à la fin de
l’année. CMA CGM table sur un
second semestre « meilleur que
le premier semestre ».n

CMA CGM


trace sa


route sans


encombre


MARITIME


L’ intégration du
logisticien suisse
Ceva a plongé dans
le rouge les comptes
du géant français du
transport maritime
de conteneurs au
deuxième trimestre.

Mais les performan-
ces opérationnelles
du métier histori-
que de CMA CGM au
deuxième trimestre
sont au rendez-vous.

L’activité maritime
du groupe de
transport et de
logistique, qui pèse
pour près de 80 %
du chiffre
d’affaires, affiche
un bénéfice net
de 2,3 millions.

des économies mais un bilan car-
bone assez maigre, les kilowatts/
heure évités provenant surtout
du nucléaire.
Les autres actions destinées à
réduire le méthane émis par les
vaches en ruminant (50 % des
émissions) sont plus concluan-
tes. L’âge des génisses lorsqu’elles
ont leur premier veau − avant la
naissance de ceux-ci, les génisses
relâchent du méthane sans faire
de lait − n’e st que de vingt-six
mois. Il descendra même à vingt-
quatre mois en 2020.
Pour en arriver là, l’alimenta-
tion des ruminantes a été optimi-
sée (davantage de protéines), ce
qui leur assure une croissance
vigoureuse et permet de les insé-
miner plus tôt. Le planning de
reproduction de la ferme est
désormais « calé sur le pic de la
demande de lait, en août, septembre
et octobre, quand l’herbe est moins
abondante », explique Thierry Ber-
tot. Ses vaches sont d’une remar-
quable longévité (douze ans), ce
qui fait qu’au final, le taux de
renouvellement du troupeau n’est
que de 25 %. Juste c e qu’il faut pour
produire les 900.000 litres aux-
quels les Bertot veulent se tenir.

Pas de labourage
La « décarbonation » de leur
ferme emprunte bien d’autres
leviers, notamment pour agir sur
les rejets de protoxyde d’azote
(45 % des émissions des GES)
issus des déjections. L’épandage
du lisier dans les prairies est
mené minutieusement. Chaque
opération est précédée de l’ana-
lyse d’un échantillon de terre
pour éviter de charger les terres
qui ne sont pas « arrosées » par
temps sec. « Il faut que le lisier ren-
tre vite dans le sol », explique
Thierry Berthot.
Sur ces mêmes prairies, l’éle-
veur associe plantes légumineu-
ses et graminées pour capter et
stocker un maximum d ’azote. Sur
les surfaces cultivées en maïs
ensilage, on ne laboure pas. Au
bout du compte, ce sont plus de
36 tonnes de carbone qui, chaque
année, ne vont pas réchauffer
l’atmosphère. —J. C.

Les 95 vaches des frères Bertot,
près de Rouen, sont des origina-
les. Elles broutent et ruminent à
l’étable au son des tubes de
Renaud ou encore des Rita Mit-
souko. Ça les rendrait moins ner-
veuses, disent-ils. Surtout, elles
produisent près de Rouen un des
laits les moins émetteurs de gaz à
effet de serre (GES) de France.
Chaque litre qui part en laiterie a
généré 0,77 kilogramme d’équi-
valent CO 2 , bien moins que la
moyenne nationale (0,9 kilo-
gramme).

Cette ferme est pionnière. Ici,
pas de tourteau de soja importé.
Ses 20 hectares de prairies et
25 hectares de maïs ensilage (sur
155 hectares de surface agricole)
garantissent l’autonomie alimen-
taire du troupeau. Un prérefroi-
disseur capte une partie de la cha-
leur du lait sorti du pis des vaches
(sa température doit passer de 38
à 3 degrés deux heures après la
traite au plus tard). Il permet de
leur servir une eau à 18 degrés en
toutes saisons.

Un troupeau peu émissif
Un é changeur à plaques r écupère
une autre partie de cette chaleur
gratuite pour réduire la consom-
mation des chauffe-eau des salles
de t raite. L’équipement remonte à


  1. Au temps du premier dia-
    gnostic bas carbone. Avec à la clef


Engagé très précocement
dans la réduction de ses
émissions de carbone,
l’élevage laitier de frères
Bertot, à Renneville
(Eure), a déjà atteint
l’objectif fixé par
la filière pour 2025.

Les vaches « bas carbone »


de la ferme Bertot


Les frères Bertot ont
revu leurs méthodes
de fond en comble,
de l’alimentation des
bovins à la collecte
du lait, en passant
par l’épandage
du lisier.

2016, a déjà diminué. Celle-ci s’établit
aujourd’hui à 0,91 kg. Mais il y a
encore beaucoup de chemin à faire,
sachant que 4 % des émissions de
gaz à effet de serre sont liées à l’éle-
vage laitier, que chaque ferme peut
réduire les siennes à hauteur de 5 à
50 % et qu’il r este encore
48.000 exploitations à mettre en
mouvement.

Un défaut dans la cuirasse
Pour les éleveurs, le jeu pourrait
financièrement en valoir la chan-
delle. Entre 3.500 et 4.000 euros par
an reviendraient à l’exploitant d’un
élevage de taille moyenne
(500.000 litres d e lait p ar an) qui par-
viendrait à éviter de 350 à 400 ton-
nes de CO 2 par an. A condition
cependant que leurs acquéreurs
prennent pour référence le marché
européen du carbone, sur lequel les
grandes industries polluantes sont
tenues d’échanger leurs quotas de
CO 2 − le cours actuel du carbone est
de 10 euros la tonne.
Ces gains substantiels viendraient
s’ajouter à ceux générés par les
actions environnementales. Selon
l’Institut de l’élevage, qui a analysé
1.143 élevages bretons, les fermes qui
ont les émissions de CO 2 les plus bas-
ses jouiraient d’une marge « aux
1.000 litres de lait » supérieure de
30 euros à celle des élevages les plus
émetteurs. La raison tient au fait que
leurs charges opérationnelles,
comme celles liées à l’achat
d’engrais, sont moins élevées.
« Chaque projet certifié “Carbon
Agri” comprendra d’emblée l’identité
de l’acheteur qui donnera son prix »,





EUROS
Le montant que pourraient
toucher les exploitants d’un
élevage de taille moyenne
parvenant à éviter de 350
à 400 tonnes de CO 2 par an.
Free download pdf