Le Soir Magazine Du 23 Août 2019

(Martin Jones) #1
La dernière aube ★★
Ce premier livre
d’une auteure belge
de Limal nous ra-
mène en 1904, aux
quatre coins du
monde : New York,
Paris, Shanghai,
mais aussi
Bruxelles, sur les
pas d’une famille de
notables juifs hol-
landais tourmentés
par l’Histoire. Les Hartogs vivront les pires
événements de la première moitié du XXe
siècle mais ils partageront aussi des pas-
sions, des amours... et des trahisons. On se
plonge avec eux dans ce roman humaine-
ment dense, preuve d’une passion pour les
mots qui tissent plusieurs destins.
B.M.
Par Rebecca Nicais, éd. Dricot, 553 p.,
25 euros.

Femme sauvage ★★★
En cette époque où
la planète semble
plus menacée que
jamais, le récit de
Tom Tirabosco
résonne étrange-
ment. L’auteur
italien nous ra-
conte cette jeune
femme qui fuit
l’apocalypse ur-
baine et part re-
joindre les rebelles dans le nord. Mais re-
vivre dans la nature est un défi et un danger
d’autant plus grand qu’elle est enceinte. Elle
va trouver une surprenante aide en la per-
sonne d’une géante. Un récit noir et capti-
vant de fin du monde qui interroge sur les
défis écologiques et les choix de vie.
J.S.
Par T. Tirabosco, éd. Futuropolis, 240 p.,
25 euros.

Soif ★
C’est la nouveauté
annuelle d’Amélie
Nothomb. Cette
fois, elle se met
dans la tête du
Christ, la veille de
sa crucifixion.
Pourquoi tant de
haine et d’incom-
préhension? Est-
ce une bonne idée
de se sacrifier?
Les hommes ne
sont-ils pas ingrats? Résultat, on sort très
décontenancé de ce récit court et vite lu!
B.M.
Par Amélie Nothomb, éd. Albin Michel, 162 p.,
17,90 euros.

« La similitude engendre


la rivalité »


Joséet Jean-Benoît Frèches sont nés le
25 juin 1950 à Dax en France. Toute leur
vie, ces jumeaux monozygotes ont
entretenu une relation fusionnelle
teintée de rivalités, laissant peu de
monde s’immiscer dans leur « couple »,
où le premier était considéré comme
l’artiste et le second l’intellectuel. Si
semblables mais pourtant différents...
Persuadés qu’ils avaient encore la vie
devant eux, José fut bouleversé par la
mort de son frère à l’âge de 61 ans, des
suites d’un cancer du rein. L’auteur
évoque avec émotion sa vie, avec et
sans son « pareil ».
Après le décès de votre frère, comment
vous êtes-vous rendu compte que vous
vouliez mettre par écrit votre histoire?
Je suis écrivain, alors le choix de
l’écriture a été évident. Après sa mort,
je me suis assez vite rendu compte que
j’avais besoin de raconter notre vie.
Mais entre l’envie et la décision
définitive, il s’est passé beaucoup de
temps, car j’étais lancé dans d’autres
projets. Quoi qu’il en soit, cela me
trottait dans la tête en permanence et à
un moment, je me suis dit : « Il faut y
aller. » De plus, la gémellité est un sujet
mystérieux et passionnant. Je dirais que
cet exercice a été nécessaire à défaut
d’être salutaire.
Qu’est-ce que cela vous a apporté ?De
comprendre qui je suis et ce qui m’est
arrivé. L’écriture est un arrêt, une pause,
un regard dans le rétroviseur. Moi, j’ai
plutôt tendance à aller de l’avant, je ne
m’étais jamais trop préoccupé du passé.
Mais remuer celui-ci m’a permis de
comprendre aussi celui que je suis
devenu depuis que Jean-Benoît est parti.
Avant, j’étais en connexion permanente
avec mon jumeau et c’était naturel.
Quand j’ai perdu ce lien, tout a changé.
Est-ce que cela a été difficile de vous
replonger dans vos souvenirs ?Cela n’a
pas été facile mais j’ai essayé d’être le
plus honnête possible. J’ai décrit la

vérité sans jouer un rôle pour tirer la
couverture à moi. Et je devais cette
honnêteté à mon frère qui n’est plus là.
Pour parler de votre relation, vous
utilisez le mot fort de « couple »...En
effet, car tous les jumeaux forment un
couple. C’est inéluctable vu que nous
apprenons tout ensemble et que notre
relation est très forte.
Vous évoquez aussi une rivalité
permanente entre vous...C’est
inévitable. La similitude engendre la
rivalité. Forcément, si Jean-Benoît faisait
quelque chose que moi je n’avais pas
fait, je me disais : « Pourquoi je ne le
ferais pas aussi? » Nous étions
semblables, alors c’était difficile à
accepter que nous puissions avoir des
aptitudes ou des goûts différents. Cela
génère donc une compétition
particulière, mais pas dans la volonté
d’écraser l’autre.
Finalement, avoir un jumeau, est-ce un
bonheur ou une malédiction? Les deux,
car c’est un grand bonheur au quotidien,
mais un grand malheur quand l’un des
deux part, ce que tout couple de
jumeaux connaît un jour. Et puis nous
vivons aussi la malédiction des
minorités, nous sommes obligés de nous
débrouiller dans un monde où la
gémellité n’est pas la norme. Nous
sommes environ 15 millions sur
7 milliards d’individus.
Le deuil vous paraît inatteignable ?Oui,
il est impossible pour moi, car je ne le
recherche pas. Si on a un attachement
énorme pour une personne, pourquoi
faire le deuil? Et puis, qu’est-ce que
faire le deuil? Si c’est dans le sens de ne
plus y penser, loin de moi cette idée. Je
veux continuer à penser à mon frère et
continuer à ressentir ma peine de ne
plus l’avoir à mes côtés.
Que voulez transmettre avec ce livre?
J’ai écrit pour tous les jumeaux qui ont
perdu leur « pareil ». Je veux leur
montrer qu’il est possible de s’adapter
et de continuer à vivre malgré la perte.
Propos recueillis par Eloïse Dewallef

Livres


José Frèches nous raconte l’histoire de
jumeaux inséparables... jusqu’à la mort.

« Nous étions
deux », par
José Frèches,
XO éditions,
206 p., 17,90
euros.

DR

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