Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

(coco) #1
votre semaine radio

Les Grandes Espérances, ou la vision cynique d’une ascension sociale par l’écrivain anglais.

110 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas écouté... à tenter


Le ta bLe au


noir de dickens


Cent vingt comédiens mettent en voix l’univers victorien de l’auteur. Du Kent


à Londres, le suspense monte, au gré d’une partition de piano magnifique.


Ce n’est donc pas un hasard si France


Culture a choisi, pour adapter l’in-


trigue en feuilleton sonore, une ro-


mancière férue de polars. « J’ai une


véritable passion pour Dickens, qui


jongle si bien avec le trivial et le poé­


tique. J’adore sa façon d’entretenir un


suspense insoutenable tout en nous


livrant petit à petit des clés de lecture »,


s’enthousiasme la scénariste et tra-


ductrice Sylvie Granotier, qui a tra-


vaillé à partir du texte anglais parce


que « les traductions déjà existantes


donnaient plus à entendre une époque


que la diversité des personnages ima­


ginés par Dickens ».


Pour retranscrire toutes les cou-


leurs victoriennes des protagonistes


— la naïveté tendre du beau-frère, Joe


Gargery, le ton coupant de l’homme


de loi M. Jaggers ou la cruauté mélan-


colique de la vieille Miss Havisham —,


la réalisatrice Juliette Heymann a pu


compter sur une distribution particu-


lièrement réussie. Les quelque cent


vingt  comédiens embarquent immé-


diatement l’auditeur dans leurs dialo-


gues très rythmés. Jacques Gamblin


notamment, qui incarne Pip devenu


vieux, excelle en narrateur à la fois


drôle, sage et caustique.


La fiction, divisée en quinze épi-


sodes, nous promène des marais


inquiétants du Kent, cachette des for-


çats en cavale, jusqu’à l’ambiance


feutrée des soupers londoniens...


Qualité indéniable du feuilleton :


la partition de piano magnifique com-


posée par Denis Chouillet, qui porte


la quête de soi de l’apprenti gentle-


man déraciné de son milieu social


originel. Les génériques —  trois dif-


férents — suivent d’ailleurs la progres-


sion émotionnelle du héros, de l’es-


poir à la désillusion.


« Pip est l’objet plutôt que le sujet de


cette histoire, en fait horrible, s’émeut


la réalisatrice. Il est la créature de son


protecteur mystérieux, qui le fait gentle­


man sans lui demander son avis. Pip est


finalement un gamin ballotté par la vie,


qui existe par les autres... » On ne peut


que s’attendrir du destin de ce héros


marionnette bringuebalé dans les


méan dres d’une ascension sociale qui,


sous la plume de Dickens, prend une


tournure souvent plus cynique que


merveilleuse. — Elise Racque


| 15 × 25 mn. Episodes en ligne dès


le 26 août. Réalisation : Juliette


Heymann. Conseillère littéraire :


Emmanuelle Chevrière.


Naître pauvre, gran-


dir orphelin et battu,


mais avoir tout de


même pour sa vie de


grandes espérances.


Espérer la fortune,


le monde des gentle-


men, l’amour des jeunes filles très


belles et très arrogantes... Quoi de plus


ordinaire que l’itinéraire de Pip, le


jeune héros mis en scène par Charles


Dickens en 1861? Les Grandes Espé­


rances est pourtant loin d’être un


simple roman d’apprentissage : les


personnages traditionnels de la comé-


die sociale y croisent ceux, plus


troubles et menaçants, d’un thriller


riche en rebondissements.


y
Les Grandes
Espérances
Du 26 août
au 13 septembre
20.30
France Culture

Télérama 3632 21 / 08 / 19
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