Le Soir Magazine Du 23 Août 2019

(Martin Jones) #1

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P


ouvait-il choisir meilleur
momentpours’enaller ?Le
week-end même où l’Amé-
rique fêtait – sagement – les
50 ans du Festival de
Woodstock, Peter Fonda ti-
rait... son irrévérence! L’ac-
teur est décédé à son domi-
cile de Los Angeles d’un
cancer du poumon, laissant sa sœur Jane
gérer seule un nom mythique dans le ci-
néma U.S., chacun dans son genre : Hen-
ry Fonda en pilier respectueux des
règles, Jane en activiste et lui-même en
trublion jamais rangé! Peter Fonda est
parti alors que résonnaient à Bethel-
Woodstock les concerts de Blood, Sweat
and Tears, Arlo Guthrie, Santana ou en-
core Ringo Starr (qui n’était pas présent
en 1969).
Aux yeux de tous, Peter Fonda est
l’homme d’un seul film : « Easy Rider »,
sorti en 1969. Ce road-movie en Harley,
accompli avec son complice Dennis
Hopper, fit l’effet d’une bombe tant il
exaltait la liberté, l’usage du LSD, les
grands espaces... et l’Amérique, avec le
drapeau étoilé sur sa veste à franges et
sur le bidon de sa machine. Il doit aussi
beaucoup à la musique rythmant cette
traversée complètement dingue, et no-
tamment au morceau des Steppenwolf,

« BornToBewild ».Tournéenseptse-
maines,entre Los Angeles etLa Nou-
velle-Orléans, « Easy Rider » coûta
384.000 dollars et en rapporta 60 mil-
lions à travers le monde. Il valut à ses
deux acteurs principaux une consécra-
tion planétaire, attestée par deux nomi-
nations aux Oscars et un Prix de la
meilleure première œuvre à Cannes,
sous les vivats de la salle. Et pourtant...
Peter Fonda et Dennis Hopper ne s’en-
tendaient pas spécialement bien. Ils
étaient même plutôt en froid. Mais le
succès déboulant, ils ont marché main
dans la main pour aller quérir les lau-
riers de la gloire. Peter Fonda, petites lu-
nettes rondes et barbe hippie, faisait dé-
sormais jeu égal avec son père et sa fran-
gine. Ce film un peu braque, monté en
dépit de toute logique commerciale, fut
un coup de génie. Il avait flairé l’air du
temps, l’aspiration à prendre la route
sans contrainte et la place du rock dans
la jeunesse. Au moment même, une ma-
rée humaine envahissait les champs dé-
trempés de Bethel, à 100 km de Wood-
stock, pour faire de la côte Est l’épicentre
de la contestation. Cette génération-là a
bien vieilli mais, comme le couple em-
blématique du festival toujours réuni un
demi-siècle plus tard, elle est toujours fi-
dèle à ses idéaux de paix et d’amour.

MILITANTÉCOLO,ILS’ÉTAITUN
TEMPSRETIRÉDANSLEMONTANA
Peter Fonda ne transigera jamais avec
ses valeurs. Il n’aime pas les grands stu-
dios. Il se détourne de l’industrie du ci-
néma. Il tourne quelques films vite ou-
bliés. Serait-ce l’homme d’une seule
œuvre, comme indiqué ci-dessus? Pas
tout à fait car son rôle de vétéran du
Vietnam en 1998 dans « L’or de la vie »
de Victor Nuñez lui rapporta une nomi-
nation aux Oscars et le Golden Globe du
meilleur acteur. Ce merci de la vie arriva
tardivement. Car, de toute façon, les jeux
étaient faits : Peter Fonda restera éter-
nellement ce mec un peu barge sur son
chopper.
Retiré dans le Montana après son ma-
riage avec Portia Rebecca Crockett (sa 2e
femme), il avait acheté deux ranchs pour
fuir l’agitation médiatique et la volaille
hollywoodienne avec laquelle il refusait
de frayer. Opposant à Donald Trump,
Peter Fonda (qui est le père de Bridget
Fonda) n’a pas varié de sa trajectoire.
« Pendant que nous pleurons la perte de
cet homme doux et gracieux, nous sou-
haitons aussi célébrer son esprit indomp-
table et son amour de la vie. En l’hon-
neur de Peter, portez un toast à la liber-
té », a fait savoir sa famille.
Bernard Meeus

DR

Le biker-hero de


« Easy Rider » s’est


éteint à 79 ans en


Californie. Il resta


tout au long de sa


vie l’emblème de la


contre-culture


américaine.


Peter Fonda,


l’éternel rebelle


Peter Fonda (à g.) et Dennis Hopper, les deux
bikers mythiques d’« Easy Rider ». Isopix

Décès

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