No 864 septembre 2019 - La Revue nationale de la chasse 139
dure du voisin, fait jaillir d’un tas de
bois un lapin, qu’il fait “bouler” sans
problème.
Après un déjeuner frugal, nous dé-
cidons de prendre la limite “est” de
Visomblain, pour explorer les bords
du Néant, refuge privilégié des
sangliers... et des bécasses. Couvert de
ronces, d’épines noires et de roseaux,
c’est un morceau de territoire diffi-
cile à chasser. Pour pouvoir mieux
localiser ma chienne, j’accroche une
sonnaille à son collier. Nous parcou-
rons la moitié de cette grosse haie,
sans rien voir. Nous arrivons près de
l’étang, lorsqu’une bécasse démarre
à froid, comme une folle, devant
Jacques. Mon ami, surpris, la loupe de
son premier coup, et la bordure de son
deuxième coup. L’oiseau, mal touché,
parcourt une bonne distance, pour
basculer, de l’autre côté du Néant.
Jacka, qui n’a pas quitté la bécasse des
yeux, traverse vite la petite rivière à la
nage. Une fois rendue de l’autre côté,
il ne lui faut que quelques instants
pour retrouver la fuyarde. Ma chienne
retraverse le Néant et vient vers moi,
tenant la bécasse dans la gueule. Pour
la troisième fois de la journée, je tends
l’oiseau à Jacques. Mon ami, pas du
tout gêné, met l’oiseau dans sa poche,
tout en se glorifiant d’avoir tiré et tué
trois bécasses, alors que moi, zéro...
Bon! Je suis fatigué, et surtout il
m’énerve. Je l’informe que je rentre
pour ranger la maison, préparer mes
affaires, et que nous partirons dès
qu’il reviendra de la passée. Car il
faut que je vous dise que Jacques est
un vrai “mordu” de la passée, qu’il ne
raterait pour rien au monde.
C’est là que mon histoire prend en-
core un peu plus de saveur...
La nuit est tombée. Je me tiens prêt
à partir, lorsque Jacques arrive,
enfin. Mon copain, qui tient entre
ses mains une sarcelle et deux col-
verts, m’informe qu’en allant se pla-
cer, il est certain d’avoir tué une bé-
casse, qu’il n’a pas pu retrouver. Il
me demande, si avec l’aide de Jacka,
nous avons le temps d’aller retrou-
ver cet oiseau. Sans hésiter une se-
conde, j’appelle ma chienne et nous
revoilà partis. Par contre, ma lampe
électrique ne fonctionnant pas, la
recherche se fera dans le noir... Le
tueur de bécasses nous emmène dans
la queue d’étang, bordé par le Néant,
qui est l’une des parties les plus sales
de ce territoire. En fait, Jacques ne
sait pas trop bien de quel côté est
tombé l’oiseau.
Jacka a bien compris ce que j’at-
tends d’elle. Je lui ordonne ; « Allez,
va chercher ma belle! », comman-
dement qu’elle connaît parfaite-
ment. En pleine obscurité, nous en-
tendons mon épagneule se faufiler
dans les ronces, nager, traverser le
Néant, puis... plus aucun bruit. Les
secondes, les minutes défilent, sans
que nous percevions dans la nuit
autre chose que le rappel de quelques
canes colverts au loin. Au bout de
dix minutes, imaginant ma chienne
en difficulté, je commence à l’ap-
peler doucement. Rien! Le temps
passe... Maintenant, certainement
à cause de l’obscurité, l’environne-
ment et le silence, très inquiet, je
crie, sans succès, son nom de plus en
plus fort. En vérité, j’angoisse com-
plètement. Enfin, j’entends Jacka
se mettre à l’eau pour retraverser le
Néant. Mon épagneule arrive labo-
rieusement à s’extirper des épines,
puis, elle se dirige vers moi. Soulagé,
heureux, je m’agenouille, la caresse,
et là, ma main touche... la bécasse,
qu’elle tient dans sa gueule. Inutile
de vous préciser, qu’avec Jacques,
nous sommes soulagés. Nous com-
plimentons Jacka pour avoir réussi
ce rapport si difficile, compliments
qu’elle semble bien apprécier (ne sou-
riez pas !).
Tout en cheminant vers la maison,
Jacques nous invite, avec mon épouse
Martine, à venir chez lui, un soir de
la semaine prochaine, pour déguster
ses quatre bécasses...
Et de conclure... que ce serait bien
mieux que ça soit moi qui les cuisine.
Sacré Jacques! ◆
“
Une fois
de l’autre côté
de la petite
rivière, il ne
faut à Jacka
que quelques
instants pour
retrouver la
fuyarde et
re ve nir.
”
Bécasses de Sologne