Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1
SEPTEMBRE 2019 R&F 037

“LES DEBUTS DE ZAPP? ÇA SERAIT TROP LONG A
VOUS RACONTER, vous n’êtes pas prêt! Le premier
album est sorti en 1980, des années avant ça on avait
un groupe qui s’appelait Roger & The Human Body. On
était en famille, avec les frangins Troutman, Roger, Larry,
Terry et moi-même, comme membres principaux. Plus
tard, quand on était encore des teenagers, on a rencontré
George Clinton et Bootsy Collins en studio, on a enregistré
le premier album et on a trouvé notre nom de groupe à
la fin de l’enregistrement, à partir du surnom de Terry”
raconte Lester Troutman dans les coulisses du Trabendo,
avant le show du 4 novembre 2018. En effet, Terry, le
plus jeune de la fratrie, est encore au lycée quand le
groupe commence à tourner. Vu qu’il rate des cours à
cause des concerts, il doit régulièrement aller dans le
bureau du proviseur, un certain monsieur Sapp. Terry :
“Mon père me disait tout le temps : ‘Il faut que tu ailles
voir Sapp, va voir Sapp !’”Lester enchaîne : “On a
commencé à l’appeler Sapp, et le surnom est resté.”

Hymne absolu du gangsta rap
Zapp était né. Dès le premier album homonyme coproduit par Roger et Bootsy
Collins, l’identité du collectif s’impose. Un funk gras, des lignes de basse
puissantes, des mélodies envoûtantes et surtout cette fameuse talk box utilisée

par Roger qui donne une couleur soul psychédélique aux morceaux.
Cet instrument insolite (une sorte de pédale d’effets reliée à la bouche
de l’interprète par un tuyau en plastique) permet au musicien qui l’emploie
de moduler sa voix et de lui appliquer un effet robotique semblable à
celui du vocodeur. D’autres artistes ont utilisé la talk box avant Roger,
dont Jeff Beck, Peter Frampton et Stevie Wonder, mais nul n’a égalé
Roger Troutman, qui en devient l’ambassadeur. Le single “More Bounce
To The Ounce”, dont le titre est inspiré par un slogan de 1951 pour
Pepsi-Cola, ne fait guère recette dans les charts pop (numéro 86 du
Billboard Hot 100 en 1980) mais s’impose sur le marché du R&B.
Une quinzaine d’années après sa sortie, il sera l’un des samples les plus
cruciaux de la génération hip-hop, apparaissant sur près de 300 morceaux
parmi lesquels “Going Back To Cali” de Notorious BIG, “Snoop Bounce”
de Snoop Dogg, “You Gots To Chill” d’EPMD, “Long Ago” de Mariah
Carey et “Bop Gun (One Nation)” d’Ice Cube & George Clinton. Comme
James Brown avant eux, Zapp devient une référence du sample rap.
Lester : “Le premier sample de Zapp que j’ai entendu, c’était ‘More Bounce’
de Heavy D & The Boyz en 1989 et je me suis dit : ‘Wow, c’est bon ça !’
Je pensais que ça allait être un cas unique et puis il y a eu Biggie, 2Pac,
Dr Dre, Ice Cube... Au début, personne ne nous a demandé la permission,
il n’y avait pas vraiment de législation sur l’utilisation des samples à la
fin des eighties! J’étais curieux de savoir comment ils faisaient, je croyais
qu’ils rejouaient le morceau, puis j’ai compris qu’ils rappaient sur le son
du disque.”Les albums se suivent et se ressemblent, avec toujours ce
grain lourd et funky accompagné du chant signature de Roger, qui
groove grave avec sa talk box : “Zapp II” en 1982, “Zapp III” en 1983,

Il y a quelques mois, un concert parisien du groupe
des frères Troutman ressuscitait le heavy funkdes
années 1980. Ce groupe familial et légendaire
a pourtant frisé l’extinction après la mort violente de

deux membres fondateurs lors d’un tragique fait divers.
Saga d’un collectif funky et miraculé.

ZAPP


“Les frangins Troutman :


Roger, Larry, Terry et moi”


PAR OLIVIER CACHIN


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Photo Micahel Ochs Archives/ Getty Images

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