Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1
SEPTEMBRE 2019 R&F 015

j’écoute ça. J’ai à peu près tout de
Tamla Motown. C’est inimaginable tout
ce qu’ils ont pu faire ces pauvres gars,
en étant sous-payés, surtout. Il y a
un très bon film d’ailleurs à ce sujet,
“Standing In The Shadows Of Motown”.
R&F : Vous avez joué à Paris au
mois de juin... Quel album live
vous a marqué?
Christian Vander :“Cannonball
Adderley Live!” (1965).
R&F : Qu’écoutez-vous
en ce moment?
Christian Vander :Régulièrement,
j’écoute John. Et j’apprends toujours.
R&F : Vous apprenez quoi encore,
après tout ce temps?
Christian Vander :Quand on est
jeune, on écoute globalement, mais,
après, on commence à rentrer dans les
détails. Et comme John est quelqu’un
de très sensible et intelligent, plus on grandit, plus on le découvre.
C’est une musique à étages. C’est comme une statuette égyptienne.
On peut la regarder et se dire qu’elle est belle, tout simplement,
puis en s’approchant se rendre compte qu’elle respecte le
nombre d’or... C’est un peu le même phénomène avec John.
Sa musique est multidirectionnelle.


R&F : Que pensez-vous
de l’objet album?
Christian Vander :Un disque, c’est
une confiance. On pose le diamant et on
est parti. Comme dans “Kind Of Blue”,
par exemple, de Miles. C’est comme ça
que j’imagine un album. Une confiance.
On va se laisser naviguer.
R&F : Etat de l’industrie actuelle?
Vous avez votre propre label...
Christian Vander :Oui, mais on a commencé chez Philips,
puis on a signé chez A&M, parce que le trompettiste Herb Alpert
était fan de Magma... On a fait deux albums avec eux. Aujourd’hui,
l’état des maisons de disques ne m’intéresse pas. J’essaie de laisser
parler ma musique. C’est pour ça que Magma a traversé les modes.
Je pense que cela va être dur pour certains chanteurs actuels
quand ça va se réveiller. Ils jonglent sur deux ou trois octaves,
une quinte, une tierce, c’est tout. Quand ça ne sera plus
la mode, ils vont descendre de pas mal d’étages.
C’est terrible de ne pas chercher à travailler les phrasés.
R&F : Que pensez-vous de l’Auto-Tune d’ailleurs?
Christian Vander :C’est dommage pour les gens qui travaillent.
C’est tellement juste, que ça reste froid. Il n’y a pas d’émotion.
Si le don’était qu’un do, on n’en parlerait plus, hein? Mais il tend
vers quoi ce do? Vers un si? vers un dodièse? Mystère. C’est cela
qui crée la beauté. Le dodroit comme un i généré par cette machine,
on a bien compris que c’était un do. Ça n’a aucun intérêt.

Coltrane n’est pas free
R&F : Disque pour une île déserte?
Christian Vander :J’ai un copain, Jean-Pierre Duquesne,
qui a acheté une île aux Caraïbes, il bossait pour la société
Purina (aliments pour animaux).
R&F : Ah!
Christian Vander :Je dirais un disque de John Coltrane.
Le problème c’est qu’ils sont tous complémentaires. Mais les disques
qui sont sortis après qu’il est parti, comme “Transition”, un disque
que j’aime beaucoup, où on entend
vraiment la construction, comment
John abordait ses phrasés. Il y a un
but ici, il y a un travail interne dans
l’élaboration de ses chorus, à l’intérieur
d’une forme et je rappelle que la
musique de Coltrane n’est pas free.
Au sens free jazz. Ce sont des formes
qui se créent sur 8, 16, 32 mesures.
R&F : Au final, quel est le
disque de Magma dont vous
êtes le plus fier? Votre préféré?
Christian Vander :Le cheval
de bataille a toujours été “Mekanïk
Destruktïw Kommandöh”, et le
cycle avec “Köhntarkösz”, un
très bon disque aussi, mais en fait
pour moi l’aboutissement de tout cet
ensemble, c’est le dernier, “Zëss”,
qui résume tout, c’est pour ça que
j’ai attendu si longtemps pour le faire... “Zëss”, le jour du néant,
après il n’y a plus rien à espérer, ça serait mon dernier disque.
Mais peut-être était-ce un songe? ★
Album“Zëss” (Seventh)

“J’ai à peu près tout


de Tamla Motown”

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