La Revue Nationale De La Chasse N°864 – Septembre 2019

(Wang) #1
une source de nourriture non
négligeable pendant une période cri-
tique. Elle aussi est en reproduction
et l'appétit de ses jeunes nécessite
un apport alimentaire important.
Elle s'est alors spécialisée dans la
recherche des nids de merles, no-
tamment en observant les mouve-
ments parentaux tout au long de la
période de reproduction et a prédaté
la grande majorité de ceux-ci.

Alors, vont-ils disparaître?
La longévité moyenne des merles
noirs étant de moins de 2 ans et
demi, en 1990, Groom aurait dû

ne quasiment plus observer d'oi-
seaux de cette espèce. Or ils étaient
encore omniprésents! Leur densité
était relativement stable et a même
augmenté dans certains parcs. Alors
comment est-ce possible? Il existe
deux hypothèses :
La première est que les merles vivent
nettement plus longtemps en ville
qu'à la campagne. Ainsi, les 5 % de
nids qui produisent des jeunes suf-
fisent à compenser la mortalité des
adultes. Or d'après d'autres études,
les chats domestiques seraient les
principaux prédateurs des merles,
il aurait donc été étonnant que

dans cette ville, où la densité de
ces félins est importante, les merles
aient eu une espérance de vie bien
supérieure.

immigration positive
La seconde hypothèse découle du
concept de métapopulation, bien
connu des biologistes : si une popu-
lation suit une dynamique d'évolu-
tion négative, ce qui est le cas pour
les parcs urbains, en raison de l'ab-
sence de reproduction suffisante,
des individus immigrent depuis des
populations proches géographique-
ment pour venir combler les espaces
qui se libèrent. Par exemple, dans les
jardins des particuliers ou les friches
industrielles, bien moins propices
au développement de leur ennemi
juré, les merles pourraient se repro-
duire sans la menace constante de se
faire piller leur nid. L'accroissement
important de ces populations dans
un environnement limité par les
ressources, où la compétition avec
les congénères règne, pourrait ainsi
pousser certains merles à quitter ces
endroits pour venir s'installer dans
les parcs urbains. Cela pourrait com-
penser la totalité de la prédation des
nids. Dans ce cas, l'élimination des
pies n'aurait donc sans doute rien
changé. Certes, elles ont eu un im-
pact énorme sur la reproduction
dans les parcs mais si des merles sont
partis de leur lieu d'origine pour
venir s'y installer, ce n'est pas pour
rien. Dans les jardins et les friches,
ils seraient sans doute morts, faute
d'accès aux ressources... ◆

Chasse Enquête


Cette pie tient
en son bec... un
œuf de merle.

52 La Revue nationale de la chasse - No 864 septembre 2019


Prédateur et proie : une relation complexe
Les études sur la
prédation des nids par les
pies, et plus généralement les
corvidés, sont nombreuses
et la majorité d'entre elles

ne montrent pas d'impact
significatif de la suppression
d'une de ces espèces sur la
dynamique des populations
de leurs proies. La nature est

en effet complexe et l'étude de
la relation entre un prédateur
et une proie ne suffit
généralement pas à expliquer
l'évolution d'une population.

À gauche, un "vrai" œuf
de ramier prédaté,
impossible d'identifier
le prédateur. Les deux
autres œufs sont en pâte
à modeler, les
empreintes y sont
nettes. Au centre, les
traces de dents et de
griffes sont
caractéristiques des
micromammifères
(mulots, rats, souris...).
À droite les empreintes
du bec en "V"
permettent d'attribuer la
prédation à un corvidé.

Photos

: Mathias Noël


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(c) Photoshot / Manfred Danegger / Biosphoto
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