Le Soir Magazine Du 23 Août 2019

(Martin Jones) #1
H

ier, Jacques Mesrine et
Charles Manson. Aujour-
d’hui Marc Dutroux, Mi-
chel Fourniret ou Andras
Pandy. Ils n’ont pas tué
dans les mêmes propor-
tions, ni pour les mêmes
raisons, mais ces crimi-
nels partagent tous un même destin : la
célébrité pour leurs méfaits, une déten-
tion de très longue durée et... la récep-
tion de lettres féminines enflammées!
Oui, des femmes, jeunes et moins jeunes,
manifestent leur « intérêt érotique »
pour le morbide. Ainsi, Anders Breivik,
le criminel norvégien qui a tué 70 per-
sonnes, recevrait quelque 800 déclara-
tions d’amour par mois. Mais la star des
« hybristophiles » (amoureux de tueurs)
demeure sans conteste Henri Désiré
Landru. Guillotiné en 1922 pour les
meurtres de onze femmes, il recevra plus
de 4.000 lettres enflammées et 800 de-
mandes en mariage pendant son séjour
en prison. Comment expliquer cette per-
versité amoureuse présente dans la psy-
chologie féminine?
Dans la culture populaire, le phénomène
est communément appelé « syndrome
deBonnie & Clyde ». Scientifiquement,

on parle d’« hybristophilie », une pra-
tique amoureuse qui provient de la
conjonction, en grec ancien, d’« hybri-
zein » (commettre un outrage contre
quelqu’un) et de « phile » (qui aime).
Cette paraphilie définit un attrait intense
pour des criminels particulièrement san-
guinaires. L’hybristophilie sous-tend
trois types de profils principaux : les
femmes attirées par l’hypervirilité, les
salvatrices « à tout prix », portées par
une âme de secouriste, et celles qui par-
tagent les mêmes pulsions criminelles
que leur « idole ».

LA BELLE ET LES BÊTES
L’érotisation d’un criminel renvoie au
fantasme originel du voyou. Au lycée dé-
jà, les jeunes filles semblent souvent plus
excitées par le garçon un peu marginal,
la « sale gueule de la classe » au look de
banlieue, que par le fort en tête très gen-
til, mais finalement très ennuyeux. Sym-
bole de désordre et de liberté, il y aurait
donc comme un réflexe naturel dans
cette attirance pour le « bad boy ». Robin
des Bois, il est synonyme d’aventure et
ouvre des perspectives plus excitantes.
Ambivalence affective, « leurs crimes ré-
veillent chez ces femmes une sorte de fas-

cination pour ceux qui transgressent les
limites que, par éducation sociétale, l’on
nous a appris à ne pas dépasser », pré-
cise Pascal Coquiart, psychothérapeute
et sexologue.

DES INFIRMIÈRES CHARITABLES
Dans « Women Who Love Men Who
Kill » (« Les femmes qui aiment les
hommes qui tuent »), l’auteure, Sheila
Isenberg, explique que les « sauveuses »
ont majoritairement entre 40 et 50 ans,
qu’elles sont divorcées ou déçues en
amour, intellectuellement brillantes, so-
cialement insérées et qu’elles ont le plus
souvent reçu une éducation judéo-chré-
tienne. Ces femmes-mères croient au
pardon et à la rédemption. C’est leur côté
typiquement « infirmière » qui les
pousse vers des hommes détenus et les
amène à leur accorder leur pardon. En
envoyant des lettres à des ennemis pu-
blics numéros 1, elles vivent une histoire
virtuelle, valorisante et sans risque.

DES VICTIMES PERVERSES
Et puis il y a ces cas, extraordinairement
plus dérangeants, de femmes dont on
soupçonne qu’elles ont été abusées du-
rant leur enfance, qui épousent des

par les gran


Ces femmes fascinées


Enquête


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Guillotiné en 1922 pour les meurtres de onze
femmes, Landru recevra plus de 4.000 lettres
enflammées et 800 demandes en mariage
pendant son séjour en prison.PhotoNews
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