Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

(coco) #1
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julia lamoureux | 


anna


mano | château de gargilesse | atelier de barcelo par


jean-marie


del


moral/


adagp,


paris 2019 | 


shanna


besson/Why


not


productions


| Ed. Gallimard,


280 p., 19,50 €


(en librairies


le 29 août).


cette semaine, nous sommes...


impatients...


Frappés séduits


Grisés Fascinés


RentRée littéRaiRe 1/2


... de découvrir la flamboyance de léonora miano, la complexité de marie


darrieussecq, l’étrangeté des voix plurielles de laurence nobécourt...


arnaud desplechin dans un registre


inhabituel, avec Roubaix,


une lumièRe, polar métaphysique.


aux frontières de la fanfare,


du jazz et de la chanson,


l’éclectique boucan déménage.


Quand les collectionneurs


d’aujourd’hui se prêtent au jeu


des cabinets de cuRiosités.


a l’époque romantique, quelques


peintres contribuent à la naissance


du paysage fRançais, dans le berry.


extrait


« – Saviez-vous que j’avais également perdu un enfant?



  • Non. Si je l’avais su, je ne vous aurais rien dit, sans


doute, de la mort de mon fils (...).



  • Une petite fille. Marigold. Un nom de fleur. Une


grande fleur d’un jaune éclatant. Les Français la


nomment “souci” » parce qu’elle suit le soleil. Nous


avions choisi ce prénom pour l’or de ses cheveux. Mais


nous la surnommions : “Duckadilly”. Elle n’avait pas


trois ans. Ma femme et moi, nous étions en voyage.


La gouvernante a cru à une banale maladie d’enfant.


Elle n’y a pas survécu.



  • Il y a longtemps?

  • Un peu plus de trente ans, maintenant. Mais à chaque


fois que j’y pense, j’ai l’impression que c’était hier.


Pourtant je n’en parle jamais avec mon épouse. Elle


le souhaiterait sans doute. Pas une fois je n’ai abordé


le sujet avec elle. Je préfère penser qu’elle a oublié... »


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et de sa vanité, de l’art — c’est que


Churchill se pique de posséder un


talent de peintre, qu’il exerce princi-


palement en représentant sans fin le


bassin de poissons rouges qu’il a fait


creuser à Chartwell. Les deux hommes


ont en commun, ils le découvrent, et le


spectateur l’apprend, d’avoir chacun


perdu un enfant. Cela ne crée entre


eux nulle connivence, mais cela


éclaire le choix de Philippe Forest d’en


avoir fait les acteurs de cette représen-


tation, de cet admirable roman que sa


forme exigeante exhausse en fantas-


magorie poignante autant qu’en médi-


tation sur les ténèbres et le néant.


Depuis L’Enfant éternel (1997), son


premier récit, une absence, comme


« un trou au ventre », occupe le centre


de tous les livres de Philippe Forest :


elle s’appelait Pauline, elle avait 3 ans


lorsqu’elle est morte, c’était l’enfant


de l’écrivain. Cette mort est le point


fixe, le motif sans cesse repris d’une


œuvre romanesque qui pourtant, de


Sarinagara (2004) à L’Oubli (2018) en


passant par Le Siècle des nuages (2010)


ou Le Chat de Schrödinger (2013), ne


cesse de se renouveler, de se dépayser


et de se déployer — successivement


vers le récit intimiste, l’épopée fami-


liale et historique, le roman philoso-


phique, le conte d’anticipation. Je reste


roi de mes chagrins, au titre sublime


emprunté au Richard  II de Shake-


speare, en est la nouvelle variation.


D’où vient la douceur qu’elle distille,


alors même qu’y court l’inébranlable


certitude que « “rien” est le dernier mot


du monde »? — Nathalie Crom


1 Au peintre, il a consacré récemment le


bel essai Rien que Rubens, éd. RMN (2017).


Télérama 3632 21 / 08 / 19
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