La Revue Nationale De La Chasse N°864 – Septembre 2019

(Wang) #1

138 La Revue nationale de la chasse - No 864 septembre 2019


chant sur des œufs”, traversant un
taillis de jeunes bouleaux et d’épines
noires. Canons à l’horizontal, je la
suis... Persuadé que nous pistons un
vieux coq, je parcours ainsi une cen-
taine de mètres derrière elle. En fait de
vieux coq, c’est une bécasse, légère et
silencieuse, qui s’envole devant mon
épagneule. D’un coup d’aile, l’oiseau
crochète et disparaît immédiatement
de ma vue, mettant, entre elle et moi,
le tronc d’un gros chêne. Une détona-
tion, venant de ma droite, me fait sur-
sauter. En vérité, en tournant la tête, je
ne suis pas trop surpris de découvrir
Jacques, qui s’est déplacé aussi vite
que moi, et qui s’est trouvé bien placé
pour tirer la Mordorée. Déjà, Jacka re-
vient avec la bécasse dans sa gueule.
Je la caresse, lui prends la belle rousse,
que je donne à Jacques, tout en le fé-
licitant. Bien sûr, je suis un peu déçu
de ne pas avoir conclu moi-même le
magnifique travail de Jacka, mais je
reconnais, que là où je me trouvais,
j’avais peu de chance de pouvoir tirer

dans de bonnes conditions.
Nous pénétrons maintenant dans une
partie qui me semble intéressante,
composée de genêts, de bouleaux et
d’aubépine. Nous parcourons la moi-
tié de la parcelle, lorsque Jacka prend
une émanation qui l’amène devant
un massif serré qui se trouve devant
Jacques. Ma chienne se met en arrêt,
et dans le même temps, une bécasse
fuse en claquant ses ailes. Fla... Fla...
Fla... Pan! Jacques ne lui laisse au-
cune chance. Il “sèche” la mordorée
juste avant qu’elle ne bascule sur la
cime des bouleaux. Jacka, toute fré-
tillante, me rapporte en courant la
bécasse. Encore une fois, je compli-
mente ma chienne... et Jacques. Je
n’irais pas jusqu’à dire que je ne suis
pas un peu contrarié et envieux, mais
je fais comme si.
Nous voilà repartis. Pendant deux
heures, nous arpentons différentes
parties boisées, sans rien lever d’autres
que quelques faisans, que nous nous
abstenons de tirer. Jacques, en bor-

Après-chasse Histoire de chasse


Texte : Alain Philippe – Illustration : Bruno Warnier


Bécasses de Sologne



Jacka se
met en arrêt,
et dans le
même temps,
une bécasse
fuse en
claquant ses
ailes. Fla...
Fla... Fla...
Pan! La voici
“séchée”!

C


ette journée de chasse
au grand gibier est loin
d’être une réussite.
Une petite compagnie,
d’une demi-dizaine de
sangliers, s’est défilée
avant le coup de trompe, un grand
solitaire a été loupé. En définitif,
seul un chevreuil, sur une dizaine
de levés, a été tué. Vers 22 heures,
tous les chasseurs sont partis, excepté
Jacques, avec qui j’ai prévu de chasser
la mordorée, demain. Je suis le loca-
taire des 260 hectares de Visomblain
et de sa maison principale. Comme la
plupart des territoires de Sologne, le
petit gibier est d’élevage, excepté les
oiseaux migrateurs, comme bécasses,
bécassines, canards, pigeons et grives.
Par contre, depuis vingt ans, le grand
gibier, lui, est en nette augmentation.
Pour éviter de déranger, j’applique la
méthode solognote, qui consiste à ne
chasser la bécasse qu’après une chasse
au grand gibier.
Le lendemain matin, nous prenons
un solide petit-déjeuner avec Jacques
pendant que Jacka, ma chienne épa-
gneul breton, se tient devant la porte,
impatiente d’aller chasser. Jacques,
n’a pas de chien. En fait, bien que
passionné par toutes les pratiques de
chasse, mon ami n’en a jamais eu, sa-
chant intelligemment profiter de ceux
des autres, comme vous allez pouvoir
le constater. Nous avons prévu de dé-
marrer à bon vent, sur la partie ouest,
avec comme principe de ne tirer que
bécasses, pigeons, lapins, et grives.
Jacka se dégourdit les pattes en faisant
des petits pas en-avant rapides, sur la
route. Je suis en train d’expliquer à
Jacques la manœuvre que j’envisage
de faire, lorsque celui-ci me saisit le
bras, tout en chuchotant : « Alain!
Regarde ta chienne! » Effectivement,
Jacka est à l’arrêt, tétanisée, au beau
milieu du goudron. Eh bien, croyez-
moi, ce spectacle est du plaisir à l’état
pur... J’arrive rapidement près d’elle.
Ventre à terre, Jacka quitte alors la
route et avance par saccades en “mar-
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