Le Soir Magazine Du 23 Août 2019

(Martin Jones) #1

La face sombre des stars (3)


« Pour mon bon copain Charlie, de la part de son ami


Frank. » Telle était l’inscription sur l’étui à cigarettes en or


que Sinatra aurait offert au parrain de la mafia


new-yorkaise en 1946.


visJr, Sinatraseproduisaitrégulièrement
dansleclubprivédeGiancana,situéau
beaumilieudenullepartdansl’Illinois.Si
riennepermetdepenserquelecrooner
prenaitpart aux opérations du syndicat
ducrime,ilprofitaitdelaréputationde
« dur »quesesamisgangstersluiconfé-
raient,tandisquelesmafiosis’offraientun
airderespectabilitéens’affichantavecles
plusgrandesvedetteshollywoodiennes.
Sinatra comptait sur ses gorilles italo-
américainspourse fairerespecter,voire
pourterminerlesbagarresqu’ilcommen-
çait, mais aussi pour veiller sur ses
proches. En 1968, un « consigliere »
(conseiller)del’acteurrenditvisiteà Peter
Bart,producteurà laParamountquisu-
pervisait« Rosemary’sBaby »,ledernier
projetdeRoman Polanski.L’homme de
mainprévintBartquesiMiaFarrow, 23
ansetdernièreépouseendatedeSinatra,
n’étaitpastraitéecommesonmari,c’est-
à-direquesilenombredeprisespourses
scènesn’étaitpaslimitéà deux,leproduc-
teur risquait de perdre l’usage de ses
jambes.Enfindecompte,leproducteur
nesefitpascasserlesjambes...
Lors de sa campagne présidentielle de
1960,JohnF.Kennedynepartaitpasga-
gnantauprèsdel’électoratdel’Illinois,car
quelques années auparavant, son frère

Bobbys’étaitmisà dos une grande partie
destravailleursdecetÉtat clé en tentant
defaireleménageau sein des syndicats
infiltrésparlamafia.D’après Tina Sina-
tra,la plusjeune fille de Frank, Joseph
Kennedy invita lecrooner à soutenir la
candidaturedeJFKen public, mais aussi
encoulisses,enl’aidant à obtenir les voix
dessyndicalistescontrôlés par Sam Gian-
canalors delaprimaire démocrate. Peu
rancunier, Giancana accepta et passa
« quelquescoupsdefil »pour arranger la
situation.Lavictoirede Kennedy en Illi-
noisetdans d’autresÉtats réputés pour
leur présence d’organisations mafieuses
futsi nettequeplusieurs journalistes affir-
mèrentqueSamGiancana et Sinatra par
lamêmeoccasionavaient permis à JFK
d’accéderà laMaison-Blanche.
En1960,Frank Sinatra avait acheté des
partsdanslecasinoethôtel Cal Neva, qui
setrouvaità chevalsur la frontière entre
la Californie et leNevada. Mais à l’été
1963,il sefitdéjàretirer son permis de
gestionnaire de casino. La presse avait
rapporté que Sam Giancana, qui s’était
fait interdire l’entrée des établissements
decetype,avaitséjourné dans l’établisse-
mentde son ami et la commission des
jeuxd’argentdel’État somma Sinatra de
s’expliquer.
Quandcederniersequerella avec le pré-
sidentdelacommission pendant leur en-
trevue,il futforcé derevendre ses parts
dansleCalNeva.En1981, après deux dé-
cenniesà l’écartdesjeux d’argent, Frank
Sinatra tenta de récupérer son permis.
Devantlacommissionde contrôle, Grego-
ryPeck,KirkDouglas,Bob Hope et même
leprésidentReagan assurèrent tous que
Sinatran’avaitaucunlien avec le monde
ducrimeorganisé.Quand Sinatra admit
connaître Sam Giancana personnelle-
ment,maisaffir-
ma n’avoir ja-
mais trempé
danssesaffaires,
la commission
lui accorda un
permis de
consultant au-
près du casino
Caesar’sPalace.
Dimitri
Timacheff

Frank Sinatra était régulièrement dans le
collimateur des autorités... Belgaimage

Les « bons copains »


de Frank Sinatra


Cette anecdote, parmi tant d’autres, a
contribué à la légende des relations ma-
fieuses de la star, mais à la fin des années
1940, tant sa carrière de chanteur que sa
carrière d’acteur battaient de l’aile et Sina-
tra n’avait que faire de son image...
En 1952, Sinatra se vit offrir le rôle de
Maggio dans « Tant qu’il y aura des
hommes », qui lui valut un Oscar du
meilleur second rôle et ressuscita sa car-
rière d’acteur, mais aussi de chanteur. La
légende veut que Harry Cohn, le président
de la Columbia, ne voulût pas de ce « trou
du cul maigrichon » dans son film, mais
qu’il s’était laissé convaincre par la cam-
pagne de harcèlement du mafieux Johnny
Rosselli, fraîchement sorti de prison.
Avant de partir officier dans la construc-
tion de casinos à Las Vegas, Rosselli
connut son petit succès en tant que pro-
ducteur de films noirs de série B à la fin
des années 1940 et grâce à son expérience
d’ex-tortionnaire, sa réputation de redou-
table gangster n’était plus à faire à Holly-
wood.
Si sa relation avec Ava Gardner passionna
la presse pendant un temps, Frank Sinatra
fit surtout parler de lui pour ses liens avec
la mafia, en particulier le parrain Sam
Giancana, de Chicago. Avec ses amis du
« Rat Pack », Dean Martin et Sammy Da-

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