Télérama Magazine N°3632 Du 24 Août 2019

(coco) #1
88 t On aime un peu... y ... beaucoup u ... passionnément r ... pas du tout I Pas vu mais... faut voir

câble | satellite


u 20.50 Ciné+ Classic Film

Le Mépris


| Film de Jean-Luc Godard (France/Italie, 1963)
| D’après Alberto Moravia | 100 mn
| Avec Brigitte Bardot (Camille), Michel Piccoli
(Paul), Jack Palance (Prokosch), Fritz Lang
(lui-même), Jean-Luc Godard (l’assistant
de Fritz Lang), Giorgia Moll (Francesca Vanini),
Linda Veras (Siren).
| Genre : CheF-D’œuVre MythIque.
Paul est marié à Camille. Subitement, Ca-
mille le méprise, sans donner d’explica-
tion. Pendant que Prokosch, un produc-
teur exubérant, tournicote autour de sa
femme, Paul se plonge dans le travail : le
tournage d’une nouvelle version de l’Odys-
sée, par Fritz Lang, en Italie.
Godard aurait pu baptiser son film
La Nuit américaine, dix ans avant Truffaut.
D’abord parce qu’il précède son confrère
dans la dissection du cinéma, un monde
parallèle tenté d’en envahir un autre,
jaloux et jalousé : la vie. Et surtout parce
qu’il affirme que le cœur des hommes
peut s’assombrir en plein soleil, comme
on peut filmer la nuit en plein jour. Godard
contemple le déclin du cinéma et de
l’amour, irrémédiablement liés. Une
scène  mêle à merveille ces chutes abys-
sales : Prokosch attire Camille vers une
minuscule fenêtre, qui ouvre sur la mer,
réduite à quelques centimètres carrés. In-
consciemment, le producteur balourd
signe l’arrêt de mort du cinéma, remplacé
par la télévi sion, et celui de l’amour de
Camille pour son mari, remplacé par le
fourvoiement infidèle.
Pourtant, jamais ne pointe l’amer-
tume. Godard est un désespéré optimiste.
La magie de ses images, bercées par les
plus beaux échos de violon que Delerue
ait composés, prouve qu’il ne croit pas à la
mort du septième art. Godard a beau
cacher ironiquement le visage de B. B.
derrière des branchages alors qu’elle lit
un ouvrage d’art, son sens du cadrage
prouve combien il sut saisir les vertus
rayonnantes de l’actrice. Déesse vivante,
filmée au côté de statues de l’An tiquité,
elle offre son rôle le plus envoûtant, le
plus énigmatique. — Marine Landrot
rediffusion : 1/9 à 7.25.

y 22.00 Museum Documentaire

Keith Haring, le petit prince de la rue


t 21.00 TV5 Monde Magazine

Complément d’enquête


Les nouveaux profiteurs
de l’immobilier
| Présenté par Jacques Cardoze
|  enquête de Mathieu robert et reportage
d’Irène Bénéfice (Fr, 2019) | 110 mn. rediffusion
| Invités : Samia Ghali (sénatrice PS des
Bouches-du-rhône) et Julien Denormandie
(ministre chargé de la Ville et du Logement).

« Ici, c’est Marseille. On n’est pas à Disney-


land. » L’homme qui s’exprime, visage
flouté, est le propriétaire de plusieurs ap-
partements parmi les quelque 100 000 lo-
gements insalubres que compte la cité
phocéenne. Il ne semble pas perturbé par Marcell

O Mencarini/BridgeMan

iMages

« Des policiers m’ont
infligé des amendes,
d’autres m’ont
passé les menottes
et embarqué...
Au moment de me
relâcher, la plupart
m’ont avoué
qu’ils aimaient bien
mes dessins... »

la mort de huit personnes lors de l’effon-
drement de deux immeubles délabrés,
début novembre  2018, dans le centre-
ville de Marseille. « On rend service à nos
locataires », ajoute, sans honte, celui qui
est accessoirement boulanger. Plusieurs
mois après la catastrophe, les équipes
de Complément d’enquête se sont rendues
sur les lieux. Elles ont rapporté des images
et des témoignages ahurissants permet-
tant de brosser le profil des nombreux
marchands de sommeil de la ville, « une
mafia locale qui pourrit la vie des habi-
tants » et dans laquelle se retrouvent élus
et hauts fonctionnaires...
Cette plongée dans le business du mal-
logement se regarde avec des haut-le-cœur

et suscite la colère. Surtout quand est poin-
tée l’impuissance des municipalités à
contenir le fléau. L’enquête est suivie d’un
reportage édifiant sur les agents immobi-
liers, un métier où tous les coups semblent
permis, du fait d’une concurrence féroce
entre les 80 000 professionnels du secteur
en France. Imaginez que, dans la seule
ville de Paris, il existe plus de 2 000 agences.
Afin de nourrir le sujet, une journaliste du
magazine s’est infiltrée dans l’une d’elles.
En tant qu’« employée », elle s’est initiée
aux filons et aux chausse-trapes de la pro-
fession. Son expérience sonne comme
un avertissement : ne jamais faire totale-
ment confiance aux agents immobiliers.
— Raoul Mbog

| Documentaire de Christina Clausen (France/Italie, 2008) | 60 mn. rediffusion.
Cela fera trente ans l’an prochain que mourrait Keith Haring, le prince du street art. Ce
documentaire lui rend un vibrant hommage, sous la forme d’un portrait saccadé et bon-
dissant, comme le hip-hop dont le kid de Pennsylvanie fut le héraut. Né le 4 mai 1958, le
garçon reçoit ses premières leçons de son père, qui lui apprend à dessiner les yeux
fermés, car, disait-il, « c’est bon pour le rythme ». Une qualité que souligne ici l’un de
ses  galeristes : « Il a une main très forte, comme un musicien reconnaissable à la pre-
mière note. » Le jeune Keith fait ensuite ses premiers pas dans une école de graphisme,
qu’il abandonne aussitôt — « plutôt mourir que faire ce job ». Il se met à fréquenter les
musées — « C’est quand même le meilleur endroit pour draguer. » Puis il part suivre
les cours de la School of Visual Arts de New York, où ses professeurs lui suggèrent
d’arrêter en troisième année : « On n’a plus rien à t’apprendre. »
Bientôt, la spirale du succès s’empare du graffeur. Grace Jones, Madonna, Andy
Warhol... tout le monde se l’arrache. Les produits dérivés ornés de ses dessins, tasses,
tee-shirts... envahissent la planète. Tout un merchandising qui a tendance à faire oublier
que l’artiste était avant tout un as de l’improvisation graphique. Le film regorge de
séquences le montrant dans le métro ou dans la rue en train de tracer ses petits person-
nages à une vitesse supersonique. Et si son travail peut agacer, difficile de ne pas succom-
ber à l’aura du jeune homme mort du sida le 16 février 1990. Ce documentaire, dépour-
vu de voix off, est à son image, plein de fraîcheur, de rythme. — Jean-Baptiste Duchenne
rediffusions : 29/8 à 15.00, 30/8 à 12.00, 31/8 à 9.00

Télérama 3632 21 / 08 / 19
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