Rock et Folk N°625 – Septembre 2019

(Darren Dugan) #1
046 R&F SEPTEMBRE 2019

Les couloirs débordent d’affiches, tickets
de concerts, badges et laissez-passer en taille
poster. Encadrés, empilés, aux murs, par
terre, partout, The Who, Kate Bush, Stevie
Wonder, Kraftwerk, Black Sabbath, Devo,
Pat Benatar, Barry White, Judas Priest,
Roxy Music... Nous sommes dans les bu-
reaux d’Albert Koski, Paris seizième. Le
Kde KCP, Koski Cauchoix Productions :
c’est lui qui a fait jouer dans l’hexagone des
seventies tous les artistes précités, lui qui a
importé les grands concerts dans la France
de la préhistoire, d’avant les Inodore Hôtel
Arena, à une époque où se rendre à un
live relevait d’une aventure un peu plus
périlleuse qu’une soirée Netflix. Bronzé, cheveux dressés
sur le crâne, chaleureux, Koski nous offre un verre de
vin et commence par le début.

Il n’y avait rien
Albert Koski :Je suis né en 1939 sur un quai de gare en Pologne :
un train emmenait mes parents en camp de concentration. Ma première
année, je l’ai passée dans un camp allemand, et les cinq d’après, dans
un goulag russe. On s’en est sortis, en 1947 on s’installe en France et,
en 1956, j’atterris à New York : je bénéficie de l’aide d’un organisme,
le United Jewish Appeal, pour étudier à Columbia. Là, je découvre Elvis
Presley, putain, un choc.

ROCK&FOLK : Vous avez tout de suite compris que vous alliez
travailler dans le rock?
Albert Koski :Pas du tout. J’ai commencé comme courtier à Wall
Street. Je sortais avec une ex-mannequin, dessinatrice de mode, tous
les photographes passaient chez elle, j’ai eu l’idée de faire quelque chose
avec eux.

R&F : Avec David Bailey et Richard Avedon,
qui ont photographié les Beatles : c’est ce qui
vous attirait chez eux, leur lien avec le rock?
Albert Koski :Non. Ils photographiaient surtout
des mannequins. Ils étaient payés pour leurs photos,
et une fois qu’ils les vendaient, plus rien : j’ai décidé
qu’ils devaient toucher des droits d’auteur. J’ai négocié
ça avec les plus grands : Bailey, Avedon, Irving
Penn, Jeanloup Sieff... C’est grâce à moi s’ils sont
devenus millionnaires. Regardez cette photo de Bailey :
c’est moi avec Françoise Dorléac, avec qui j’étais à
cette époque... Et là : moi avec Marc Bolan...

R&F : Ah, alors, comment venez-vous au rock?
Albert Koski :J’étais très lié à Mick Jagger, à la fin
des sixties on sortait tout le temps ensemble, nos petites copines étaient
sœurs...

R&F : Mais... Marianne Faithfull est fille unique!
Albert Koski :Jagger ne se limitait pas à une fille. C’est avec lui que
l’idée a fait son chemin : travailler dans le rock. J’ai appelé une amie
qui s’occupait de Bowie, mais il ne tournait pas à ce moment-là,
contrairement à Bolan, alors je suis parti sur une tournée T Rex,
trois mois, en 1971.

R&F : Epoque “Electric Warrior” : c’est la T Rexmania!
Albert Koski :C’est alors plus fou que Bowie. Le mec, il fait 1 mètre 60,
et quand il agite ses cheveux, 2000 petites culottes tombent sur
scène! Je me suis dit : “C’est pour moi, ça”! En Angleterre, T Rex
était un phénomène, et ce n’était pas possible qu’il tourne en France :
j’avais trouvé ma nouvelle mission. M’occuper d’un artiste, le payer,
louer la salle, faire les billets, trouver l’hôtel, le déplacement, tout ça
n’existait pas ici.

En vedette


Dans les années 70, faute d’infrastructures,


aucun grand groupe ne peut tourner en France?


Une compagnie va en faire sa mission : KCP.


Le K raconte.


ALBERT KOSKI


RECUEILLI PAR BENOIT SABATIER


“Une fois, la police me coupe l’électricité.


Il a fallu que j’appelle Giscard”


Photo DR
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