Le Monde - 14.09.2019

(Michael S) #1

MLemagazine du Monde —14 septembre 2019


j’yétais

Miracledel’apparition.


parGuillemetteFaure

l’homme,il est grand quand même... »Costume gris, chemise ouverte,
c’est Ramzi Khiroun, le conseiller de l’ombre le plus éclairé de Paris.
On dit qu’ila«fait»lanouvelle grille, qu’il était en régie quand de
nouveaux formats étaient testés. Pendant la conférence de presse,
il n’était pas sur scène mais assis au premier rang.ÀSandrine Cassini,
duMonde,qui demandaitàLagardère de préciser la fonction de
Khiroun dans l’organigramme d’Europe 1, ilarépondu par cette étrange
formule :«Ilm’est précieux. »
Après la conférence, voyant son patron discuter avec des journalistes,
«ilm’est précieux»part chercher Constance Benqué, directrice géné-
rale du pôle news de Lagardère après en avoir dirigé la régie. Plus tôt,
dans l’auditorium, celle-ci expliquait avoir construit sa grille en ayant
«àcœur de ne pas tout casser ».Et80%deses concurrents sur les autres
radiossont«passés parEurope1»,lâche-t-elle.D’autres auraient dit
«ont quitté Europe1».Sagrille s’appuie sur des«pépites»de la maison,
mais elle laisse Nathalie Levy,venue de BFM-TV,présenter chacun.
Devant l’ascenseur,Arnaud Lagardère continue de répondre aux jour-
nalistes,enchantés de l’avoir sous la main. Il tape sur le dos de certains
àqui il adressait des droits de réponse ilyaquelques mois et attrape
le bras d’autresàqui il intentait des procès ilyaquelques années.
Àl’uneàqui ilaparlé pour la dernière fois au tribunal, il promet sa
prochaine interview.Quand il dit ne pas aimer s’exposer,quelqu’un
lui fait remarquer qu’il le fait sur les réseaux sociaux.«Vous vous
pâmez quand des chefs d’entreprise américains postent leursstories,
mais, quand c’est l’élite française, vous trouvez que ça ne fait pas
sérieux... »,réplique-t-il. Ce n’est que partiellement vrai, puisque
les fesses de Marc Simoncini nageant nu sur Instagram ont été bien
moins commentées que la vie des Lagardère.
Personne ne mentionne Jade, sa femme, même si les employés de
la radio se demandent sur quelle plageabien pu être prise cette photo
légendée«the one and only ».To ut l’été, les publications des Lagar-
dère ont été décortiquées pour comprendre si une séparation était dans
l’air.Onn’en parle pas, mais quelqu’un s’enharditàdemander s’il gère
seul soncompte Instagram. Qui peut croire que la même personneapu
poster«chacune et chacun d’entre nousaunrôleàjouer dans
le redressement de cette belle maison... »et«Mon amour,j’assume
avec toi tes photos, tes textes, peu importe comment ils sont interpré-
tés... »?Lagardère reconnaît qu’ils sont plusieursàalimenter son fil
Instagram. Non, ce n’est pas«ilm’est précieux»qui s’en charge.

le 10 septembre,ÀlACONFÉreNCe De presse
De reNtrÉe D’eUrOpe 1,ÀpAris.
«Alors, quoi de neuf?»Àlaquestion d’Arnaud Lagardère, j’ai hésité
avantderépondre. Ma fille rentre en CM2, mon pèreades soucis de
santéetjeréfléchisàune nouvelle version de ma chronique dansM.
Mais peut-être que son«quoi de neuf?»était de ceux qu’on destine aux
personnes dont on n’a pas la moindre idée de qui ils sont et de ce qu’ils
font là. J’ai appris que, dans ces cas-là, mieux vaut répondre par une
question.«Qu’est-ce qui vousadécidéàvenir aujourd’hui?»,lui
ai-je répondu. Des conférences de presse de rentrée d’Europe 1, on dit
qu’Arnaud Lagardère n’est toujours présent que sur le carton d’invita-
tion. Cette fois-ci, il est venu et en ménageant un petit effet.
Un peu plus tôt, dans l’auditorium d’Europe 1, les journalistes ont
trouvé desmasques d’avion sur leur fauteuil.«Des masques Aigle
Azur »,blague le directeur déléguéàl’information, DonatVidal Revel,
en référenceàlacompagnie en redressement judiciaire et aux audiences
en berne de la station. Même l’éditorialiste Nicolas Beytout, qui n’est
pas connu pour être un gai luron,aenfilé le sien.«Comme ça, les jour-
nalistes ne pourront rien écrire »,plaisante Nicolas Canteloup. Nous
portions tous nosmasques, donc, pour écouter le«son»delarentrée,
quand l’animatrice de l’émission du soir tentait, dans un blind test, de
nous faire reconnaître des artistes.To ut àcoup, une voix annonce :«Bas
les masques, je vous présente Arnaud Lagardère... »Cette année, la
star de la rentrée, c’estlepatron.
«C’est vrai, c’est la première fois que je viens »,reconnaît Lagardère
après la conférence. Il s’est peu exprimé ces dernières années.«C’était
peut-êtreune erreur.»Un petit groupe de journalistes s’est formé autour
de lui, entrel’ascenseur et le buffet, et goûte la réponse. En assemblée
généraled’actionnaires, il fait pareil:quand un petit porteur pose une
question, Lagardère répond toujours en le flattant, en concédant que
ses questions sont légitimesetenpartie fondées. Ça marche toujours,
le coup du«j’aurais dû vous écouter ». François Mitterrand aussi deman-
dait aux journalistes ce qu’ils feraientàsaplace pour flatter leurempa-
thie et leur vanité. Ilyenamême qui croient qu’Arnaud Lagardèreattend
leurs conseils (« vous auriez peut-être dû garder Thomas Sotto qui,
rétrospectivement, n’était pas si mauvais que ça »...).
Ta ndis qu’«Arnaud»bavarde avec les médias, un homme s’approche,
surveillant la conversationàdistance.«Nevous inquiétez pas, il n’a
pasdit deconneries »,lerassure un journaliste.«Çava,répond


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