Le Monde - 14.09.2019

(Michael S) #1
articulés autour d’un jardin.
Trouverlenombred’étoiles sur
sonsiteInterne test pourtant
miss ionimpossible.Idem pour
l’HôtelSinner ouvert cetété
dans leMarais, àParis,ou
Le RefugedeSolaise, attendu
cethiver àVal-d’I sère.
Boudéespar deschefs cuisiniers
de renom,les étoilesperdraient-
ellesaussi leur lustre àl’hôtel?
Créée en 1937 dans lesillage
de sacousin eduguide
Michelin,cette nomenclature a
tentéune révolution en 2009,
modernisantdes normes
inch angées depuis vi ngtans.
Autrefoisattribuées d’office,
lesétoiles sont désormais
facultatives. Pour en décrocher,
lesétablissements doivent
déposerune demande auprès
d’AtoutFrance, opérateur
de l’ État,aprèsavoir coché
descases parmi uneliste de
240critères–contre30aupa-
ravant .Danscet inventaire à
la Pr évert, la prés ence d’une
bouilloiredansles chambres,
uneexigencevenue d’Asie,
côtoie l’ac cèsàInterne toula
priseenchargedes bagages.
«Cette réformearedonné du
sens ausystème, en intégrant
descritèresdeservice et
d’équipements conformes
auxattentesdelaclientèle
internationale»,défend
GuillaumeLemière,directeur
desaffaires juridiqueset
réglementaires d’AtoutFrance.
Au 2septembre, 71 %des
hôtels françaisfigureraient
dans leclassement, et
le nombred’établissements de
quatreetcinqétoiles (une
catégorie nouvellementcréée)
aexplosé.Ces distinctions
conservantun impactfortsur
la perception d’un lieu,les
hôteliersont parfois recours à
quelquespirouettes :«Pour
unemême chambreaumême
prix,unclientauraplus
d’attentes si elle estaffichée
cinq étoilesplutôt que quatre»,
affirmeRomainTrollet,qui
vientd’ouvrirl’hô tel-bar Oh
la la !prèsdelaBastille, àParis.
«Aussi,jep réfère demander
le ranginférieur,etê tre le
meilleur de ma catégorie.»
D’autant que,pourdes raisons
d’image, certainesentreprises

interdisentàleurs salariés en
voyaged’affaires de séjo urner
dans descinq-étoiles...
Malgrésa Modernisation,
le systèMe estcritiquépar de
nombreuxprofessionnels
du secteur. Pour leshôtels
communiquant surunconcept
innovant,les étoilespeuvent
être perçues commeunfrein,
un vestigequi lesenfermera
dans unecase. En outre,
estimeMarkWatkins, fondateur
du cabinetdeconseil spécialisé
dans l’hô tellerie Coach
Omnium,«une mêmecatégorie
réunit desenseignesqui ont
desniveaux tropdifférents».
Selonses chiffres, seul s14%
desclients tiendraientcompte
desétoiles,contre65%
en 2009.Lecritère no1, désor-
mais,c’est le prix.Les milliers
d’avis de consommateurs la is-
séssur TripAdvisor,Hotels.com
ou Bookingoffrentégalement
unenouvellegrilledelecture.
Surtout, lesattentesdes
clients ontévolué. La notion de
fonctionnalité, mise àl’honneur
par lesgrandeschaînes
hôtelières,n’est pl us un élé-
mentdistinctif :l’immatériela
pris le dessus.«Les étoiles
s’attachent au côté tangible
de notre métier alorsqu’au-
jourd’huiles clientsaccordent
bien plus d’importanceàla
gentillesse du st aff,àladéco-
ration ou àl’énergie d’un lieu»,
professeSergeTrigano,fonda-
teur de Mama Shelter, qui
assureporterunintérêt«quasi
nul»au classementdepuisque
la troisièmeétoile lu iaété
refuséeàParis,faute de
baignoires au lieu de douches.
Mi-août,sadixième adressea
étédévoiléeàLille, avecune
recetteimmuable depuis
2008 :des chambresde taille
réduite, mais avecWi-Fi et
films gratuits,etdes espaces
communs XXLoùsemêlent
joyeusementtouristes et
locaux.«Cesontles relations
humaines,nouées avecunper-
sonnelmoins guindé,comme
avecses voisinsdetable, qui
fontlad ifféren ce,abonde Joël
ChanThaw,directeur général
du GrandQuartier.Dans mon
établissement,jeneveuxpas
qu’onsesente dansun hôtel

mais dansun lieu où l’on ren-
contre desgens.»Autrechan-
gement notable :iln ’y aplus
de clientstandard.«Certains
veulentvoyager enbande,
d’autrestravailler pendant
leursvacancesoumêmefaire
leur proprecuisine.Comment
lesétoiles pourraient-elles
s’adapteràdes attentes aussi
différentes?»,s’interroge
JoanneDreyfus, responsable
tourisme,hôtellerieetloisirs
pourlecabinet d’audit et
de conseilDeloitte. Pour
la spécialiste,«l’enjeuest
la personnalisation,enrichie
parler ecours àladata»,
uneexigencequi setraduit
autant par un petitmot
dans lachambreque parle
choixd’unminib ar healthy
pourles unsouchips-bière
pourles autres.
Pour communiquersur cet
artdel’intangible,les hôtels
misent surInterne tet
lesrésea ux sociaux, avecforce
photos –sur lesquellesfigurent
desgens, unenouveauté –
et de plusenplusdevidéos.
Mais lesmeilleurs ambas-
sadeurs sont sansdoute
lesclients et leurspublications
surInsta gram dans deslieux
soignés.Attention toutef oisau
retour de bâton, alerteRomain
Trolle t:«S iles critères des
étoilesnecréentplusaucune
vale ur ajoutée, leur non-
resp ectpeutdétruireune
réputation,etc ’est souventsur
lesrésea ux sociau xqu’on s’en
plaint.»La meilleure des
ambiances ne fera pasoublier
un mauvaislit.

D


errière
unefaçade
en brique,dans
le quar tier
de Pigalle,
àParis,l’Hôtel Le Balludévoile
d’indéniables atouts :undécor
inspirédumodernismedes
pays de l’ EstetdelaSyldavie
imaginée par Hergé, un jardin
intérieur, deschambres
tout conf ortavecterrasse,
unepiscine,unspa...Pourtant,
l’établissement, inauguré
débutjuillet,afailli ouvrir
sansses quatreétoiles.
«J’ailongtemps pensé ne
pasles demander,explique
la di rectriceJulia Vidalenc.
Finalement,j’ai effec tuéla
démarche, car le cl assement
resteimportant pour le réfé-
rencementsur lesplateformes
de rése rvation en ligne.»
Attendu dans quelquesjours,
proche du canal Saint-Martin,
àParis,l’établissement
Le GrandQuartierseveutun
«havre citadin»intégrant
un grandcafé,des espaces
de travailetune boutique

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Illustrations Antony Huchette pourMLemagazine du Monde —14 septembre 2019
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