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cinéma
Edith Scob,
dans le cauchemar
clinique de
Georges Franju
(1960).
SouS le Scalpel
de Franju
L’auteur des Yeux sans visage n’était pas tant attiré par le fantastique que
par l’insolite. Et ne cachait pas sa passion pour les documentaires médicaux.
angoisse en noir et
blanc : horreurs noc-
turnes et masque
blême, impassible,
posé sur les bles-
sures d’une jeune fille défigurée. le
massacre de sa beauté, après un acci-
dent de voiture, en entraîne d’autres.
Son père est chirurgien, avec un zeste
de docteur Frankenstein : il enlève des
femmes et leur vole leur visage au scal-
pel, pour l’offrir à sa précieuse pa-
tiente. Mais aucune greffe ne prend.
alors il recommence...
la greffe de l’épouvante n’a pas pris
non plus, pas tout de suite. Il faudra at-
tendre des cinéastes comme john car-
penter, George romero ou même
pedro almodóvar (dans La Piel Que Ha-
bito) pour que Les Yeux sans visage, de
Georges Franju, déploie son influence
majeure à l’écran. Mais en 1960, sorti
en marge de la nouvelle Vague, ce chef-
d’œuvre singulier, scintillant entre réa-
lité et cauchemar, occupait seul une ré-
gion trouble et presque déserte du
cinéma français. Film de genre, unique
en son genre, que son réalisateur refu-
sait d’appeler « fantastique » : « Ce n’est
pas le fantastique qui m’attire, c’est l’in-
solite, confiait-il aux Cahiers du cinéma
en 1986. Le fantastique est dans la forme.
Il se crée. Alors que l’insolite est dans les
situations. Il ne se crée pas, il se révèle. »
Grâce à cet art de débusquer l’étrange
sous l’écaille rugueuse de l’ordinaire
(« Je serais beaucoup plus effrayé par une
poignée de porte que par des Martiens »,
plaisantait-il), Georges Franju s’est ap-
proprié ce qui n’était, au départ, qu’un
film de commande. pierre Brasseur
joue le chirurgien, et, sous le masque,
une jeune première encore inconnue
crève l’écran : edith Scob (disparue en
juin dernier), future égérie du réalisa-
teur, de Thérèse Desqueyroux à Judex,
apporte cette mélancolie, cette grâce
inquiétante qui ne cessera de captiver
le regard, tout au long de sa carrière.
Surtout, Franju invente pour Les
Yeux sans visage une atmosphère sus-
pendue, une forme de terreur à la fois
onirique et clinique, en partie inspirée
par sa fascination pour la science. Fon-
dateur de la cinémathèque française
avec Henri langlois en 1935, l’homme
avait pour film de chevet un documen-
taire médical, intitulé Trépanation
pour crise d’épilepsie bravais-jackso-
nienne (Thierry de Martel, 1940) : « Le
malade souriait. La boîte crânienne
sciée, le crâne ouvert, le cerveau, conges-
tionné, sortit par l’ouverture. Le malade
souriait toujours. Le chirurgien cher-
cha la tumeur. Elle apparut dans une
masse grise. Il en pratiqua l’ablation,
cautérisa. La brûlure de l’hémostase
émit une fumée comme chez le Dr Faust
et le malade souriait encore. [...] Voilà
un film d’épouvante. J’ajoute qu’il était,
plastiquement, d’une réelle beauté. » 1
Vous avez dit insolite? — Cécile Mury
1 Entretien extrait de Georges Franju :
impressions et aveux, de Marie-Magdeleine
Brumagne, éd. L’Age d’Homme, 1990.
y
Les Yeux
sans visage
Mercredi 1.45
Arte
Télérama 3632 21 / 08 / 19
Frankie
Un film d’Ira Sachs
Frankie, célèbre actricefrançaise, se sait
gravementmalade. Elledécidede passer
ses dernières vacances entourée de ses
proches, à Sintra au Portugal.
Invitationpourle filmFrankie,
sortie au cinémale 28 août.
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sorties