Les Echos - 09.09.2019

(Elle) #1

Les Echos Lundi 9 septembre 2019 FRANCE// 03


aborder confiant les municipales
de 2020. Mais aux municipales, les
enjeux locaux jouent plus que les
affichages partisans. Les alliances
sont clefs, mais la base de LREM est
parfois réticente. A Bordeaux, les
dirigeants du parti macroniste ont
donc joué, sans surprise, la parti-
tion du dépassement et du rassem-
blement. « Nous ne pouvons pas
nous contenter de penser entre
nous », a lancé le numéro deux du
parti, Pierre Person.
L’accent est mis sur le Modem, le
partenaire historique. « Le Modem
a toujours été un allié essentiel. Il a un
rôle majeur à jouer dans les élections
municipales. Nous devons nous
appuyer sur le Modem si nous vou-
lons gagner les municipales », a
déclaré à la presse Bruno Le Maire,
ministre de l’Economie. Mais entre
les paroles et les actes, les critiques

Grégoire Poussielgue
@Poussielgue
— Envoyé spécial à Bordeaux


Tensions internes entre la direction
et la base, dissidences, relations
compliquées avec les partenaires
politiques, à commencer par le
Modem, mais aussi grands espoirs
de conquête territoriale... A l’occa-
sion de son « campus des territoi-
res », qui s’est tenu le week-end
dernier à Bordeaux, La République
En marche (LREM) a mis le cap
sur les élections municipales de
mars 2020. Une certitude, la route
sera longue, escarpée et semée
d’embûches, mais le parti fondé par
Emmanuel Macron doit réussir ce
passage s’il veut concrétiser son
ancrage local, dont l’absence cons-
titue sa principale faiblesse.
Intervenant dimanche en clôture
de ce campus, le Premier ministre a
appelé au rassemblement, à l’heure
où le parti est déchiré par la candi-
dature dissidente de Cédric Villani à
Paris. Ce sont des élections « impor-
tantes », « magnifiques » et « parti-
culières parce qu’elles ne ressemblent
à aucune autre », a-t-il dit devant
un public de 3.000 marcheurs con-
quis, la quasi-totalité du gouverne-
ment s’affichant au premier rang.


Philippe ne sera pas
candidat à Paris
Edouard Philippe a aussi éclairci
son cas personnel. Il n’envisage pas
de se présenter ailleurs
qu’au Havre, où il a été maire
entre 2010 et 2017. Excluant d’être
candidat à Paris – ça n’a « aucun
sens », a-t-il d it –, il a apporté u n sou-
tien sans faille à Benjamin Gri-
veaux, officiellement investi par
LREM. Mais le Premier ministre a
aussi averti que ces élections muni-
cipales seraient un moment com-
pliqué pour la majorité, rappelant
les longues années mises par le
parti gaulliste pour s’implanter
localement après le retour au pou-
voir du général de Gaulle en 1958.
La partie ne s’annonce p as simple
pour LREM. Fort de son bon score
aux élections européennes de 2019
(23,3 %), le parti macroniste peut


POLITIQUE


exprimant sa préférence pour la
durée de cotisation plutôt qu’un âge
pivot –, le gouvernement cherche à
montrer que l’acte II du quinquen-
nat ne signifie surtout pas l’arrêt
des réformes. « L’acte II consiste à
faire en sorte qu’à la vitesse verticale
qui découlait de la présidentielle se
substitue la puissance horizontale
de la concertation au service de la
même volonté de transformation du
pays », a insisté le Premier ministre,
Edouard Philippe, en clôture du
campus.

Double risque pour l’acte II
« Emmanuel Macron a été élu pour
transformer le pays. L’acte II, ce n’est
pas du tout quelque chose à la Sarko,
qui dirait “j’ai changé”, mais plutôt
“j’ai déconné”, apparemment la
façon dont j e réforme le pays n’apaise
pas, il faut apaiser mais absolument
pas arrêter de réformer », assure un
très proche du chef de l’Etat. « Cons-
truire a vec, ce n’est pas ne rien faire »,
défend un ministre, qui rappelle la
phrase martelée au gouvernement
par un chef de l’Etat marqué par la
crise des « gilets jaunes » : « Réfor-

mer avec les Français ». D’où la
volonté de convention citoyenne
pour travailler sur la transition éco-
logique ou encore de consultation
des Français sur les retraites. Et un
équilibre toujours complexe à trou-
ver entre concertation et décision.
Une équation difficile à résoudre
aussi sur le rythme et le calendrier –
celui des retraites s era précisé par le
Premier ministre cette semaine –,
entre avancer et écouter, écouter
sans s’enliser.
« Pour l’acte II, il y a un double ris-
que : nous devons à la fois montrer
que la réforme est radicale et, en
même temps, montrer aussi que l’on

« Il ne faut surtout
pas donner
l’impression
de quelque chose
de politicien,
de caché. »
UN PROCHE DU PRÉSIDENT

fusent contre LREM. « Il y a le dis-
cours et il y a des décisions qui sont
prises sans qu’on soit associé », note
un dirigeant d’Agir.

Les relations avec Agir, le parti de
droite Macron-compatible, et sur-
tout avec le Modem sont en effet
tendues au sujet des investitures.
Après avoir exprimé sa colère la
semaine dernière lors d’un dîner à
l’Elysée consacré aux municipales,
François Bayrou, le leader du parti
centriste, a clairement mis en garde
LREM. Un maire, « ce n’est pas un
enjeu partisan [...] C’est une person-

Bordeaux est le point
saillant des relations
conflictuelles entre
LREM et le Modem.

Macron ou le mythe


de l’éternelle jeunesse


LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE

Cécile
Cornudet

U


ne rentrée peut
donner un coup
de vieux. La division
Griveaux-Villani à Paris et
voici que resurgit le fantôme
des guerres fratricides. Le
retour des corps intermédiaires
et voici qu’Emmanuel
Macron renoue avec une
gouvernance traditionnelle
qu’il récusait jusqu’alors.
L’exécutif engage son acte II
avec la certitude que c’est la
seule façon d’éviter le blocage
du pays et de préserver sa
capacité de réformes. Mais
avec un sérieux souci en tête :
comment garder sa
spécificité, comment rester
différent? A l’aube d’un mi-
mandat, les esprits basculent
dans la prochaine échéance.
La présidentielle de 2022
commence à s’installer dans
les têtes exécutives et, avec
elle, le besoin de faire un
retour aux sources de la
première victoire. Réuni à
Bordeaux durant le week-
end, LREM n’a eu de cesse de
montrer qu’il n’était pas un
parti comme un autre, mais
un mouvement organisé
autour de la figure du citoyen.
« Un parti à la frontière de
la politique et de l’associatif »,
selon le secrétaire d’Etat,
Gabriel Attal (« Dimanche en
politique » sur France 3). Un

parti qui soumet les ministres
au jeu des questions-réponses
des militants, comme durant
ces deux jours. Et qui tente,
cahin-caha, de « coconstruire »
une ligne pour les élections
municipales de mars.
Emmanuel Macron, l’homme
qui « réforme avec les
Français ». La promesse de
2017 a refait surface. Il en est
une autre qui agite ses têtes
pensantes. Où est passé le
jeune candidat qui savait
penser l’avenir, qui défrichait
les sujets avant qu’ils
ne s’imposent, et sortait
des voies toutes tracées de ses
« idéologues » d’adversaires?
Président, il doit désormais
« prendre à bras-le-corps
les problèmes de la société
française », assume Jean-
Michel Blanquer. Mais
ce faisant, on le voit
en défensive. Contraint par
un mouvement des « gilets
jaunes » qu’il n’avait pas vu
venir. Poussé sur l’écologie
par une opinion qu’il n’avait
pas vu percer. Dans l’arrière-
cuisine de l’acte II,
les macronistes cherchent
les ressorts d’une nouvelle
capacité d’initiative et
d’anticipation. « Il nous faut
une protection des travailleurs
qui ait un temps d’avance sur
les mutations du travail »,
se fixe Stanislas Guerini.
Prévenir les bouleversements
migratoires et technologiques
est aussi dans le viseur.
« Bouger dans un monde
qui n’a jamais autant bougé » :
l’éternelle jeunesse
macroniste a déjà sa formule.
[email protected]

Au temps persistant de la défiance politique,
Emmanuel Macron reste persuadé que sa singula-
rité fait sa force. Mais comment la préserver?

AFP

RetrouvezNicolas Barrédans


lejournalde7hpour«L’ éditoéco»


dansle6h-9hdeMatthieuBelliard


« Nous n’avons plus le droit de
décevoir », assure Bernard Cazeneuve

PS Trois jours après un discours prononcé à Avignon lors des
journées parlementaires du Parti socialiste, Bernard Caze-
neuve, ancien Premier ministre de François Hollande, a affirmé
dimanche, lors de la Fête de la rose organisée par la fédération
PS de l’Hérault à Maraussan, que les socialistes n’avaient « plus
le droit de décevoir », tout en assurant « n’attendre rien » et
« n’être candidat à rien ». A l’égard d’Emmanuel Macron, il a fus-
tigé une « République libérale, technicienne et verticale ».

Présidence de LR : Julien Aubert
promet un retour de « la droite forte »

POLITIQUE « Oser la droite » : c’est derrière ce cri de ralliement
que Julien Aubert, député du Vaucluse, a lancé officiellement s a
campagne pour la présidence des Républicains dimanche à
Gordes (Vaucluse). Réfutant les termes de « droite dure » dont il
est souvent qualifié, Julien Aubert s’est revendiqué d’une
« droite forte » et se dit « fier encore d’être de droite ».

en bref


nalité, une attention à ses conci-
toyens. Une vision. Cela ne peut pas
se résumer à un combat d’étiquette »,
a averti à Bordeaux le président du
Modem.
La capitale girondine est le point
saillant des relations conflictuelles
entre LREM et le Modem. Edouard
Philippe s’e st longuement affiché
avec Thomas Cazenave, le candidat
investi par LREM, avant de prendre
dimanche matin un petit déjeuner
dans un café bordelais avec Fran-
çois Bayrou, qui soutient le succes-
seur d’A lain Juppé et maire sortant,
Nicolas Florian. Ce dernier, consi-
déré comme Macron-compatible,
ne mâche pas ses mots contre
LREM, dont il a dénoncé, dans le
« JDD », la logique « partisane et c la-
nique ». A l’heure où les investitures
vont s’accélérer, le sujet ne risque
pas de s’éteindre.n

Municipales : En marche


se lance dans la douleur


l Les municipales étaient au menu du parti présidentiel réuni à Bordeaux.


lDissidence de Cédric Villani à Paris, relations tendues avec le Modem...


la préparation de ce scrutin local se révèle plus compliquée que prévu.


La secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa,
le candidat LREM à la Mairie de Paris, Benjamin Griveaux, et le Premier ministre, Edouard Philippe.

sait où l’on va, tout en ne prêtant plus
le flanc à la critique du passage en
force. Sur les retraites, nous avons
l’obligation d’aboutir », souligne un
proche d’Emmanuel Macron. Et si
le calendrier de la réforme des
retraites fait encore débat en
interne, l’idée, avance un intime du
président, est, quelle que soit la date
de présentation en Conseil des
ministres du projet de loi, « d’avan-
cer. Avant les municipales, il faut que
les gens sachent à peu près à quelle
sauce ils vont être mangés. Il ne faut
surtout pas donner l’impression de
quelque chose de p oliticien, de c aché. »
Si l’ouverture du chef de l’Etat, fin
août, a rassuré les troupes, elle n’a
pas levé les c raintes sur la faisabilité
et l’acceptabilité de la réforme qui
vont nécessiter un immense travail
d’explication. « C’était très mal parti
et ça reste compliqué, mais c’est un
petit peu mieux parti. Le président a
calmé le jeu e t montré q ue tout n’était
pas figé, c’est cela le message, lâche
un poids lourd du gouvernement.
C’est jouable, mais pas possible sans
compensation. Ce sera lourd pour les
finances publiques. »n

Isabelle Ficek
@IsabelleFicek
—Envoyée spéciale à Bordeaux


A Bordeaux, pour la rentrée politi-
que de La République En marche,
les municipales ont davantage
monopolisé les conversations des
adhérents que les réformes à venir. Il
n’empêche, elles sont, et en premier
lieu celle des retraites, dans toutes
les têtes, et d’abord celles des minis-
tres, à qui le chef de l’Etat a répété en
cette rentrée, face à un pays qui reste
« friable, éruptif [...], de faire atten-
tion », rapporte un ministre influent.
Alors que la droite a repris son
antienne favorite d’immobilisme
pour critiquer l’exécutif après le
revirement surprise d’Emmanuel
Macron fin août sur les retraites –


Réformes : le gouvernement tente de montrer


qu’écouter ne veut pas dire s’arrêter


Taxé par la droite d’immo-
bilisme en cette rentrée,
l’exécutif assure vouloir
tenir la promesse
de la « transformation »
et avancer, y compris
avant les municipales,
sur les retraites.


Dessins Kim Roselier pour

« Les Echos »
Georges Gobet/AFP
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