HISTOIRE DE L’ART |
de
CHAKRI
BELAÏD
Sur le côté pile figure un cheval finement
stylisé, libre, très éloigné du modèle grec.
La ligne sinueuse qui dessine son enco-
lure et sa croupe se prolonge par ce qui
pourrait être la queue d’un animal marin.
Cette déformation élégante n’empêche
pas le cheval de rester reconnaissable. À
propos du cheval du statère des Parisii,
l’écrivain André Malraux évoquera des
« arabesques » et « un art presque orne-
mental qui semble s’apparenter à celui
des faïences persanes ». C’est un animal
bondissant que l’on voit là. Un cheval
cabré, dont les jambes avant sont exagé-
rément hautes et les sabots tournés vers
le ciel. Une représentation irréaliste d’un
cheval au galop, mais qui traduit la prio-
rité donnée ici à la force de l’action, à l’ex-
pression du mouvement, sur le réalisme
des formes ; à l’expression du vivant, des
« forces de l’univers », sur le strict reflet des
apparences.
Cet art gaulois au style si singulier,
enrichi de symboles décoratifs et de créa-
tures fantastiques, disparaîtra après la
conquête romaine de la Gaule en 52 avant
J.- C. Celle-ci entraînera la fermeture pro-
gressive des ateliers gaulois. Toutefois, les
monnaies gauloises continueront à circu-
ler pendant un siècle environ, jusque sous
l’empereur romain Néron.
L
a monnaie d’or apparaît en Gaule
au cours du IIIe siècle avant
J.- C. Elle y est introduite par les
mercenaires gaulois qui, après
avoir servi des souverains macédo-
niens, étaient payés en statères d’or de
Philippe II de Macédoine. Répandue dans
toute l’Europe, cette monnaie grecque
représentait, côté face, le profil d’Apollon
couronné de lauriers. Sur son côté pile
figurait un conducteur de char de course
attelé de deux chevaux.
Assez vite, les Gaulois copient ces
originaux grecs pour produire leur
propre monnaie d’or. Mais, peu à peu,
ils se détachent du modèle d’origine et
introduisent des motifs traditionnels
celtes. Au réalisme figé des représenta-
tions grecques succède alors un monde
imaginaire peuplé de créatures hybrides,
fantastiques, orné de spirales, de triskèles,
d’esses...
Chaque peuple gaulois développe
son propre style. La tribu des Parisii,
qui a donné son nom à la ville de Paris,
frappe des statères d’une élégance ori-
ginale. On en voit ici un exemplaire. Sur
son côté face, la tête d’Apollon des mon-
naies macédoniennes a pris la forme
d’une esquisse : le nez est un trait droit, la
bouche un demi-anneau. Alors que la tête
est de profil, l’œil nous semble présenté de
face, à la manière des portraits cubistes de
Picasso. La coiffure est un décor presque
abstrait, fait de volutes, d’esses inachevées.
Organisés en mèches parallèles, légère-
ment courbes, les cheveux sont tirés vers
l’arrière. C’est un profil, certes plus im-
personnel que celui du modèle grec, mais
très expressif, énergique, où affleurent
l’émotion, la vie intérieure, le vivant.
la statère d’or [statɛʀdOʀ]
, die Goldmünze
la monnaie [mOnɛ]
, das Münzgeld
la Gaule
, Gallien
le mercenaire [mɛʀsənɛʀ]
, der Söldner
répandu,e
, verbreitet
le côté face
, die Vorderseite
le laurier [loʀje]
, der Lorbeer
le côté pile
, die Rückseite
le conducteur
, der Kutscher
le char de course
, hier: der Streitwagen
attelé,e de [atledə]
, hier: mit
propre
, eigene,r,s
se détacher
, sich lösen
figé,e
, starr
succéder [syksede]
, folgen
orné,e de [Oʀnedə]
, verziert mit
l’esse [lɛs] (f)
, das stilisierte S
la tribu
, der Stamm
frapper
, prägen
l’esquisse [lɛskis] (f)
, die Skizze
le trait
, der Strich
l’anneau (m)
, der Ring
de face
, von vorne
inachevé,e [inaSəve]
, unvollendet
la mèche
, die Haarsträhne
certes [sɛʀt]
, gewiss
affleurer
, zutage treten
In dieser Rubrik stellen wir Ihnen regelmäßig ein
Kunstwerk vor. Diesmal eine gallische Goldmünze.
DIFFICILE
STATÈRE D’OR
DES PARISII
68 11 · 2019 ÉCOUTE
sinueux,se [sinɥø,ɥøz]
, gewundene,r,s
l’encolure [lkOlyʀ] (f)
, der Hals
la queue [kø]
, der Schwanz
s’apparenter
, ähneln
bondissant,e
, springend
cabré,e
, steigend
exagérément
[ɛ gzaZeʀem]
, übertrieben
le sabot
, der Huf
l’apparence (f)
, der (An)Schein
singulier,ère
[sgylje,jɛʀ]
, besonders
la conquête
, die Eroberung
l’atelier [latəlje] (m)
, die Werkstatt
l’empereur (m)
,^ der Kaiser