Le Monde - 14.09.2019

(Michael S) #1

12 |france SAMEDI 14 SEPTEMBRE 2019


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Parcoursup : les taux de réussite ont peu varié


Un an après la réforme du dispositif, les échecs sont moins nombreux dans des filières tendues comme Staps


U


n an après la réforme
de Parcoursup, les étu­
diants réussissent­ils
mieux à l’université?
Si les chiffres des bacheliers en­
core en attente d’une place, à la
veille de la fermeture de la plate­
forme samedi 14 septembre, sont
au cœur de l’attention, le succès de
la réforme sera tout autant exa­
miné à l’aune de cet indicateur de
la réussite étudiante. Lutter contre
les « 60 % » d’échec en licence,
c’était la promesse du gouverne­
ment pour mener ce bouleverse­
ment des règles d’entrée dans
l’enseignement supérieur. Pour
quel résultat?
Alors qu’un état des lieux est dé­
sormais possible, pour la pre­
mière cohorte de jeunes ayant
achevé leur première année de li­
cence, il est difficile de poser un
diagnostic général, faute de chif­
fres consolidés sur l’ensemble des
universités. De premiers échos fa­
vorables remontent. « Plus d’assi­
duité dans les amphithéâtres »,
« plus d’attention », « plus de pré­
sence aux examens »... entend­on
chez les universitaires.

Pas de changement significatif
Sur le terrain, d’une fac à l’autre,
on le reconnaît néanmoins : dans
la plupart des licences, les taux de
réussite n’ont pas bougé significa­
tivement. A Paris­Descartes, le
président Frédéric Dardel – qui
doit rejoindre le ministère de l’en­
seignement supérieur comme
conseiller à la fin du mois de sep­
tembre – résume : « Il n’y a pas eu
d’effet sur la réussite dans beau­
coup de licences, dans lesquelles
nous avons eu le même recrute­
ment qu’avant, c’est­à­dire que
nous sommes allés au bout des lis­
tes des candidatures. » Il est un en­
droit où la réussite a progressé
chez lui : en première année de
sciences et techniques des activi­
tés physiques et sportives (Staps)
et en psychologie. Soit deux licen­
ces « en tension », comme on ap­
pelle ces filières prises d’assaut par
les enfants du boom de l’an 2000.

Ici comme ailleurs, le même
constat revient dans ces filières
qui ont sélectionné : la part de ba­
cheliers généraux a progressé,
quand celle de jeunes issus des
voies professionnelles et techno­
logiques a diminué. En sciences de
la vie, à l’université Paris­XIII, le
taux de passage en deuxième an­

née a presque doublé, atteignant
55 %, alors que dans cette promo
de 250 étudiants « il n’y a eu cette
année que des bac S, plus de bache­
liers technologiques et profession­
nels », dit Olivier Oudar, vice­prési­
dent chargé de la formation.
En Staps, un bilan détaillé et na­
tional – le seul à ce stade – montre

un bond de 12 points de la réussite,
qui s’élève désormais à 54 %. La
filière a vu la part de bacheliers
scientifiques grimper de 7 points
dans ses effectifs (quelque
25 600 étudiants). « Nous avons
donc quelque 2 500 étudiants de
plus qui ont eu leur année, c’est une
très bonne nouvelle », se réjouit Di­
dier Delignières, à la tête de la con­
férence des doyens. Lui assume
sans difficulté cette sélection :
« Les populations vraiment en diffi­
culté et qui échouaient chez nous
ne sont plus présentes », dit­il. Mais,
au vu de la diversité des résultats
selon les facultés, il existe
« d’autres facteurs » à cette
meilleure réussite, qu’il lui reste à
documenter.
D’autres contre­exemples illus­
trent la complexité des situations.
A l’université Lyon­II, qui compte

près de 30 000 étudiants, les qua­
tre « portails » de première année
(alliant plusieurs disciplines) qui
ont classé leurs candidats à l’en­
trée – les dix autres ont refusé de le
faire – n’ont pas connu d’évolution
significative des taux de réussite,
selon sa présidente, Nathalie
Dompnier.

« Motivés, intéressés »
En revanche, dans le portail « insti­
tution et sociétés », qui a accueilli
tous les prétendants – et connu un
raz­de­marée, passant de 280 à
450 étudiants –, la réussite a bondi
de 11 points. « Nous avons eu un af­
flux de bacheliers venant d’autres
académies, qui représentent les
deux tiers de cette promotion », dé­
taille Nathalie Dompnier. Des jeu­
nes qui étaient très « motivés, inté­
ressés, pas là par hasard », rappor­

te­t­elle comme possible facteur
d’explication. Cette année, l’uni­
versité a néanmoins classé à l’en­
trée de tous ses cursus, ne pouvant
se permettre d’accueillir une
hausse similaire d’étudiants
(+ 1 700 en 2018).
Que la sélection ou l’évolution
des profils d’étudiants paient en
matière de réussite, « ce n’est pas
un scoop », relève un universitaire,
le cursus des jeunes passés par les
voies professionnelles étant très
éloigné des prérequis universitai­
res. Mais ce n’est pas vraiment le
facteur mis en avant du côté du
gouvernement, où l’on se refuse à
parler de « sélection » à la fac. La mi­
nistre, Frédérique Vidal, a insisté à
plusieurs reprises sur les parcours
d’accompagnement développés
par les universités avec Parcour­
sup – ces « oui si » vers lesquels ont
été orientés les candidats dont les
dossiers ont été jugés insuffisants.
« Les “oui si” ont eu un impact po­
sitif sur la réussite étudiante », a ex­
pliqué la ministre. Pierre angulaire
de la réforme, ces parcours renfor­
cés ont fait l’objet de 145 000 pro­
positions sur Parcoursup en 2018,
mais le nombre de bacheliers les
ayant véritablement rejoints n’a
pas été communiqué. Difficile de
quantifier l’impact de ces parcours
déployés diversement dans les
établissements, et avec des for­
mats variables (des heures de sou­
tien en plus, des travaux dirigés en
petits effectifs, du tutorat... voire
un étalement sur deux ans des en­
seignements de première année).
« La réussite s’est un peu amélio­
rée, mais ce n’est pas forcément visi­
ble en termes de validation de l’an­
née, relève Françoise Peyrard, vice­
présidente chargée de la forma­
tion à l’université de Clermont­
Auvergne, où la quasi­totalité des
vingt­sept licences a déployé des
“oui si” cette année, contre la moi­
tié en 2018. Ces parcours s’adres­
sent à des jeunes qui sont très loin
des prérequis universitaires, ils ont
peut­être validé quelques matières,
c’est mieux qu’avant, mais ils n’ont
pas eu leur année. »
Elle comme d’autres en témoi­
gnent : deux catégories d’étu­
diants, qui ont toujours fait grim­
per ce « thermomètre » de l’échec à
« 60 % », n’ont pas disparu. « Ceux
qui restent tellement loin du niveau
qu’il leur faudrait quelque chose de
beaucoup plus lourd », résume
l’universitaire, et ceux qui sont là
par défaut, dans l’attente d’une so­
lution de repli pour se réorienter,
le plus souvent dans des filières sé­
lectives de type BTS ou DUT.
camille stromboni

Que la sélection
ou l’évolution
des profils paient
en matière
de réussite,
« ce n’est pas
un scoop », relève
un universitaire

au moment où la plate­forme Parcour­
sup ferme ses portes, samedi 14 septem­
bre, clôturant l’an II de la session d’admis­
sion dans l’enseignement supérieur, le
comité chargé de son évaluation vit ses
dernières heures dans sa forme actuelle.
Sur les six membres formant cette ins­
tance indépendante voulue par Frédéri­
que Vidal, ministre de l’enseignement su­
périeur, trois ont décidé de la quitter. Der­
nière démission en date : Julien Grenet,
chercheur au CNRS à l’Ecole d’économie
de Paris, connu pour son expertise sur les
algorithmes de répartition scolaire et ses
travaux sur la mixité sociale dans les col­
lèges à Paris. Sa démission remet sur la ta­
ble la délicate question de la transparence
sur cette procédure d’orientation profon­
dément réformée en 2018.
Installé en février 2018 par le ministère,
le Comité éthique et scientifique de Par­
coursup a pour mission de « veiller au bon
fonctionnement et à l’efficacité » de l’outil

qui a géré cette année l’affectation de
quelque 900 000 candidats. Et de faire
des propositions de nature à améliorer sa
« transparence », avec un rapport annuel
remis au Parlement.
Après les départs de sa présidente,
Noëlle Lenoir – l’avocate a expliqué
qu’elle ne voulait pas poursuivre en rai­
son de la charge de travail que représen­
tait le comité –, et en janvier de Laure Luc­
chesi, directrice d’Etalab (organisme
placé auprès du premier ministre, visant
à accompagner l’ouverture des données
de l’administration) – elle n’a pas sou­
haité commenter sa démission –, l’écono­
miste a mis fin cet été à sa mission.
« Je crains que les conditions ne soient
pas réunies pour que le comité soit en me­
sure d’analyser sereinement et en toute in­
dépendance le déroulement de la
deuxième année de Parcoursup », écrit Ju­
lien Grenet dans sa lettre de démission,
envoyée le 2 août au ministère. L’univer­

sitaire s’inquiète de l’absence de réu­
nions du comité depuis janvier – date de
remise de son premier rapport annuel –
et d’informations communiquées sur les
évolutions de la procédure 2019.

Secret des délibérations
Les recommandations du comité n’ont
eu qu’une « portée pratique très limitée »,
juge­t­il. Que ce soit sur le terrain de la
transparence des critères de classement
des candidatures dans les établissements


  • toujours placés sous le sceau du secret
    des délibérations –, ou de la réintroduc­
    tion d’une forme de hiérarchisation des
    vœux des candidats au cours de la procé­
    dure, qu’il défend. Des questions d’appa­
    rence technique, mais aux conséquences
    importantes : « Il s’agit d’éviter le traite­
    ment actuel des jeunes encore sans propo­
    sition durant la phase complémentaire :
    on leur applique des règles opaques, no­
    tamment celle du “premier arrivé premier


servi”, ce qui me semble peu équitable. » Le
chercheur relève tout de même une évo­
lution positive : l’ouverture de l’accès aux
données de Parcoursup à la recherche pu­
blique, prônée par le comité, a été actée
avec la publication d’un arrêté.
« C’est la meilleure garantie pour une fu­
ture évaluation indépendante », espère
l’universitaire. Au cabinet de Frédérique
Vidal, on accepte difficilement un « pro­
cès en transparence ». Et d’évoquer « l’a­
bondance, relativement inédite », dans la
« publication de données » et la « mise en
place d’outils d’évaluation » autour du
nouveau système d’entrée dans l’ensei­
gnement supérieur.
Le renouvellement du futur comité in­
terviendra dans les jours qui viennent,
indique­t­on au ministère, où l’on précise
que l’organisation de l’évaluation pour
cette deuxième année de Parcoursup est
« en cours de réflexion ».
c. st.

Plusieurs démissions au sein des comités de suivi de la plate-forme



A quelques jours de la clôture de la plate-forme prévue le 14 septem-
bre, ils étaient 2 600 jeunes « sans solution », d’après le ministre de
l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui intervenait, mardi
10 septembre, devant les parlementaires. Un chiffre « absolument pas
consolidé », a nuancé son homologue à l’enseignement supérieur,
Frédérique Vidal, au micro de France Culture, le lendemain, qui doit
communiquer un bilan définitif la semaine prochaine.

QUESTIONSPOLITIQUES


DIMANCHE 15 SEPTEMBREÀ 12H


ADRIEN QUATENNENS


DÉPUTÉ DU NORD, COORDINATEUR DE LAFRANCE INSOUMISE


ALI BADDOU, CARINE BÉCARD, FRANÇOISE FRESSOZ ETJEFFWITTENBERG
ENDIRECTSURFRANCEINTERETSURFRANCEINFO(TVCANAL27)

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© photo : Christophe Abramowitz

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