Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

(coco) #1
mardi

78 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas vu mais... faut voir


tnt


y 23.20 Arte Documentaire

Selfie


Avoir 16 ans à Naples
| Documentaire d’Agostino Ferrente (Italie, 2019) | 80 mn. Inédit.
Dans le quartier napolitain de Traiano, aux mains de la Camorra,
Alessandro, 16 ans, le visage poinçonné par l’acné, bosse dans un
bar en bas de chez lui. D’une main sûre, il conduit son scooter
tout en maintenant, de l’autre, des tasses de café fumant sur un
plateau. Pas une goutte ne gicle. Complexé par sa forte corpu-
lence, son meilleur ami, Pietro, 16 ans, rêve de devenir coiffeur,
mais ne trouve pas d’emploi. Unis face à l’adversité, inséparables
en dépit des vannes et moqueries qu’ils se balancent, les deux
jeunes tentent de surmonter le deuil de leur copain Davide, tué
par un carabinier alors qu’il roulait de nuit à mobylette.
L’image tremble souvent, la lumière est approximative, le
cadrage loupé : rien d’étonnant puisque les protagonistes, néo-

r 21.05 France 3 Série

Soupçons


| Série de Lionel Bailliu (saison 1, 1 et 2/6, Fr, 2019)
| 2 × 55 mn. Inédit | Avec Julie Gayet,
Bruno Debrandt, Thomas Jouannet.
Victoire, une institutrice qui se remet
tout juste d’une opération du cœur, vient
s’installer avec son mari, Samuel, et leurs
deux enfants dans le sud de la France. Elle
y tombe sur Florent, son amour de jeu-
nesse, qui a lui aussi fondé une famille. In-
capables de résister l’un à l’autre, les deux
anciens amants renouent en secret. Mais
alors qu’ils ont pris la décision de l’avouer
à leurs conjoints respectifs, Marion, la
femme de Florent, s’évanouit mystérieu-
sement dans la nature.
Adultère, soleil méridional, dispari-
tion inexpliquée... Cette saga de fin de
l’été coche à peu près toutes les cases du
genre. Ça peut être divertissant si l’on est
bien luné ou fan de Julie Gayet. Mais le
rythme poussif de ce thriller particuliè-
rement avare en rebondissements et à
l’intrigue convenue risque d’en rebuter
plus d’un. — Pierre Ancery

y 21.05 Canal+ Film

Blade Runner 2049


| Film de Denis Villeneuve (USA/GB/Canada, 2017) | Scénario : Michael
Green et Hampton Fancher, d’après Philip K. Dick | 155 mn. VM
| Avec Ryan Gosling (K), Harrison Ford (Rick Deckard), Robin Wright
(le lieutenant Joshi), Jared Leto (Niander Wallace), Ana de Armas (Joi).
| GeNRe : Néo-BAByLoNIeN.
Depuis le premier Blade Runner, la société s’est encore plus rigi-
difiée. Une entreprise toute-puissante a perfectionné les « répli-
cants », ces androïdes parfois plus qu’humains. Certains d’entre
eux, jugés dangereux, sont traqués par l’officier d’élite K...
Réunir contemplation et action : c’est le défi un peu fou de ce
Blade Runner 2049, qui privilégie le plan-séquence hypnotique
pour nous embarquer dans un Los Angeles vertical, cerné de
brouillard et de neige. Une bulle de verre bleutée dans laquelle K
évolue en somnambule. Le pouvoir est désormais entre les mains
d’une sorte de secte transhumaniste, barricadée dans ses délires
de renaissance de l’espèce, reléguant à la périphérie ceux qui
meurent de faim. Entre cérémonie et démesure (au risque de l’en-
flure), ce nouvel opus n’est pas joyeux. Il captive par sa splendeur
visuelle et architecturale, tient de l’exploration intérieure, de la
rêverie violente. Une cérémonie sombre qui agrège anticipation
et archéologie — y compris cinématographique, Denis Villeneuve
glissant lui-même des hommages à des maîtres, de Tarkovski à
Kubrick. Combat titanesque sur fond de déluge, le final offre
l’allégorie d’un rêve qui se brise. — Jacques Morice

Ils se filment avec
leur téléphone. Seule
règle : être toujours
au centre de l’image.
Le contraire de leur
quotidien de jeunes
Napolitains : toujours
au second plan...

phytes, se filment à l’arrache avec leur téléphone portable, pro-
longement de leur bras, extrémité de leur main. Mais leurs inter-
ventions en mode selfie délivrent, mieux que des tranches de vie,
des moments de vérité dans un monde sans avenir. La mort tra-
gique de Davide est le prétexte pour narrer leurs rêves et révoltes,
et filmer leur quotidien. Autour d’eux gravitent d’autres jeunes :
à 16 ans, la jolie Sara se dit prête à attendre « pendant dix ans » son
fiancé emprisonné ; ou toute la vie « s’il prend perpète ». De jeunes
camorristes et trafiquants de drogue exhibent leurs gros calibres,
tirent en l’air (le quartier détient le record du plus grand nombre
de fusillades à Naples), n’hésitant pas à faire référence à la série
Gomorra (d’après le livre de Roberto Saviano). Une immersion
subjective unique filmée à bout de bras. Mais non sans souffle.
— Emmanuelle Skyvington

Télérama 3632 21 / 08 / 19
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