Les Echos - 09.09.2019

(Elle) #1

08 // MONDE Lundi 9 septembre 2019 Les Echos


et l’Afghanistan semblaient
proches d’un accord, négocié
depuis un an. Cet accord pré-
voyait notamment un retrait
progressif des troupes, qui
devaient passer d’environ
14.000 soldats à 8.600 dans les
prochains mois. En échange, l es
talibans devaient interdire la
présence sur l e territoire d’orga-
nisations « terroristes », s’enga-
ger à une « réduction de la vio-
lence » dans certaines zones et
entamer un dialogue direct
avec le gouvernement à Kaboul.
Revendiqué par les insurgés,
l’attentat survenu jeudi était le
deuxième en quelques jours
dans la capitale afghane, mal-
gré « l’accord de principe » que
le négociateur américain Zal-
may Khalilzad affirmait avoir
conclu avec eux lors des pour-
parlers de Doha (Qatar), lieu
principal des discussions
depuis un an.

Riposte des talibans
Les talibans ont riposté diman-
che en assurant les Etats-Unis
qu’ils souffriraient « plus que
tout autre » de la rupture des dis-
cussions. Le mouvement rebelle
souligne dans un communiqué
qu’il ne se satisfera de « rien
d’autre que d’une fin de l’occupa-
tion [...] et poursuivra son djihad
pour atteindre ce grand objectif »,
tout en disant « croire » que
Washington reviendra à la table
des négociations. Le chef de la
diplomatie américaine, Mike
Pompeo, a d’ailleurs tempéré les
propos de Donald Trump,
dimanche, indiquant que les
Etats-Unis n’excluaient pas une
reprise des négociations, à con-
dition que les insurgés « chan-
gent d’attitude » et respectent
leurs engagements.
Exclu des pourparlers avec
les dirigeants talibans, le prési-
dent de l’Afghanistan, Ashraf
Ghani, continue à faire part de
ses réserves sur les discussions
en cours, alors que l’élection
présidentielle a lieu à la fin du
mois. Kaboul a ainsi salué les
« efforts sincères » de Washing-
ton en faveur de la paix, mais le
bureau du président rappelle
avoir « toujours insisté sur le fait
qu’une vraie paix est atteignable
seulement si les talibans arrêtent
de tuer des Afghans, acceptent
un cessez-le-feu et des discus-
sions directes avec le gouverne-
ment afghan ».n

Afghanistan :


Trump rompt


les discussions


avec les talibans


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FRÉDÉRIC OUDÉA


directeur général


Claire Calmejane


Directrice del’ Innovation


GROUPe Société Générale


La reprise d’un dialogue a néan-
moins des limites. « Il y a une
inflexion qui repose sur le constat
que la défiance n’est finalement utile
pour personne », a vait dit le ministre
Le Drian le 3 septembre à Paris.
Mais les différends sur la Syrie et
sur les violations par Moscou du
traité sur les armes nucléaires
intermédiaires n’ont pas disparu.

Etablir une méthode
Lundi, à Moscou, les quatre minis-
tres doivent avant tout définir
« une méthode » pour la reprise
d’un dialogue, estime-t-on du côté
français. « Tout ne va pas changer
du jour au lendemain », précise-
t-on dans l’entourage de Florence
Parly, qui rencontrera pour la
première fois à Moscou son homo-
logue russe. Il s’agit, avait dit
encore Jean-Yves Le Drian à la
presse diplomatique, de trouver
des « points communs » dans des
domaines comme le nucléaire, le
spatial ou encore la culture.
Les Etats-Unis restent très atten-
tifs. Le secrétaire américain à la
Défense, Mark Esper, qui était reçu
samedi matin à Paris, par Florence
Parly, a lancé, devant la presse :
« Les R usses doivent changer de c om-
portement. Nous ne pouvons pas
ignorer les dernières années au cours
desquelles la Russie a envahi la Géor-
gie, a annexé la Crimée, occupé des
morceaux d’Ukraine, menacé les
pays baltes et mené des patrouilles
agressives le long des côtes américai-
nes ou de pays alliés, comme la Corée
du Sud et le Japon. » Le dégel n’est
pas terminé. Même si Donald
Trump a estimé que l’échange de
prisonniers était un « premier pas
vers la paix » en Ukraine.n

Jean-Yves Le Drian reconnaît beau-
coup de « désaccords profonds »
avec Moscou, il a souhaité confor-
mément au vœu d’Emmanuel
Macron « qu’on puisse passer d’un
climat de défiance à des éléments de
confiance », par exemple sur la lutte
contre le terrorisme. La situation en
Ukraine sera aussi au menu de ces
discussions. Après l’échange de pri-
sonniers intervenu samedi 7 sep-
tembre, « une porte est entrouverte.
Le processus doit se poursuivre ».
Toutefois, le ministre exclut, pour
l’instant, la levée des sanctions euro-
péennes prises après l’annexion de
la Crimée en 2014. L’Union euro-
péenne doit se prononcer sur leur
reconduction mi-décembre.
A propos de l’Iran et de sa déci-
sion de mettre en service d es centri-
fugeuses pour produire de l’ura-
nium enrichi, violant ainsi les
accords de Vienne, Jean-Yves
Le Drian a rappelé que les Etats-
Unis ont été les premiers à « s’être
assis sur cet accord ». Pour ensuite
regretter cette escalade et le fait que
« l’Iran apporte de mauvaises répon-
ses à une mauvaise décision des
Américains ». Cependant, pour le
ministre de l’Europe et des Affaires
étrangères, l’élan du G7 après la
visite surprise du ministre iranien
Mohammad Djavad Zarif n’est pas
brisé, les voies du dialogue sont tou-
jours ouvertes, et la France conti-
nuera de jouer son rôle de « facilita-
teur de paix ». Une posture que Paris
entend adopter dans d’autres cri-
ses, celles du Yémen et de la Libye
notamment, où le ministre appelle
en urgence à une conférence inter-
nationale de tous les acteurs.
Sur le sort des enfants de combat-
tants djihadistes en Syrie et en Irak,
le ministre a dit « essayer » de rapa-
trier les enfants isolés et, dans cer-

tains cas, les enfants non isolés
quand la mère l’autorise. Il a toute-
fois réaffirmé la nécessité de juger
les combattants et les combattan-
tes, en évoquant une réflexion de
plusieurs pays européens pour la
création d’un dispositif judiciaire
particulier.

Une alliance pour la
reforestation de l’Amazonie
Interrogé sur le dossier brûlant du
Brexit, Jean-Yves Le Drian a cons-
taté l’impasse politique actuelle au
Royaume-Uni. « La situation en
Grande-Bretagne est très pertur-
bante. Aujourd’hui, au Parlement
britannique, il n’y a de majorité pour
rien. Il faut que l es Britanniques nous
di sent ce qu’ils veulent, on ne va pas
recommencer tous les trois mois! » Il
s’est montré ferme sur l’éventuelle
demande de report de sortie de
l’Union européenne : « Dans l’état
actuel des choses, c’est non! »

incident maritime à Kertch, en
novembre 2018, est « un geste qui
témoigne de la volonté de la Russie et
de l’Ukraine de renouer le dialogue ».
Ce geste, a-t-il poursuivi samedi,
devrait également permettre de
contribuer à « rétablir une atmo-
sphère de confiance » pour tenir
prochainement une réunion en
« format Normandie » – France,

Allemagne, Ukraine et Russie –
avec comme objectif de parvenir à
assurer dans un premier temps un
cessez-le-feu entre les forces ukrai-
niennes et les rebelles soutenus par
Moscou, puis un retrait des armes
lourdes, un déminage et des mesu-
res humanitaires, comme le pré-
voient les accords conclus à Minsk
en 2015 par ces quatre pays.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, doit
rencontrer son homologue français ce lundi. Photo Yuri Kadobnov/AFP

Enfin, sur l’Amazonie et dans la
perspective de la prochaine COP
du 2 au 13 décembre prochain au
Chili, le ministre a appelé à la cons-
titution d’une alliance des pays
concernés, dont la France (via la
Guyane), pour la reforestation.
En ce qui concerne la politique
intérieure, Jean-Yves Le Drian s’est
dit très à l’aise avec l’acte II du
programme du gouvernement
d’Edouard Philippe. Il a salué une
démarche « plus a ttentive à la recher-
che du compromis », citant la con-
certation sur les retraites. Rappe-
lant q u’il n’est pas membre de LREM
et plus du Parti socialiste mais tou-
jours social-démocrate, Jean-Yves
Le Drian a annoncé une initiative
dans les jours qui viennent, avec
d’autres, de l’aile gauche de la majo-
rité présidentielle. Sans préciser s’il
s’agira d e la création d ’un courant a u
sein de La République En marche
ou d ’un mouvement i ndépendant.n

Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves
Le Drian, dimanche. Photo Eric Frotier de Bagneux

Jacques Hubert-Rodier
@jhrodier

Oui à l’ouverture, mais avec
prudence, à la Russie! Après la
décision de Moscou et de Kiev
d’échanger, samedi, soixante-dix
personnes détenues dans les deux
pays, l’heure est au dégel et, par là, à
la détente avec l’Europe. Mais jus-
qu’où? Sous le regard attentif de
Washington, la France reprend le
chemin du dialogue avec la Russie,
comme l’avait souhaité Emmanuel
Macron en recevant cet été Vladi-
mir Poutine au fort de Brégançon.
Lundi, les ministres français de
l’Europe et des Affaires étrangères,
Jean-Yves Le Drian, et des Armées,
Florence Parly, rencontrent à Mos-
cou leurs homologues respectifs,
Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou.
Un conseil de coopération franco-
russe qui avait été imaginé en 2002
par Vladimir Poutine mais qui avait
été suspendu après l’invasion du
Donbass ukrainien et l’annexion de
la Crimée par la Russie, en 2014.
Avant de partir pour Moscou,
Jean-Yves Le Drian a affirmé que la
libération des marins ukrainiens
emprisonnés en Russie depuis un

EUROPE


La première réunion
du conseil de
coopération franco-
russe depuis 2014
se tient ce lundi.

Elle se déroulera
sous l’œil vigilant
des Etats-Unis.

La France reprend avec prudence


le dialogue avec la Russie


Le Drian : avec Moscou, « passer de la


défiance à des éléments de confiance »


Yves Vilaginés
@yvvilagines

A la veille de son déplacement à
Moscou, Jean-Yves Le Drian était
l’invité du « Grand Rendez-Vous »
Europe 1- « Les Echos »-CNews. Si

Le ministre de l’Europe
et des Affaires étrangères
compte notamment sur
la lutte contre le terrorisme
pour renouer les liens
avec le Kremlin.

LE GRAND RENDEZ-VOUS//EUROPE 1 - CNEWS - « LES ÉCHOS »


Véronique Le Billon
@VLeBillon


En trois tweets, samedi soir, les
Américains ont appris que des
dirigeants talibans devaient
être reçus à la résidence prési-
dentielle de Camp David
dimanche et que les négocia-
tions de paix avec l’Afghanistan
étaient annulées! « A l’insu de
presque tout le monde, les princi-
paux dirigeants talibans et, sépa-
rément, le président de l’Afgha-
nistan, allaient me rencontrer en
secret à Camp David dimanche.
Ils venaient aux Etats-Unis ce
soir », a ainsi dévoilé Donald
Trump. « Malheureusement,
pour tenter à mauvais escient
d’accroître la pression, ils ont
admis une attaque à Kaboul qui a
tué un de nos grands soldats et
11 autres personnes. J’ai immé-
diatement annulé la réunion et
annulé les négociations de paix. »


A quelques jours de la com-
mémoration des attentats du
11 septembre 2001, qui avaient
provoqué l’intervention mili-
taire américaine en Afghanis-
tan pour chasser du pouvoir les
talibans, accusés de donner
refuge à Al Qaida, les Etats-Unis


ÉTATS-UNIS


Le président
américain a annoncé
samedi soir qu’il
mettait fin aux
« négociations
de paix », après
un nouvel attentat
en Afghanistan.


Le chef de la
diplomatie, Mike
Pompeo, a indiqué
dimanche que les
Etats-Unis n’excluaient
pas une reprise
des discussions, à
condition que les
insurgés « changent
d’attitude ».


Les deux pays


semblaient


proches d’un


accord, négocié


depuis un an.

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