Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

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Salto, la plateforme vidéo portée par France Télévisions,


M6 et TF1, sera lancée début 2020. Elle a pour objectif


de contrecarrer la progression record de Netflix en France.


Avec toutefois un budget bien plus serré.


Qu’est-ce que c’est?


Salto est une plateforme vidéo fondée par France Télévi-


sions, M6 et TF1. Début 2020, elle proposera des programmes


exclusifs en streaming, en plus de ses chaînes disponibles en


direct et d’un accès en replay à ses émissions, le tout pour un


abonnement mensuel compris entre 2 et 8 euros. Ce réveil


de l’audiovisuel français intervient alors que l’offre de la


SVOD n’a jamais été aussi pléthorique. Dominé par Netflix et


ses plus de 5 millions d’abonnés, le marché est secoué par


plusieurs turbulences. Le cas Canal+ d’abord, qui a perdu


quatre-vingt-dix mille abonnés sur les trois derniers mois. Et


les arrivées imminentes d’Apple TV+ (automne 2019), puis du


mastodonte Disney+ (deuxième semestre 2020).


A quand remonte le projet?


La piste d’une collaboration européenne avait été explorée


par France Télévisions dès 2015, avant d’être abandonnée.


En se tournant vers les chaînes privées M6 et TF1, France


Télévisions entendait s’inspirer de Hulu, la plateforme des


grandes chaînes américaines. Aux tractations internes s’est


greffée la grogne des opérateurs de télécoms et des distri-


buteurs. Molotov ou encore Free craignaient que le triumvi-


rat France Télévisions, M6, TF1 ne verrouille un peu plus


l’accès à leurs chaînes. Depuis l’annonce de son lancement,


en juin 2018, Salto est ainsi passée par plusieurs étapes de


validation : un examen européen, celui du Conseil supé-


rieur de l’audiovisuel (CSA), et enfin l’aval définitif, le lundi


12 août, de l’Autorité de la concurrence.


Netflix doit-il trembler?


L’attractivité de la future plateforme française n’est pas ac-


quise. Avec 5 millions d’euros injectés par chacun des trois


groupes, Salto est loin de rivaliser avec Netflix, dont le bud-


get consacré à la production originale s’élève à 15 milliards de


dollars en 2019. Pour séduire ses futurs abonnés, ce petit pou-


cet de la VOD devra aussi composer avec les restrictions im-


posées par l’Autorité de la concurrence. Pour éviter un abus


de position dominante, les trois chaînes se sont engagées à li-


miter les achats couplés à destination de leurs antennes et


d’Internet. Les contenus acquis en exclusivité auprès des


maisons mères ne pourront pas non plus représenter plus de


40 % du volume horaire de Salto. Le tout sans aucune promo-


tion gratuite sur leurs antennes... — Jérémie Pellet


DéCryPTAgE


LE NETFLIx


FrANçAIS


PAr T- I L


PErDANT?


LE PLuS bEAu


DES AFFrEux jOjOS


Dans le tableau de famille du cinéma


français, jean-Pierre Mocky, mort le 8


août dernier à 90 ans, occupait une


drôle de place. Celle, « nécessaire », di-


sait le critique jean-Louis bory, « de


l’affreux jojo qui tire la queue du chat


[...], annonce à table que la grande


sœur couche avec le cousin militaire,


pousse dans l’escalier le fauteuil rou-


lant du grand-père paralytique » et


« glisse du poil à gratter dans tous les


slips ». En soixante ans de carrière


derrière la caméra et encore plus de


longs métrages (difficile d’en tenir le


compte exact, tant l’homme tournait


à toute allure...), cette grande (et


belle) gueule s’est attaquée à toutes


les hypocrisies, toutes les tares, toutes


les injustices de la société française,


de la corruption politique (l’un de ses


thèmes de prédilection, quel que soit


le parti au pouvoir) à la violence des


supporters — A mort l’arbitre !, 1984  —


en passant par l’abrutisse ment télévi-


suel — La Grande Lessive (!), 1969. Le


plus souvent à travers des farces sati-


riques volontiers grivoises, mais aus-


si via des polars sombres et mélanco-


liques dans lesquels le cinéaste, bon


acteur à ses débuts, incarnait lui-


même les redresseurs de torts, à


l’image du journaliste d’Un linceul n’a


pas de poches (1974).


Sa production pléthorique des


vingt-cinq dernières années, par trop


bâclée —  et, souvent, à la limite du


regardable —, ne doit pas occulter les


réussites, nombreuses, des trente-


cinq premières. A commencer par son


sens du casting explosif, qui faisait


cohabiter avec brio des stars à contre-


emploi (bourvil, Michel Serrault,


Catherine Deneuve...) et des « trognes »


impayables au jeu pour le moins déca-


lé (les fidèles jean-Claude rémoleux et


jean Abeillé). — Samuel Douhaire


Qui? CoMMENT? PourQuoi?


Jean-Pierre Mocky
dans La Tête contre
les murs (1959),
de Georges Franju.

ATICA-ElpEnor-SIrIuS

Télérama 3632 21 / 08 / 19
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