12
Salto, la plateforme vidéo portée par France Télévisions,
M6 et TF1, sera lancée début 2020. Elle a pour objectif
de contrecarrer la progression record de Netflix en France.
Avec toutefois un budget bien plus serré.
Qu’est-ce que c’est?
Salto est une plateforme vidéo fondée par France Télévi-
sions, M6 et TF1. Début 2020, elle proposera des programmes
exclusifs en streaming, en plus de ses chaînes disponibles en
direct et d’un accès en replay à ses émissions, le tout pour un
abonnement mensuel compris entre 2 et 8 euros. Ce réveil
de l’audiovisuel français intervient alors que l’offre de la
SVOD n’a jamais été aussi pléthorique. Dominé par Netflix et
ses plus de 5 millions d’abonnés, le marché est secoué par
plusieurs turbulences. Le cas Canal+ d’abord, qui a perdu
quatre-vingt-dix mille abonnés sur les trois derniers mois. Et
les arrivées imminentes d’Apple TV+ (automne 2019), puis du
mastodonte Disney+ (deuxième semestre 2020).
A quand remonte le projet?
La piste d’une collaboration européenne avait été explorée
par France Télévisions dès 2015, avant d’être abandonnée.
En se tournant vers les chaînes privées M6 et TF1, France
Télévisions entendait s’inspirer de Hulu, la plateforme des
grandes chaînes américaines. Aux tractations internes s’est
greffée la grogne des opérateurs de télécoms et des distri-
buteurs. Molotov ou encore Free craignaient que le triumvi-
rat France Télévisions, M6, TF1 ne verrouille un peu plus
l’accès à leurs chaînes. Depuis l’annonce de son lancement,
en juin 2018, Salto est ainsi passée par plusieurs étapes de
validation : un examen européen, celui du Conseil supé-
rieur de l’audiovisuel (CSA), et enfin l’aval définitif, le lundi
12 août, de l’Autorité de la concurrence.
Netflix doit-il trembler?
L’attractivité de la future plateforme française n’est pas ac-
quise. Avec 5 millions d’euros injectés par chacun des trois
groupes, Salto est loin de rivaliser avec Netflix, dont le bud-
get consacré à la production originale s’élève à 15 milliards de
dollars en 2019. Pour séduire ses futurs abonnés, ce petit pou-
cet de la VOD devra aussi composer avec les restrictions im-
posées par l’Autorité de la concurrence. Pour éviter un abus
de position dominante, les trois chaînes se sont engagées à li-
miter les achats couplés à destination de leurs antennes et
d’Internet. Les contenus acquis en exclusivité auprès des
maisons mères ne pourront pas non plus représenter plus de
40 % du volume horaire de Salto. Le tout sans aucune promo-
tion gratuite sur leurs antennes... — Jérémie Pellet
DéCryPTAgE
LE NETFLIx
FrANçAIS
PAr T- I L
PErDANT?
LE PLuS bEAu
DES AFFrEux jOjOS
Dans le tableau de famille du cinéma
français, jean-Pierre Mocky, mort le 8
août dernier à 90 ans, occupait une
drôle de place. Celle, « nécessaire », di-
sait le critique jean-Louis bory, « de
l’affreux jojo qui tire la queue du chat
[...], annonce à table que la grande
sœur couche avec le cousin militaire,
pousse dans l’escalier le fauteuil rou-
lant du grand-père paralytique » et
« glisse du poil à gratter dans tous les
slips ». En soixante ans de carrière
derrière la caméra et encore plus de
longs métrages (difficile d’en tenir le
compte exact, tant l’homme tournait
à toute allure...), cette grande (et
belle) gueule s’est attaquée à toutes
les hypocrisies, toutes les tares, toutes
les injustices de la société française,
de la corruption politique (l’un de ses
thèmes de prédilection, quel que soit
le parti au pouvoir) à la violence des
supporters — A mort l’arbitre !, 1984 —
en passant par l’abrutisse ment télévi-
suel — La Grande Lessive (!), 1969. Le
plus souvent à travers des farces sati-
riques volontiers grivoises, mais aus-
si via des polars sombres et mélanco-
liques dans lesquels le cinéaste, bon
acteur à ses débuts, incarnait lui-
même les redresseurs de torts, à
l’image du journaliste d’Un linceul n’a
pas de poches (1974).
Sa production pléthorique des
vingt-cinq dernières années, par trop
bâclée — et, souvent, à la limite du
regardable —, ne doit pas occulter les
réussites, nombreuses, des trente-
cinq premières. A commencer par son
sens du casting explosif, qui faisait
cohabiter avec brio des stars à contre-
emploi (bourvil, Michel Serrault,
Catherine Deneuve...) et des « trognes »
impayables au jeu pour le moins déca-
lé (les fidèles jean-Claude rémoleux et
jean Abeillé). — Samuel Douhaire
Qui? CoMMENT? PourQuoi?
Jean-Pierre Mocky
dans La Tête contre
les murs (1959),
de Georges Franju.
ATICA-ElpEnor-SIrIuS
Télérama 3632 21 / 08 / 19